Hiéromoine Macaire
de Simonos Pétra.
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Chaque confession ressemble à la conversion du fils prodigue, célébrée
chaque année avant le Carême, qui est la période par excellence du repentir, le
«moment favorable» pour revenir vers le Père et avoir accès au Paradis. Le
fidèle devrait approcher le prêtre avec joie et exultation du cœur, comme s'il
voyait le Père qui vient au-devant de lui en lui ouvrant les bras.
« Repentez-vous, car le Royaume des cieux est proche» (Mt 3, 2). Ainsi le
Christ commença-t-il sa prédication, comme saint Jean le Précurseur; à la
différence cependant que saint Jean-Baptiste préparait le terrain en prêchant
le repentir comme condition préalable pour recevoir le Sauveur, tandis que le
Christ inaugurait, par sa présence sur la terre, la venue du Royaume et le
Salut, non plus comme attente, mais comme une réalité tangible. C'est la raison
pour laquelle le Précurseur n'a pas fait de miracles, alors que Jésus, depuis
le début de son ministère et durant toute sa vie terrestre, a accompli des
«signes» qui témoignaient de la venue en Lui du Royaume. Il est lui-même à la
fois le Royaume et le Souverain, et Il nous a ouvert la possibilité de participer
à ce Royaume, qui est présence de Dieu en nous. Mais la condition pour avoir
accès à ce Royaume reste la même: le repentir.
Dans la Bible et chez les saints Pères, le
terme repentir, qui étymologiquement signifie «changement d'esprit (noûs), de
mode de pensée» (métanoia), n'évoque pas seulement la tristesse et le regret
de ses péchés, mais il inclut aussi les moyens d'obtenir le pardon, au point
qu'on a pu l'identifier à la vie spirituelle tout entière.
Le repentir est une «restauration du baptême » et une « seconde nouvelle
naissance », il a le pouvoir de « changer la nature des êtres» et possède de ce
fait un caractère ontologique. C'est un transfert des ténèbres du péché à la
lumière de la communion avec Dieu, un «passage» (Pâque) de la mort à la vie,
sous l'effet de la force attractive de la Résurrection du Christ. Il ne se
limite donc pas à la confession des péchés et au pardon que, dans sa
condescendance, l'Église nous accorde par la prière du prêtre. Par la
confession, nous exprimons notre disposition à nous repentir, mais le vrai
repentir inclut l'observance de tous les commandements et doit s'étendre à
notre vie entière, renouvelée dans le Saint-Esprit.
La confession sacramentelle. |
Le repentir nous est donc nécessaire jusqu'à la mort, au point que saint
Marc l'Ascète va jusqu'à affirmer que c'est par le repentir que «tout l'univers
tient ensemble». (Saint Marc l’ascète).
Si le repentir a une telle importance dans la vie spirituelle du chrétien,
on peut aisément comprendre que le sacrement de la confession devrait occuper
une place centrale dans son cheminement vers Dieu. Comme pratique liturgique,
la confession s'inscrit dans l'ensemble de la vie spirituelle, elle est le
sceau du combat personnel que le fidèle doit mener pour réveiller sa conscience
et constitue la condition de sa participation effective à l'assemblée
ecclésiale et à la sainte Communion.
Il faut cependant bien reconnaître que le sacrement de la confession, même
au sens étroit du terme, souffre aujourd'hui de nombreuses déviations et de
malentendus qui l'empêchent de jouer ce rôle dans la vie des fidèles.
D'autres vont certes se confesser régulièrement, mais simplement pour y
apaiser leur conscience et trouver auprès du confesseur des justifications à
leur conduite. Ils ne confessent que ce qui ne les dérange pas trop, sans avoir
aucunement l'intention de renoncer aux passions qui sont les causes de ces
transgressions, de changer de vie, de modifier leur «manière de penser»
(méta-noein). Ils considèrent que telle est la nature humaine, et qu'il est
inévitable non seulement de commettre des actes blâmables, mais de nourrir en
leur âme des attitudes de refus, de haine, de rancune envers leurs frères. Une
telle confession met en sommeil leur conscience, au lieu de la réveiller.
Le Père Aimilianos
de Simonos Pétra.
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D'autres encore, et cette tendance semble augmenter de nos jours, se
rendent chez le confesseur comme on va chez un psychothérapeute, pour y parler
d'eux-mêmes, de leurs problèmes familiaux et sociaux, le plus souvent pour y
accuser les autres, sans aucunement chercher à se remettre en cause et à
reconnaître leurs propres fautes. Ils n'approchent pas ce sacrement comme un
mystère, une mystagogie de la rencontre avec le Dieu vivant et miséricordieux,
mais de manière humaine et psychologique, en cherchant un simple apaisement, un
équilibre de vie, sans aucune disposition au repentir. Pire encore est la
tendance à transformer le sacrement en discussion sur des idées générales
concernant la vie spirituelle ou la vie de l'Église, toujours avec l'intention
de repousser la reconnaissance de notre responsabilité. Et malheureusement,
nombreux sont les prêtres qui rentrent dans ce jeu, qui devient un simulacre de
la confession.
D'autres prêtres font, par contre, un usage abusif du pouvoir qui leur est
concédé par l'Église. Interprétant de manière erronée la paternité spirituelle
exercée dans le cadre monastique, ils exigent de leurs enfants spirituels une
obéissance absolue et s'immiscent dans tous les détails de leur vie
personnelle. D'autres exploitent la tendance naturelle des fidèles à s'attacher
à leur confesseur, pour cultiver autour d'eux un culte de la personnalité et se
présenter comme « starets ».
On pourrait faire une longue liste de ces déviations, qui viennent surtout
d'une méconnaissance du véritable enseignement de l'Église sur le sacrement du
repentir, qui doit être distingué de la direction spirituelle. Il est bien sûr
difficile de séparer ces deux aspects, car en général et avec raison, les
fidèles se rendent auprès du prêtre non seulement pour confesser leurs péchés,
mais aussi pour recevoir de lui conseils et encouragements. Mais il convient de
savoir qu'on devrait se rendre à la confession avant tout pour se présenter
devant Dieu, qui scrute les reins et les cœurs, et y avouer des actes concrets,
en reconnaissant notre pleine responsabilité et sans chercher à nous justifier.
C'est dans la mesure de notre sincérité et de notre décision de ne plus
commettre ces actes qui blessent notre conscience que nous pourrons obtenir de
Dieu le pardon et la grâce nécessaire à une vie menée dans la nouveauté de l'Esprit.
Le problème n'est donc pas combien de choses je vais confesser, en
consultant éventuellement des catalogues imprimés de péchés. Il n'est pas nécessaire
de s'analyser avec scrupule, mais de dire simplement au prêtre ce qu'on a sur
la conscience et que l'on connaît très bien. Je dois avoir pris la décision de
tout dire - principalement ce que j'ai honte d'avouer par crainte de voir
altérée mon image - et de changer de vie. « Si je n'ai pas pris une telle
décision, je reste entre le chaud et le froid, dans la tiédeur. Comment Dieu
pourrait-il alors me pardonner? »
La décision de changer nous appartient, et elle s'exprimera par l'ascèse et
la vie vertueuse, par une vie qui respecte le prochain comme image de Dieu, une
vie de silence et de prière; mais le vrai repentir reste un don de Dieu. C'est
en évitant les occasions de péché que nous montrerons notre bonne disposition,
mais c'est par la prière que nous obtiendrons, en son temps, cette grâce du
repentir, qui nous donnera la force de cesser de pécher. « Si quelqu'un est
toujours prêt à donner son avis sur tout, il est impossible qu'il acquière le
repentir, il va mourir impénitent », disait le Père Aimilianos. Et il affirmait
aussi:
Le fils prodigue. |
Qu'est-ce donc qu'une vraie confession selon le Père Aimilianos ? C'est un
«grand art de savoir se confesser », disait-il. Et c'est à cet art qu'il
initiait ses disciples depuis leur enfance.
Avant la confession, quand il prend un peu de temps pour revoir sa conduite
depuis sa dernière confession, pour « revenir à soi » en “pénétrant dans la
chambre de son âme”, le fidèle place sa raison comme juge de ses actions et
peut prendre alors conscience de son vide intérieur, de son état de mort
spirituelle, dès lors qu'il ne s'abreuve pas à la source de là vie, et de sa
responsabilité dans les actions qui l'ont amené à cette situation.
« Le commencement du salut, c'est de se condamner soi-même », enseignait
Évagre. En effet, tant que l'on refuse de s'accuser soi-même et que l'on
cherche à se justifier, le repentir est impossible à acquérir.
C'est ici que je suis jugé, ici que je suis condamné, malheureux, par ma
propre conscience plus violente que rien au monde. Mon juge, mon Rédempteur qui
me connais, épargne-moi, délivre moi, sauve-moi, Ton serviteur.(Grand canon de Saint André de Crète).
Le reproche authentique de la conscience - qu'il faut bien distinguer du
scrupule - fait naître en l'âme la «contrition », c'est-à-dire la tristesse
selon Dieu qui produit «un repentir salutaire qu'on ne regrette pas» (2 Cor. 7,
10). Et c'est cette tristesse d'être séparé de Dieu, d'être exilé comme Adam du
Paradis de délices, qui cultivera en nous le désir de la conversion, du retour
à la maison paternelle, exprimé par la libre décision de reconnaître nos fautes
devant le représentant de Dieu. La brûlure de notre conscience devrait être
telle que, comme les premiers chrétiens, nous ayons même le désir de les confesser
devant toute l'assemblée.
Certes, il faut tenir compte de l'évolution du sacrement de pénitence et
des raisons spirituelles et pastorales pour lesquelles la confession est désormais
secrète, mais notre disposition intérieure devrait être ainsi pour attirer la
miséricorde divine. Seule la confession rend le repentir effectif, et la
profondeur de celui-ci sera proportionnelle à la sincérité de celle-là.
L'aveu proprement dit de nos péchés ne devrait normalement pas être très
long, mais il convient qu'il soit clair et franc. Il faut rapporter des actes
concrets, sans qu'il soit cependant nécessaire d'entrer dans des détails qui
risqueraient de ranimer en nous une complaisance blâmable, sans donner beaucoup
d'explications, qui sont en fait le plus souvent des tentatives de
justification. Et la prière d'absolution que nous lira le prêtre sera le sceau
divin sur notre repentir, qui devra donc avoir précédé le sacrement proprement
dit.
Mais pour que cette grâce soit vraiment agissante en nous, pour qu'elle
nous procure une énergie divine qui va nous transfigurer, il faut que la
confession ait été la plus sincère possible. Ce sera peut -être après des
années de vie dans l'Église et de confessions conventionnelles que viendra,
selon le Père Aimilianos, le moment le plus critique de notre existence; car,
de deux choses l'une: soit nous sentirons que nous nous tenons nus devant Dieu
et nous assumerons la responsabilité de nos actes en disant: «J'ai péché! »,
soit nous ferons comme Adam et Ève, et nous nous cacherons et reporterons nos
fautes sur autrui" (Gen. 3, 10-13).
Pour le laïc, le confesseur est certes un père spirituel, mais pas au sens
d'un Ancien, auquel le moine doit une obéissance aveugle et la révélation de
toutes ses pensées. Ses conseils ne sont pas des ordres, et le fidèle reste
libre de les appliquer dans les circonstances concrètes de sa vie, sans avoir
besoin de communiquer à chaque instant avec son père spirituel. Une telle
attitude, loin d'être de l'obéissance, risque de nourrir un infantilisme chez
des fidèles qui trouvent ainsi le moyen de se décharger de leur responsabilité
et de leur liberté. Le Père Aimilianos considérait qu'une telle forme de
direction spirituelle est un étouffement de l'âme. « Je ne peux pas supporter
une éducation qui ne soit pas libre. Et liberté ne signifie: Fais ce que tu
veux! Mais rends-toi volontairement esclave des autres ». Le père spirituel
n'est pas un « directeur de conscience », son œuvre ne consiste pas à imposer
ses idées, même les plus élevées, mais à cultiver la personnalité de ses
enfants spirituels. Il doit «se tenir derrière son disciple », afin de
soutenir son élan vers Dieu, sans s'y substituer. Et lorsqu'il aura cultivé
chez ses enfants spirituels une telle liberté responsable, il aura la joie de
constater leur progrès et le rayonnement d'une authentique expérience
chrétienne dans la joie de l'Esprit Saint.
Ce qu'il nous faut rechercher dans le sacrement du repentir, ce n'est donc
pas une consolation humaine et affective dans nos épreuves, mais la
restauration de notre relation avec Dieu, « un contrat avec Dieu pour une
nouvelle vie », qui s'exprimera par notre vie en Christ, par les sacrements de
l'Église et les saintes vertus.
Référence :
La Confession dans l’Église Orthodoxe. Que crois-je ?. Apostolia(2017)