Saturday, November 17, 2018

Le silence de la pensée.
Saint Paissij Velitchkovsky.


Saint Paissij Velitchkovsky.
Dieu créa Adam et l'établit dans le paradis pour le cultiver et le préserver. Par culture, saint Nil le Sinaïte entend la prière; par préserver, l'indispensable garde, après la prière, contre les mauvaises pensées. Le bienheureux Dorothée dit aussi de même, que le premier homme, établi par Dieu dans le paradis, demeurait dans la prière. Il ressort de ces témoignages que Dieu, ayant créé l'homme à son image et à sa ressemblance, l'établit dans un paradis de douceur pour cultiver les jardins de l'immortalité, c'est-à-dire les pensées divines les plus pures, les plus élevées et parfaites, comme l'écrit saint Grégoire le Théologien. Cela signifie qu'il fût prescrit au premier homme, pur d'âme et de cœur, de demeurer dans la grâce de la prière contemplative, célébrée par la seule intelligence, c'est-à-dire, dans la plus douce contemplation de Dieu et comme une activité paradisiaque, de la garder courageusement comme la prunelle de l'œil, afin qu'elle ne quitte jamais l'âme et le cœur.
Mais cette prière revêt une gloire incomparablement plus grande lorsque la plus sainte entre tous, plus vénérable que les chérubins, incomparablement plus glorieuse que les séraphins, la Très Sainte Vierge Mère de Dieu, qui demeure dans le Saint des Saints, a atteint, par la prière intérieure, l'extrême hauteur de la vision divine, a été rendue digne d'être la vaste demeure du Verbe de Dieu que toute la création ne saurait contenir, ainsi qu'en témoigne l'invincible pilier de l'orthodoxie, saint Grégoire Palamas, archevêque de Thessalonique, dans son sermon sur la Présentation au Temple de la Très Sainte Mère de Dieu. Il dit que la Très Sainte Vierge, qui demeure dans le Saint des Saints, instruite par la sainte Écriture de la perdition du genre humain à cause de sa désobéissance, et pénétrée d'une extrême miséricorde pour lui, fit monter vers Dieu une prière intérieure pour son plus prompt pardon et salut.
Voici ses propres paroles, dignes de sagesse angélique: " Lorsque la Servante de Dieu entendit et vit tout ce qui se passait, pénétrée de miséricorde pour le genre humain, elle chercha le moyen de le guérir et le remède approprié à une telle maladie. Elle estima nécessaire de se tourner tout de suite de toute son intelligence vers Dieu, faisant monter pour nous une prière pour contraindre celui qui ne peut être contraint et l'attirer vers nous, pour qu'il remette lui-même la condamnation et que, ayant guéri l'infirme, il se réconcilie la création . Et plus loin: Sans découvrir dans tout ce qui existe rien qui convienne mieux à l'homme que cette prière, se hâtant de prier fermement et de son mieux, la Vierge découvre dans le silence sacré le moyen de conversation le plus nécessaire aux priants. Toute autre vertu est comme un médicament employé pour une maladie spirituelle et les mauvaises passions enracinées par faiblesse d'âme. La vision divine est le fruit d'une âme saine, comme une sorte de perfection finale. C'est pourquoi l'homme n'est divinisé, ni par les mots, ni par les actions visibles d'une prévoyante tempérance - car tout cela est terrestre, bas, humain -, mais en demeurant dans le silence. Par lui, nous renonçons au terrestre, nous nous en libérons et nous nous élevons vers Dieu; et demeurant sur les hauteurs d'une existence silencieuse, nous consacrant patiemment, jour et nuit, à la prière et à l'oraison, d'une certaine façon, nous approchons de l'Être bienheureux et inaccessible et accédons à lui. Accomplissant ainsi patiemment l'œuvre de la prière, qui s'élève de façon indicible vers la Lumière, au delà de l'esprit et du sentiment, nous voyons Dieu en nous comme dans un miroir, Le cœur purifié par le silence sacré.
 
Elle ouvrit une voie nouvelle et inexprimable
 vers le ciel..."le silence de la pensée"
Voilà pourquoi la Très Pure, séparée de l'existence du monde et du bruit, s'éloigna des gens et préféra une vie secrète et cachée de tous, demeurant dans les inaccessibles. Là, s'étant détachée de tous les liens matériels, ayant renoncé à toute relation ou affection avec qui ou quoi que ce fût, et surmontant toute condescendance pour son propre corps, elle concentra son esprit pour s'unir à Lui, demeurer avec Lui, Lui consacrer son attention, dans une divine et incessante prière. Par cette prière, elle demeurait en elle-même, et s'étant établie très au dessus de la tourmente et des pensées multiformes, elle ouvrit une voie nouvelle et inexprimable vers le ciel qui est, dirais-je, "le silence de la pensée". S'y appliquant et l'esprit attentif, elle surpasse la création et toute créature et, mieux que Moïse, voit la gloire de Dieu, contemple la Grâce divine qui n'est en rien soumise à la force du sentiment. Devenue aussi participante de la vision radieuse et sacrée des âmes et esprits immaculés, elle apparaît comme la nuée lumineuse de l'eau vive, l'aurore du jour de la pensée et le char de feu du Verbe.
Il ressort de ces paroles de saint Grégoire Palamas, que la Très Sainte Vierge, qui demeure dans le Saint des Saints, est montée par la prière intérieure à l'extrême hauteur de la vision divine et devint d'elle-même un exemple d'existence attentive à l'homme intérieur. Elle y parvint par le renoncement au monde, le silence sacré de l'esprit, le silence de la pensée pour une incessante prière divine et l'attention de l'esprit, par la concentration et l'ascension au travers de l'activité vers la vision divine, afin que, la contemplant, ceux qui renoncent résolument au monde, s'engagent dans les pénibles tâches intérieures indiquées, s'efforçant, à la mesure de leurs prières, d'être ses imitateurs. Et qui peut dignement glorifier la divine prière intérieure, quand celle qui l'accomplit fut la Mère de Dieu elle ­même, conduite par l'Esprit Saint!.


Référence :
Le Starets Moldave Paissij Velitchkovsky. Serge Tchetverikov.(1997)