Saturday, May 13, 2023

L'HOMME.
Saint Sophrony l'Athonite.

 11 octobre 1964. 


Saint Sophrony l'Athonite.

 

Chère matouchka Natacha, que la paix soit avec vous. Merci beaucoup pour votre lettre. Visiblement, nous sommes en communion de pensées. Ces trois dernières semaines j'ai été particulièrement inquiet à votre propos, je n'arrêtais pas de penser à vous. J'avais l'impression que vous alliez mal, mais ce que c'était, je n'en savais rien. Je ne suis pas entièrement rassuré, même si vous pouvez maintenant m'écrire vous-même au sujet de votre maladie. Mais quand même, votre lettre m'a fait plaisir. Nous vivons si loin les uns des autres, dans des conditions si différentes qu'il m'est tout à fait impossible de me faire ne serait-ce qu'une vague idée de votre vie quotidienne. C'est bien que vous ayez réussi à rendre votre maison à peu près confortable. C'était tellement dur pour vous, avant. Même si cela n'a pas duré longtemps, une période d'efforts aussi pénibles a pu ruiner votre santé déjà fragile sans cela. 


Merci de m'avoir donné des nouvelles des garçons. Quand vous êtes partis ils étaient encore petits, et maintenant, dites­-vous, ils sont plus costauds que leur père. Est-ce que vous avez la photo, au Donjon, où je suis sur le divan avec Kolia dans mes bras quand il avait à peu près deux ans ? Maintenant c'est lui qui pourrait me tenir sur ses genoux. J'espère vrai­ment que Micha et lui réussiront à terminer leurs études supé­rieures. J'avais entendu dire il y a assez longtemps que tout le monde devait faire un stage de travail en usine. Dans le cadre de l'éducation de la jeunesse, je trouve cette mesure très raisonnable. Souvent les jeunes qui n'ont pas connu de vrai travail - un vrai jour de travail - tournent mal et deviennent insensibles aux souffrances des autres, et ils peuvent sombrer dans la délinquance. Mais il est tout aussi évident qu'une telle mesure, bénéfique à l'échelle d'un État, peut s'avérer parfois néfaste pour des cas particuliers, parce qu'elle interrompt les études au moment le plus important, celui où l'organisme de l'homme est le plus apte à apprendre. 

Quoi qu'il en soit, ne vous affligez pas, ni vous ni Kolia, si un temps précieux devait quand même être perdu. Moralement, Kolia sera toujours gagnant s'Il est attentif à l'HOMME, à tous les hommes. S'il apprend par sa propre expérience au prix de quelles souffrances est gagné le « pain quotidien », il acquerra un cœur sensible aux besoins des gens. J'ai tellement aimé vos garçons qu'à présent j'éprouve une grande joie à revivre, par la pensée, ces jours lointains. Maintenant, par exemple, je revois comme si c'était hier Kolia en train de se mettre debout pour la première fois, d'éclater d'un rire TRIOMPHANT, tout heureux de sa victoire[1]. Que cela lui serve d'exemple: il doit, maintenant comme alors, se lever victorieusement, c'est-à­-dire passer de la position horizontale propre aux animaux à la position verticale propre à l' HOMME. Le mot grec anthropos signifie: « celui qui regarde vers le haut ». J'aime aussi le mot tchelovek (l'homme, en russe) si on l'interprète de la façon suivante: tchelo (le front), c'est l'image de l'intelligence, vek (le siècle) c'est l'éternité. Autrement dit: «l'intelligence éternelle». En effet, la caractéristique d'une âme vivante est qu'elle sait que la mort est impossible à l'homme; qu'il ne «mourra pas tout entier», et qu'un certain côté de son être “échappera à la corruption[2]». C'est ainsi que je me repré­sente toujours Kolia.


Père Boris, son épouse Nathalia et le petit Sergik.

Je suis vraiment très content pour Micha. Mais je suis impressionné : quel géant! surtout si on le compare à sa maman, petite et mince. Transmettez à tous les deux mon amour et ma bénédiction. Quand vous écrirez à Véra, dites-lui que je l'aime comme avant. Comme elle était jolie! L'est-elle toujours?

 votre lettre m'a donne une idée : avez-vous un magneto­phone ? Je pourrais enregistrer un disque, c'est-a-dire une bande, et vous l'envoyer. Mais de quoi voudriez-vous que je parle? Voyez si c'est possible de vous faire parvenir ce genre de choses. lci, bien sûr, c'est une forme de correspondance. Beaucoup de gens envoient des bandes a leurs amis et a leurs proches, et ainsi leur permettent d'entendre des conversations enregistrées sur le vif. [...] Je vous enverrai ma photo quand j'en aurai une plus ou moins supportable. Tout le monde me photographie sous toutes Jes coutures, mais moi je ne reçois ces photos que très rarement et elles sont presque toujours incroyablement mauvaises. J'ai toujours envie de casser les miroirs qui me montrent a moi-même, tout en me rappelant le dicton : « pourquoi s'en prendre au miroir si on a le nez de travers?» Si Dieu nous prête vie, nous nous reverrons, soit ici, soit chez vous. lci tout va bien, grâce a Dieu. Bien sûr, je vieillis et je perds mes forces, mais vu mon âge, c'est encore supportable. Nous avons un bel hiver, il fait doux. Le jardin est encore presque entièrement vert bien que les feuilles aient commencé a tomber il y a déjà un mois. II y a souvent des jours ensoleillés, transparents. Et cette année nous avons eu le plus bel été que je me rappelle, aussi bien en France qu'ici. Vous êtes quand même plus jeune que moi. Vous devez vous rétablir. J' attends avec impatience votre prochaine letter avec de meilleures nouvelles.

Transmettez au Père mon indéfectible amour. Dites-lui que j'ai eu recemment la visite de Leon Zander[3]. Je ne suis pas allé à l'étranger cette année. Comme vous le voyez, je commence à sauter du côq a l'âne. Alors je m'arrête d'écrire. Je sais que vous aimez le Seigneur. Et même, que vous m'aimez. Et vous savez que je vous aime, comme toujours, très fort.

Votre TATI.

 

 

 

Référence:

Lettres à des amis proches. Archimandrite Sophrony. Cerf.2013.

 

 

 

 


[1] Avant sa venue en France, le père Sophrony n'avait jamais eu l'occasion d'être en contact avec de petits enfants. Il a vu grandir les fils du père Boris avec affection et intérêt, Le fils cadet a fait ses premiers pas en sa présence, et il s'en est toujours souvenu.

[2] Les deux citations sont tirées du poème de Pouchkine (et de celui d'Horace qui en est la source) Exegi nionumentum (NdT). 

 

[3] . Philosophe, theologien, membre dirigeant de I' ACER.

Saturday, May 6, 2023

Spiritual trials.
Saint Sophrony the Athonite

 

Saint Sophrony the Athonite.

      Man does not always find it easy with God. In the generally much prolonged periods when grace abandons the soul, God may appear a merciless tyrant. When all his efforts - often pushed to extreme limits - fail to obtain Divine mercy, man suffers so acutely that, were it possible, he would renounce existence in any form.

What, then, is the nature of this suffering? Not an easy question to answer.

Once having cognized God, having experienced life in the light radiating from the Divine Countenance, the soul no longer finds peace or satisfaction in any reality of this world, while at the same time she is surrounded by everything except God. Everything she recognizes as evil, as darkness, as demonic action, tosses her about. Sometimes the torture inflicted by the passions is so intense that it seems as if God had abandoned man and now paid no heed to his appeals. Like the most helpless creature he hangs suspended over the frightful abyss, and cries to God for help but all his cries remain unheeded. God seems indifferent to all his sufferings. The soul is aware that she had turned away from God's love, and her iniquity and betrayal torture her. Nevertheless, she implores Him to have pity on her. But in vain. God merely indicts the soul and she is weary of such accusations. She recognises the justice of the divine judgment but that by no means lessens her sufferings. It is not her imagination - she really is plunged into the shadow of death, and not finding by her side the God Whom she invokes day and night she suffers intolerably.

One asks oneself - where is the sense in all this?  

During the times of trial the soul cannot accept it as a sign  of  Divine mercy or of God's confidence in her, as His desire to associate man with holiness and fulness of being in Himself. The soul knows only one thing - that God has abandoned her after having manifest His Light, thereby vastly magnifying her misery. And when, at the end of her, strength, she does not behold God leaning mercifully towards her, such thoughts and sentiments assault her con­cerning which it is better to remain silent. The soul descends­ into hell but not like those who do not know the Divine Spirit, who do not possess the light of true knowledge of God and so are blind. No - she descends into hell capable of discerning the nature of the darkness she beholds.

This only happens to those who, having known Divine grace, have then lost it. The seed of Divine love which the soul bears in her depths then engenders repentance so powerful, so total, as to surpass the measure of ordinary religious consciousness. Shedding abundant tears, man turns, to God with his whole being, with his whole strength, and so learns true prayer, which detaches him from this world, introducing him into another world where he hears words, which no human language can express - ineffable words, since once translated into current concepts he who hears' them can only see and hear what he knows from his own experience. When the soul has gone through this whole gamut of harsh testing she perceives clearly in herself that there is no place in the world, no tribulation, no joy, no force, no creature that could separate her from the love of God. The shades of night can no longer swallow up the light of this life.

 

Reference:

Saint Silouan the Athonite. Archimandrite Sophrony(Sakharov). 1991.


Saturday, April 29, 2023

Intuition.
Saint Sophrony l'Athonite.

 

Icône de Saint Sophrony.

      Malgré une conscience aiguë de mon extrême insignifiance - ou peut-être justement en raison de ce tourment intérieur -, j'ai prié pendant des dizaines d'années pour que le Seigneur me donne, à moi aussi, l'inspiration de le suivre« partout où Il va » (Ap 14,4). Partout, que ce soit au désert pour mettre à l'épreuve la fidélité de mon amour pour le Père (voir Le 4, Is), sur la voie de la prédication du Royaume de l'amour paternel sans reculer devant les innom­brables avanies qui l'accompagnent, sur le mont Thabor où les trois élus entendirent la voix du Père: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé» (Mt 17, 5), ou encore - avant tout - au jardin de Gethsémani ct au Golgotha.

Par «inspiration», j'entends la puissance du Saint-Esprit agissant au-dedans de nous (voir Jn 4, 13-15 ; 7, 37-39). Ce genre d'inspiration ne se situe pas sur le même plan de l'être que l'inspi­ration dans les domaines artistique ou philosophique. Celle-ci - propre à notre nature déchue - peut aussi être comprise comme un don venant de Dieu, mais elle ne conduit ni à l'union avec le Dieu personnel ni même à une connaissance intellectuelle à son sujet.

L'inspiration véritablement sainte - celle qui vient d'En-haut et procède du Père - ne s'impose à personne par la force. Comme tout autre don de Dieu, elle s'acquiert par un intense effort dans la prière (voir Le 11,9-13). Cela ne veut pas dire que Dieu nous donnerait une sorte de «salaire» en récompense de nos labeurs, mais que ce qui a été acquis consciemment et dans les souffrances devient le bien imprescriptible de l'homme pour l'éternité. Nous avons tous besoin de passer par une complète régénération de notre être, accomplie en nous par la grâce, et de restaurer ainsi notre capacité à être déifiés. Tout cela cependant n'est possible que par notre retour à Lui, ce qui ne va pas sans de nombreux tourments. Dieu nous fuit vraiment don de sa vie; celle-ci devient, dans la pleine acception du terme, notre possession personnelle. Sa gloire éternelle repose sur ceux qu'Il a rachetés. Elle demeure en eux non pas comme quelque chose de surimposé à leur nature, non pas comme la présence en eux de quelque chose d'extrinsèque, d'« étranger» ou d'« injuste» (voir Le 16, 11-12). Non, la vraie déification consiste en cc que la vie sans commencement de Dieu se communique réellement à la créature raisonnable, d'une manière inaliénable dans les siècles. En d'autres termes, l'homme «en hypostasie» (assume dans son hypostase) la vie divine de la même manière que le Verbe, en s'incarnant, a «enhypostasié » la forme de notre être qu'Il a créée. L'union des hommes et de Dieu deviendra totale dans le siècle à venir. Elle englobera tout le contenu de son Être, sauf - évidemment - l'identité selon l'Essence. Celle-ci est incommunicable aux êtres créés; elle demeurera à tout jamais inconnaissable pour toutes les créatures, tant pour les anges que pour les hommes.

Le Royaume du Père est l'unité ontologique de tous les êtres sauvés; il ne peut, comme tel, être ébranlé par rien ni par personne (voir Hb 12,27-28). L'inspiration d'En-haut dépend dans une large mesure de notre attitude: si nous ouvrons toute large la porte de notre cœur, le Seigneur - l'Esprit saint - entrera en nous sans rencontrer de résistance. Il « se tient à la porte [de notre cœur] et Il frappe. Si quelqu'un entend sa voix et lui Ouvre la porte, Il entrera chez lui, Il soupera avec lui», et lui avec Dieu (voir Ap 3, 20). Le Seigneur ménage la liberté de ceux qui sont créés «à son image ». Nous, nous devons savoir ce qui est accep­table pour Lui et ce qui ne l'est pas. D'où l'impérieuse nécessité pour tous et pour chacun de ne pas se permettre des actes, de ne pas se laisser aller à des mouvements intérieurs de notre esprit qui contristeraient l'Esprit divin. C'est par notre sincère persévérance dans la sphère des commandements du Christ que notre mort, conséquence du péché, entre peu à peu dans un processus de gué­rison totale; toute notre vie se trouve ainsi pénétrée de la Lumière incréée de l'éternité divine.

Lorsque notre âme est touchée par cette éternité d'une manière existentielle, les viles passions se détachent de nous. Nous nous écartons des luttes Fratricides pour la possession des richesses de cc monde. Sur nous descend la «paix du Christ» et nous recevons la force d'«aimer les ennemis». «Je vous donne ma paix» (J n 14, 27). La paix du Christ est plus précieuse que routes les richesses, que tous les plaisirs et toutes les joies de la terre. Elle consiste dans la connaissance assurée du Dieu vivant, de notre Père. Il nous suffit d'un peu de nourriture, d'avoir un toit au-dessus de notre tête, d'avoir le corps protégé du froid et de la honte (voir 1 Tm 6, 8); l'essentiel, c'est que l’intellect, notre esprit, soit libre de se plonger dans la contemplation de l'être divin révélé par le Christ. La nostalgie du monde supérieur, notre amoureux élan vers lui est notre joie. Elle rend même royalement magnifique une vieillesse douloureuse, car toute remplie de l'arrente des miséricordieux «embrassements du Père» (voir Le 15, 20).

 

 

Référence :

Voir Dieu tel qu’Il Est. Archimandrite Sophrony. Sel de la terre. 2004.

Saturday, April 22, 2023

‘God-forsakenness’ according to Elder Sophrony.
Abbot Ephraim of Vatopedi

 

    In line with earlier Fathers of the Church, Elder
The abbot of Vatopaidi Monastery,
Archimandrite Ephraim,
with Saint Sophrony The Athonite.
St. John the Baptist monastery
- Essex (1992)
Sophrony describes three stages in spiritual life. He writes: “The total regeneration of the fallen man into the “new” man is accomplished in three stages: The first, the initial, is the stage of the calling and inspiration towards the present battle. The second is the stage where the “perception” of Grace is withdrawn and man is experiencing God-forsakenness…And the third is where the perception of divine Grace revisits and man holds on to it” (Elder Sophrony: On Prayer).

Saturday, April 15, 2023

Une Lumière Pascale.
Saint Sophrony l'Athonite.



Saint Sophrony
célébrant Pâques.

Voici qu'un Grand Samedi - ce devait être en 1924 -, la Lumière me visita après que j'eus communié. Je la perçus comme une touche de l'éternité divine sur mon esprit. Douce, remplie de paix et d'amour, la Lumière demeura avec moi pendant trois jours. Elle dissipa les ténèbres du néant, qui se dressaient devant moi. Je ressuscitai et, en moi et avec moi, le monde entier était ressuscité.

Les paroles de Jean Chrysostome lues à la fin des matines de Pâques résonnèrent avec une force saisissante: «Le Christ est ressuscité et il n'y a plus aucun mort dans les tombeaux.»

Jusqu'alors j'étais écrasé par le spectacle de la mort universelle, mais, à ce moment, je revins à la vie. Oui, mon âme ressuscita; désormais, je ne voyais plus personne dans la mort ... Si notre Dieu est tel, alors il faut au plus vite tout abandonner et ne chercher que l'union avec Lui.

Arrivé au terme de ma vie, je me suis résolu à parler à mes frères de choses que je ne me serais pas hasardé à divulguer aupa­ravant, estimant que c'eût été faire preuve d'un regrettable manque de pudeur. Cependant, tout insignifiant que je sois à tous points de vue, les faits restent les faits: Dieu le Père m'a témoigné sa bienveillance comme, d'une manière générale, Il la témoigne à tous ceux qui ont le cœur broyé (voir Ps 50, 19). Lui, le Père, m'a attiré vers son Fils bien-aimé, et le Fils m'a relevé de ma pitoyable chute (voir In 6,37-40; 44-47). L'Esprit saint qui procède du Père m'a donné de vivre le «grand mystère de la piété: Dieu a été manifesté dans la chair, justifié dans l'Esprit» (1 Tm 3,16).

Je sais aujourd'hui que les états que j'ai vécus auraient été exclus en l'absence d'une telle foi. Cependant, la foi est possible même avec une expérience encore insuffisante; par la suite, elle se développe en raison de la grâce qui se répand sur l'homme. Je témoigne que lorsque nous éprouvons une violente aversion contre nous-mêmes en nous voyant tels que nous sommes et que tout notre être se transforme en une prière adressée au Christ - prière qui arrache notre esprit à l'étau acéré des passions ct de la matière -, alors le sentiment de l'éternité divine devient si fort en nous qu'aucune logique ni aucune psychanalyse ne pourraient en ébranler l'évidence.

Pourquoi mentionner la logique et la psychanalyse? Parce que la première ne permet pas de croire qu'un homme historique que l'on peut voir et toucher (voir l In L, 1), que l'on peut faire mourir en le suspendant sur une croix comme un criminel, soit le Créateur de tout ce vaste univers. Quant à la seconde, elle cherche à nous persuader de la nécessité de ne pas nous fier à nos propres expériences. Mais comme le disait le starets Silouane, une telle Lumière, un tel amour, une telle force de vie et une telle sagesse ne peuvent provenir que de la véritable Source de tout ce qui existe.

Le starets Silouane était un homme exceptionnellement doué; bien que je sois d'une pitoyable médiocrité dans tous les domaines, je peux quand même, moi aussi, d'une certaine manière, juger de ce qui est accessible à l'esprit humain ainsi qu'à notre pensée et à notre psychisme.

Peu de temps après que le Christ lui fut apparu, l'apôtre Paul se retira dans le désert d'Arabie (voir Ga L, 16). Là, dans l'élan d'un brûlant repentir pour son passé, il fut gratifié de nombreuses et grandes révélations, entre autres de l'assurance que Jésus-Christ est Dieu. Je ne cherche pas de preuves logiques venant d'en bas, mais - dans les pleurs d'un repentir allant au-delà de mes forces et me consumant de sa flamme - j'ai acquis la même conviction : Lui, le Christ, est le fait suprême, primordial de l’Être. Le caractère de mon repentir excluait radicalement toute possibilité d'«imaginer» que le Dieu sans commencement puisse se montrer si proche et si agissant avec moi. J'ai vécu des moments où je comprenais com­ment les mystères divins ont été révélés aux prophètes, aux apôtres et à nos Pères. La Lumière qui me visitait est la Lumière du «Royaume qui n'est pas de ce monde» (voir [n 18, 36) et dont le Christ a dit qu'Il était roi.

Qu'arrive-t-il en réalité? Comment s'expliquent des évé­nements de ce genre? Notre esprit est introduit dans la sphère de ce Royaume. Alors, toute pensée discursive s'arrête: nous vivons un mode d'existence nouveau pour nous. Une expérience nous est donnée, celle d'être: je suis.!!.

 

 

Référence :

Voir Dieu tel qu’Il Est. Archimandrite Sophrony. Sel de la terre. 2004.

Saturday, April 8, 2023

Connaître la volonté de Dieu.
Saint Sophrony l'Athonite.

           

Saint Sophrony avec
 un de ses fils spirituels.

 En venant du Mont Athos en France, j'ai écrit le livre sur le Starets Silouane. Le problème «comment connaître la volonté de Dieu» y est traité d'une manière très concise mais, quand même, dans la perspective bien établie par la tradition millénaire de l'Église. Je n'aime pas relever des défauts chez qui que ce soit parmi vous - vous que j'aime beaucoup - , mais je désire quand même que vous deveniez plus aptes à servir les autres en vue de leur salut, et que, par ce service, vous trouviez votre propre salut.

Saturday, March 25, 2023

Christian Obedience.
St. Sophrony the Athonite

Saint Sophrony with
 Mother Mariam(Zacca)
with the book of Saint Silouan
 translated to arabic.
Obedience is the basis of monasticism, but obedience is extremely difficult to talk about, for it would seem to begin by taking crude, naive forms; but afterwards leads a man into a world which cannot be described, since no human concept is applicable to it. Obedience is a mystery which is revealed only by the Holy Spirit. And obedience is both sacrament and life in the Church. At first sight the abdication of free will and the power of reason might appear to run counter to God's design for man, whom He has endowed with a freedom like His own and whom, in virtue of that freedom, He calls to reign eternally with Him. Putting their free will and ability to reason into the hands of another, even though this other be a priest, would cause many people to feel as if the ground had gone from under their feet. Such a step would be like hurling themselves into a black abyss, losing their personalities and delivering themselves into the worst of slaveries. It would be self annihilation. But to those who by faith have followed the teaching of the Church, and have renounced themselves in the spirit of that teaching, obedience is revealed as an inexpressibly great gift from on high. The 'obedient' man may be compared to the eagle who rises on strong wings into the heavens and there serenely surveys the space which separates him from the earth, en­joying his safety and his mastery over heights inaccessible and fatally terrifying to others. With confidence, love and joy the 'novice'[1] readily submits his will and jurisdiction over himself to his spiritual father, thereby releasing himself from the heavy burden of earthly cares and arriving at something the value of which it is impossible to define - purity of the mind in God.

Monasticism above all means purity of the mind, which is unattainable without obedience. That is why there can be no monasticism without obedience, and the man who lacks obedience is not a monk in the true sense. It is possible to receive great gifts of God - even the perfection of martyr­dom - outside the monastic condition; but purity of mind is a special gift of monasticism, unknown on other paths, and the monk can only reach this state through obedience. That is why I consider obedience to be the hard core of monasti­cism and to include the other two vows as a natural corollary. St. John Climacus, for instance, speaks thus: ' ... the mother of purity is inner silence (hesychasm) and obedience. The freedom from passions acquired through inner silence does not remain unshakeable when in constant contact with the world; but when this freedom is born of obedience it remains in all circumstances tried and steadfast. ' And of voluntary poverty he says: 'Will he who has relinquished his very soul still think to acquire possessions?' Thus obedience 'by means of retreat from the world and relinquishing of self will ... like two wings of gold lightly bears one up to the sky' of freedom from passion.

Obedience is a mystery of the Church, and therefore the relationship between staretz and novice has a sacred character. We have already pointed out that this sacrament for the novice consists in learning to do the will of God in order to enter the sphere of the divine will and thereby participate in the divine life. For the staretz the sacrament means by his own prayer and life of spiritual endeavour bringing the novice to knowledge of that life, and the development in him of true freedom without which salvation is impossible.

'Where the spirit of the Lord is, there is liberty' , and so the purpose of obedience, as of the Christian life in general, is the acquisition of the Holy Spirit.

A spiritual director never tries to subject a novice's will to his own human will, but in the course of everyday life it might happen that he would find himself obliged to insist on having his directions obeyed - a situation in which no obe­dient novice would place his staretz.

In virtue of his high responsibility before God, the as­cetic effort required of a staretz is much more onerous than that required of the novice. But this responsibility occurs only when the novice gives unqualified obedience; where this is not the case the novice bears the full weight of re­sponsibility for his actions and loses the benefits of obedi­ence. It is no part of the staretz's purpose, however, to relieve his disciple of responsibility, but to teach him the true Christian life and true Christian liberty, for which it is necessary to overcome in oneself, through the spiritual feat of obedience, the passion of self-will and love of power. Anyone who seeks to dominate his fellow-man, or even to encroach on his liberty, thereby inevitably destroys his own liberty too, since the very fact of such an infringement of another person's freedom involves a breach with the divine life of love to which man is called.

 

Reference:

Truth and Life. Archimandrite Sophrony (Sakharov). Essex 2014.



[1] Novice here refers not only to the postulant but to every monk, and to every Christian, who turns to his spiritual father for guidance.

Saturday, March 18, 2023

Conseil à une mère.
Saint Sophrony l'Athonite.

  28 juin 1952[1]

Saint Sophrony l'Athonite
avec l'icône de
 la Mère de Dieu.

Chère en Christ matouchka Natacha, que la bénédiction de Dieu et la paix du Christ ne vous quittent jamais. C'est ce que je vous souhaite à tous, maintes fois et tous les jours. Je prie Dieu de tout mon cœur qu'Il bénisse votre nouvelle vie. Je souhaite ardemment qu'elle soit vraiment une vie nouvelle, plus féconde que celle que vous meniez ici, où tant de forces étaient gaspillées dans votre lutte spirituelle contre une maladie incurable.

Oh, c'est une grande mer dans laquelle vous vous êtes maintenant jetés. La mer de la grande vie de notre Église. Comme vous êtes bienheureux, vous tous! Même si l'on sait qu'il n'y a pas d'endroit sur terre épargné par la lutte pour l'existence, et qu'au début il vous sera très difficile de vous adapter, ne serait-ce qu'aux conditions matérielles: le climat, par exemple. C'est toujours si difficile de recréer un nouveau chez-soi. Et je prie Dieu que vous ne perdiez pas courage, que vous gardiez votre espérance en l'aide d'en haut, et que vous ayez en vous, pour toujours, la force et la fermeté si nécessaires à une mère. Si vous le pouvez, répétez le plus souvent possible: «Gloire à toi, Seigneur», jusqu'à ce que votre cœur sente que l'aide d'en haut est venue. Alors, votre cœur se réjouira. Alors, vous qui avez si peu de force, vous la sentirez affluer.

Merci beaucoup pour vos lettres. Nous avons tous tellement envie de savoir comment vous vivez. Oh, si vous voyiez avec quelle intensité tout le monde souhaite votre bonheur, en échange du bonheur que vous avez donné ici aux gens! Mais cela, vous le savez sans doute, c'est inutile de le répéter. Ceci est la première lettre que j'envoie à votre nouvelle adresse.

Votre maison, quelle qu'elle soit, est une bénédiction de Dieu, et pour cela mille fois plus précieuse qu'une autre maison. «À Dieu appartient la terre et son plérôme. » Il est bon de servir Dieu en tout lieu, mais surtout chez vous, là-bas. Que Dieu vous garde. Quant à moi, j'essaie de ne pas oublier de faire ce que vous m'avez demandé, pour que vous n’ayez pas à me le répéter. J'écris au père Boris que j'ai toujours remercié Dieu, et que je Le remercie toujours de m'avoir donné en vous un frère et une sœur chers et fidèles.

Je bénis et j'embrasse les enfants. Ah, mes petits chéris!

Comme j'aimais les voir. Comme je regrette de ne plus pouvoir les embrasser. Comme les garçons servaient bien. Ah, mes Michouk et Kouka!

Je vous remercie infiniment pour tout. (...) Le père Silouane[2] s'inquiète de vous de façon très touchante. Le père Lev[3] vous salue. Tous ceux qui vous aiment aussi. Ce n'est pas facile de les citer tous. [ ... ]

Que Dieu vous garde,

HIÉROMOINE SOPHRONY.

 

 

 



[1] . C'est la première lettre envoyée à Kostroma où le père Boris a été nommé par le patriarche Alexis lorsqu'il est arrivé en Russie.

[2] Hiéromoine (plus tard archimandrite), prêtre de la chapelle Saint-Nicolas-le-Thaumaturge attenante à la Maison russe de Sainte-Geneviève-des-Bois; moine Athonite.

 

[3] Archiprêtre Lev Liperovski (+ 1963), recteur de la même chapelle.

 

Saturday, March 11, 2023

The Truth as “WHO”.
St. Sophrony the Athonite

 

Saint Sophrony the Athonite.

   Christianity is not a philosophy, not a doctrine, but life, and all the Staretz' conversations and writings are witness to this life.

The Lord said to Pontius Pilate, 'I came into the world, that I should bear witness unto the truth', to which Pilate replied sceptically, 'What is truth?':" and convinced that there could be no answer to the query, did not look for one, even from Christ, but went out to the jews.


Pilate was right. There is no answer to the question WHAT is truth? if we have in mind the ultimate truth at the root of the whole existence of the world.

But if Pilate, meaning Primal or Axiomatic Truth, had phrased his question as it should have been phrased - if he had asked WHO is truth? he would have received the answer that, a little while previously, Christ, foreseeing Pilate's query, gave at the Last Supper to his beloved disciples, and through them to the whole world: 'I am the truth'.

Science and philosophy set themselves the question, WHAT is truth?, whereas Christian religious perception always con­siders truth as 'WHO'.

Scientists and philosophers not infrequently look upon Christians as unsound day-dreamers, whereas they them­selves stand on firm ground and so label themselves positiv­ists. In a curious way they do not realise all the negativeness of truth as WHAT. They do not understand that authentic Truth, absolute Truth, can be only 'WHO', never 'WHAT', since Truth is not some abstract formula, some abstract idea, but life itself.

In fact, what could be more abstract, more negative than truth as WHAT? And we notice this tremendous paradox throughout the history of the human race, starting with Adam's fall. Enchanted by his reasoning mind, man lives, intoxicated as it were, so that not only 'positive' science and philosophy, like Pilate, pose the question, 'WHAT is truth?' but even in the religious life of mankind we find the same great delusion, with people continually seeking truth as 'WHAT'.

They reason that if they can arrive at the truth they seek as WHAT, they will be possessed of magic power and become unrestrained masters of being.

If man in his religious life adopts the course of rational research, his approach to the world will inevitably be panthe­istic. Every time the theologising mind essays of its own strength to know the truth about God, whether or not it understands, fatally it falls into the same error in which science and philosophy and pantheism are sunk - intuiting truth as 'WHAT'.

Truth as 'WHO' is never arrived at through reason. God as 'WHO' can be known only through communion in being - that is, only by the Holy Spirit. Staretz Silouan constantly emphasised this.

The Lord Himself spoke of it thus:

'If a man love me, he will keep my words: and my Father will love him, and we will come unto him, and make our abode with him ... The Comforter, which is the Holy Ghost, whom the Father will send in my name, he shall teach you all things'.

Orthodox ascetic experience rejects the course of abstract contemplation. Whoever restricts his thinking about God to abstract contemplation of Good, Beauty, Eternity, Love and so on, is on the wrong road. The one who only strips himself of all empirical forms and conceptions has also not found the true path.

Orthodox contemplation of God is not abstract contem­plation of Good, Love and the like. Nor is it a simple with­drawal of the mind from all empirical forms and conceptions. True contemplation is given by God through His coming into the soul. The soul then contemplates God and beholds that He loves, that He is good, magnificent, eternal; sees Him celestial, ineffable. But in the abstract nothing can be contemplated.

Imagination plays no part in true spiritual life, which is wholly concrete and positive. Genuine concourse with God is to be sought solely through personal prayer to the Personal God. Real spiritual Christian experience is communion with God absolutely free, and so does not depend only on man's efforts and will, as is possible in non-Christian (pantheistic) experience.

 

 

 

Reference:

Saint Silouan the Athonite. Archimandrite Sophrony(Sakharov). 1991.