Icône de Saint Sophrony. |
Par «inspiration»,
j'entends la puissance du Saint-Esprit agissant au-dedans de nous (voir Jn 4,
13-15 ; 7, 37-39). Ce genre d'inspiration ne se situe pas sur le même plan de
l'être que l'inspiration dans les domaines artistique ou philosophique.
Celle-ci - propre à notre nature déchue
- peut aussi être comprise comme un don venant de Dieu, mais elle ne conduit ni
à l'union avec le Dieu personnel ni
même à une connaissance intellectuelle à son sujet.
L'inspiration
véritablement sainte - celle qui vient d'En-haut et procède du Père - ne
s'impose à personne par la force. Comme
tout autre don de Dieu, elle s'acquiert par un intense effort dans la prière
(voir Le 11,9-13). Cela ne veut pas dire que Dieu nous donnerait une sorte de
«salaire» en récompense de nos labeurs, mais que ce qui a été acquis
consciemment et dans les souffrances devient le bien imprescriptible de l'homme
pour l'éternité. Nous avons tous besoin de passer par une complète régénération
de notre être, accomplie en nous par la grâce, et de restaurer ainsi notre
capacité à être déifiés. Tout cela
cependant n'est possible que par notre retour à Lui, ce qui ne va pas sans de
nombreux tourments. Dieu nous fuit vraiment don de sa vie; celle-ci devient,
dans la pleine acception du terme, notre possession personnelle. Sa gloire
éternelle repose sur ceux qu'Il a rachetés. Elle demeure en eux non pas comme
quelque chose de surimposé à leur
nature, non pas comme la présence en eux de quelque chose d'extrinsèque, d'«
étranger» ou d'« injuste» (voir Le 16, 11-12). Non, la vraie déification
consiste en cc que la vie sans commencement de Dieu se communique réellement à la créature raisonnable, d'une manière
inaliénable dans les siècles. En d'autres termes, l'homme «en hypostasie»
(assume dans son hypostase) la vie divine de la même manière que le Verbe, en
s'incarnant, a «enhypostasié » la forme de notre être qu'Il a créée. L'union
des hommes et de Dieu deviendra totale dans le siècle à venir. Elle englobera tout le contenu de son Être, sauf -
évidemment - l'identité selon l'Essence. Celle-ci est incommunicable aux êtres
créés; elle demeurera à tout jamais
inconnaissable pour toutes les créatures, tant pour les anges que pour les
hommes.
Le Royaume du Père est l'unité ontologique de tous les
êtres sauvés; il ne peut, comme tel, être ébranlé par rien ni par personne
(voir Hb 12,27-28). L'inspiration d'En-haut dépend dans une large mesure de notre
attitude: si nous ouvrons toute large la porte de notre cœur, le Seigneur -
l'Esprit saint - entrera en nous sans rencontrer de résistance. Il « se
tient à la porte [de notre cœur] et Il frappe. Si quelqu'un entend sa voix et lui
Ouvre la porte, Il entrera chez lui, Il
soupera avec lui», et lui avec Dieu
(voir Ap 3, 20). Le Seigneur ménage la liberté de ceux qui sont créés «à son image ». Nous, nous devons
savoir ce qui est acceptable pour Lui et ce qui ne l'est pas. D'où
l'impérieuse nécessité pour tous et pour chacun de ne pas se permettre des
actes, de ne pas se laisser aller à des
mouvements intérieurs de notre esprit qui contristeraient l'Esprit divin. C'est
par notre sincère persévérance dans la sphère des commandements du Christ que
notre mort, conséquence du péché, entre peu à peu
dans un processus de guérison totale; toute notre vie se trouve ainsi pénétrée
de la Lumière incréée de l'éternité divine.
Lorsque notre âme est
touchée par cette éternité d'une manière existentielle, les viles passions se
détachent de nous. Nous nous écartons des luttes Fratricides pour la possession
des richesses de cc monde. Sur nous descend la «paix du Christ» et nous
recevons la force d'«aimer les ennemis». «Je vous donne ma paix» (J n 14, 27). La paix du Christ est plus
précieuse que routes les richesses, que tous les plaisirs et toutes les joies
de la terre. Elle consiste dans la connaissance assurée du Dieu vivant, de
notre Père. Il nous suffit d'un peu de nourriture, d'avoir un toit au-dessus de
notre tête, d'avoir le corps protégé du froid et de la honte (voir 1 Tm 6, 8);
l'essentiel, c'est que l’intellect, notre esprit, soit libre de se
plonger dans la contemplation de l'être divin révélé par le Christ. La nostalgie du monde
supérieur, notre amoureux élan vers lui est notre joie. Elle rend même
royalement magnifique une vieillesse douloureuse, car toute remplie de
l'arrente des miséricordieux «embrassements
du Père» (voir Le 15, 20).
Référence :
Voir Dieu tel qu’Il Est. Archimandrite Sophrony. Sel de la terre.
2004.