Entre le 20-21
Novembre 2018, à l’occasion de la fête de “l’Entrée au temple de la Très Sainte
Mère de Dieu”, la communauté de la famille de la Sainte Trinité, Douma, Liban,
eu la bénédiction de recevoir un groupe de jeunes de l’association “Nepsis”, de
l’archidiocèse Roumaine en France, accompagné par son Éminence Monseigneur
Joseph (Pop), son Excellence Monseigneur
Marc (Alric), et Père Julian (Nistia), au cadre de leur pèlerinage au Liban.
Avec grande joie nous désirons partager
avec nos lecteurs les paroles bénies qui ont été prononcées à l’occasion.
Son Éminence Monseigneur Joseph au réfectoire du Monastère Saint Jean-Baptiste avec les membres de la communauté et les membres du groupe “Nepsis”. |
Parole du Monseigneur Joseph Pop à la communauté,
Au réfectoire du monastère.
20 Novembre
2018.
Ce moment que nous vivons maintenant, on le
doit je pense, si l’on regarde l’histoire de chacun de nous, à Saint Silouan.
Ce qu’a fait venir Mère Mariam en France dans le temps c’était Saint Silouan.
Ce qu’a fait venir par exemple Monseigneur Marc en France c’est Saint Silouan…
Peut-être que ce qui nous a fait nous, ou moi venir en France c’était aussi Saint
Silouan. Par interposition, pour Mère Mariam s’est interposé Père Sophrony et
en France il y avait toute cette fraternité monastique qui se tissait entre
l’Angleterre, entre le monastère de Père Sophrony, le monastère de Bussy, le
monastère Saint Silouan, et par la suite ce monastère de Saint Jean-Baptiste
ici au Liban. On évoquait avec Mère Mariam le fait que c’est incroyable comment
des peuples Orthodoxes entiers sont solidarisés autour de Saint Silouan au 20ème
et au 21ème siècle.
Quand j’étais étudiant, il y a assez
longtemps, au monastère de Maldon. On est arrivé atterris de pays Orthodoxes
avec une langue unique, et on ne connaissait pas les autres et on voyait tout
d’un coup et on en entendait parler au moins une dizaine de langues autour de
nous. On voyait des Suisses, des Anglais, des Allemands, des Français, des
Belges, des Américains, des Égyptiens, des Russes, de partout… Au monastère, la
liturgie devait comprendre pas seulement l’anglais mais ils priaient dans toutes
les langues, n’en parlons pas de la prière de Jésus, quant il y avait la prière
de Jésus on passait par le finlandais, le roumain, l’arabe, le grec, le russe,
l’anglais… Chacun disait dans sa langue, et on s’est rendu compte que cette
manière de faire les choses a tellement solidarisé et a tellement ouvert les
portes entre les Orthodoxes parce que ce qui était difficile c’est que nous
vivions chacun dans notre propre coin et on pensait que personne n’est plus
Orthodoxe que nous-mêmes, personne. Nous sommes les meilleurs Orthodoxes et
souvent quand les autres Chrétiens venaient on pensait qu’il n’y a pas de
meilleurs Chrétiens que nous autres Orthodoxes. Et on se réveillait, ou en
effet s’éveillait avec des Chrétiens qui ne se disaient pas Orthodoxes mais qui
priaient mieux que nous les Orthodoxes. Ils connaissaient souvent, la théologie,
la prière du cœur, la prière de Jésus mieux que nous…
Tout ça à l’époque quand j’étais jeune
étudiant, m’a ouvert tout d’un coup un monde Orthodoxe que je ne connaissais
pas, c’était comme une sorte de brouillard qui a était enlevé de nôtres têtes,
même si on était en quelque sorte préparé à voir les autres. Les années d’après
on faisait des pèlerinages qui partaient de France avec des jeunes du monde
entier, du monde Orthodoxe… et on se retrouvait surtout en Roumanie en visitant
les monastères et on a commencé aussi à chanter dans toutes les langues et voir
les réactions des moines et des moniales surtout quand ils voyaient des
dizaines de jeunes chantant dans plusieurs langues, dire le “Notre Père” dans
différentes langues… Tout ça faisait qu’on sortait de soi-même, de sa propre
maison, de son propre paradis, parce que certains disent : “Taisez-vous
c’est le paradis des Grecs, ça c’est le paradis des Russes, Roumains, Catholiques,
des Protestants”… Ça ouvrait en quelques sortes beaucoup de portes entre nous
les Orthodoxes même si en Occident nous vivons, nous sommes très mélangés et
même ici le groupe qui est là…
Autour de la canne de Père Sophrony. De gauche à droite: Père Thomas, Monseigneur Joseph, Monseigneur Antonios, Mère Mariam, Monseigneur Marc. |
On doit énormément à l’ouverture que le
Père Sophrony a faite en Occident par son arrivée et par le monastère qu’il a
ouvert. Chassé de France en Angleterre, et la brèche qu’il a fait et ouvert. C’était quelque chose de prophétique. Quand on est chassé de quelque part, nous
dramatisons les choses, mais souvent il y a un appel de Dieu qui se manifeste
comme ça. Dieu te fait sortir de ton propre pays, de ce que tu aimes et tu ne
voudrais pas lâcher d’entre tes mains, et Il t’envoie quelque part où tu es un
étranger. Qui sont les étrangers?. Les Libanais le savent bien, parce qu’il y a
des millions à travers le monde, comme les Russes, les Grecs, les Roumains…
Quand on est étranger on a plus d’attention et de sensibilité et on peut dire
qu’on prie mieux puisqu’on ne peut pas se fier à qui que se soit. On n’a pas
d’aide humaine, pas de frères, pas de sœurs… On se fie à Dieu Lui-Seul, et notre
seule espérance c’est là-haut. Notre seule espérance est Dieu. Quand nous
sommes tous ensembles, nous sommes bien enracinés dans ce monde, mais quand on
est étranger on n’a personne, seulement nous et Dieu!. Pour
cela Dieu est nommé dans plusieurs endroits de l’Ancien Testament surtout Il
est le Dieu des étrangers, dans les psaumes surtout, Il est le Dieu de la veuve
est des orphelins… Pour cela Il est le Dieu des étrangers, puisque l’étranger a
une sorte de sensibilité envers Dieu que personne d’autre ne l’a.
Je me rappelle quand j’ai vu Mère Mariam
pour la première fois en France, en 1995 à Bussy, elle nous a parlé de la
guerre au Liban, et comment les Chrétiens Libanais ont échappés à cette guerre.
Ils étaient très peu nombreux, entourés par des ennemis tout au tour, mais au bout
de certain temps on a apprit à faire la paix. Une fois j’étais au parlement
Européen, on a dû parler avec un Imam, un Rabbin, un évêque Catholique, un
pasteur Protestant… On a dû parler de la paix, comment les peuples vivent. On a
dit chacun ce qu’on a pu dire, moi j’ai donné un exemple. On avaient une sorte
de pièce de théâtre en Roumanie qui s’appelait “Take yanke Chi ka Dur”, c’était
un Orthodoxe, un Juif, un Musulman, qui vivaient tout les trois dans la même
rue et ils faisaient du commerce. Ils devaient s’entendre mais au moment où la
fille du Juif devait se marier avec le fils du Chrétien Orthodoxe toute
l’amitié est tombée, on est ami mais on ne se mélange pas. Il y avait le Rabbin à
côté de moi, on continuait à parler de la paix, je lui chuchotais et j’ai
dit : “Monsieur le Rabbin, la paix est la chose qui se gagne avec beaucoup
de guerre”. Il a dit :“ Comment?!”. En effet si on ne se fait pas la
guerre à soi-même on ne peut jamais atteindre la paix.
L’expérience de la prière que vous avez
ici, qui a accompagné la guerre qui a eu lieu au Liban, cette prière a sauvé le
Liban, carrément le Liban a été sauvé par la prière des Chrétiens. Quand
j’étais au Parlement Européen, j’entendais les témoignages des politiques
Libanais, comme on avait mal à vivre à l’époque. Le cri du Liban était :
Écoutez nous sommes submergés, aidez-nous, et ils criaient cela auprès des peuples Chrétiens: “Qu’est ce que vous voulez qu’on fasse nous?. Nous avons résisté jusque là, mais
maintenant nous ne savons pas qu’est ce qu’on va faire?!”...
Je pense que ce qui nous sauve c’est cette
prière discrète dans les montagnes toujours dans les montagnes, une prière à
laquelle Dieu Lui-même s’accroche pour nous sauver. Souvent Dieu s’accroche à
notre prière pour nous sauver. Quand Elie
a reproché à Dieu que lui seul est resté le meilleur, le plus juste, le
plus croyant de tous… Dieu lui a dit : “Tais-toi, parce qu’il y a des
milliers d’hommes, 7 milles qui n’ont pas fléchis les genoux devant les idoles”.
Dans ce monde où nous vivons, nous les
Chrétiens nous sommes nostalgiques des empires. Olivier Clément disait que nous
ne sommes pas là pour ça, nous sommes, “le sel de la terre”. S’il y en a trop
de sel on ne peut pas manger, si on n’a pas de sel on ne peut pas manger. Le
sel est ce qui donne le juste goût de la nourriture et pour nous il disait que
si on avait une sorte de blessure, le sel ne laisse pas les blessures se
refermer. Il disait que le Chrétien est un prophète, qui par son attitude, par
sa prière, et par sa vie, ne laisse pas se refermer cette plaie que Dieu a fait
dans le monde, dans l’humanité par Son Incarnation, et par Sa présence parmi
nous les humains.
Ce pays le Liban, moi je ne suis jamais
venu mais il est plongé dans l’histoire du commencement du Christianisme et pas
seulement des commencements de la vie Biblique. On est tout près des endroits
où avons passé probablement aussi beaucoup de prophètes, et aussi Le Seigneur.
Nous vous remercions Mère Mariam pour ce
témoignage extraordinaire, modeste, et humble, que vous donnez ici au Liban au
milieu de peuples qui ne sont pas toujours Chrétiens et même les Chrétiens…
Nous sommes fiers quand on dit dans un pays Orthodoxe que nous sommes 90%
Orthodoxes... Ah, c’est extraordinaire!. Mais quand on gratte un tout petit peu,
on voit que nous ne sommes pas où nous devons être avec notre foi. Si on est
humble, on prit le Seigneur comme si on ne l’était pas. Je connais un prêtre
qui dit :“ Je n’ai pas la foi, mais je me comporte comme si je l’ai, je
n’ai pas la foi mais je pris comme si j’avais la foi”. Il le disait d’une
manière tellement appuyée qu’on avait envie de le croire. Quand on dit qu’on
prit comme si on n’a pas la foi c-à-d on prie comme des désespérés, puisque ma
seule espérance ou mon seul espoir, est celui en Qui je dois croire mais je
crois très peu.
Groupe “Nepsis” au Monastère Saint Jean-Baptiste, Douma, Liban. |
*Groupe “Nepsis” :
NEPSIS est une association de jeune qui a
pris naissance au sein de la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale
et Méridionale (MOREOM) en 1999.
Le terme “nepsis” vient du grec et signifie
“état d’éveil”. C’est un terme couramment utilisé par les ascètes et se réfère à un état de l’esprit, de la
conscience, de l’âme. L’être humain est appelé à toujours être vigilent face
aux choix qu’il est amené à faire dans la vie de tous les jours, face aux
hommes qui l’entourent, face à la vie en général.
Ainsi les jeunes sont
encouragés à ne jamais “s’endormir” spirituellement et d’investir toute leur
énergie physique dans des actions leur donnant un repos de l’esprit.
Il existe plusieurs
“niveaux Nepsis” dans NEPSIS MOREOM : au niveau national, de chaque pays
représenté, au niveau régional et paroissial.