Saint Sophrony l' Athonite. |
Dieu révèle les mystères du salut
Malgré toute la différence et toute la
distance qu’il y a entre Dieu et nous, le Seigneur a trouvé le moyen de nous
sauver de notre état misérable. Comment pouvons-nous nous préparer à être avec
un Dieu aussi grandiose, aussi absolu ? Pendant la
Liturgie de Saint Basile, durant la Grande entrée nous disons cette prière :
« Ô
Toi qui Es,
Ô Dieu le Père, Maître et Seigneur,
Qui nous as créés et nous as introduits dans
cette vie,
Qui
nous as montré la Voie du salut,
Qui
nous as donné la révélation des Mystères célestes… »
C’est de ces mystères célestes que nous parlerons.
Dans la chute d’Adam, nous avons perdu la
vraie idée du Royaume de l’amour du Père. Dans les commandements du
Christ… dans la doctrine de nos Pères, des grands ascètes, nous trouvons
des expressions qui sont contraires à nos mouvements naturels – naturels dans
notre état de chute. Tout ce qui nous est commandé va à l’encontre des passions
qui sont la conséquence de la chute.
Lire les écrits du Starets Silouane et
d’autres Pères
A vrai dire ce que je dis maintenant n’est
qu’une explication de ce que vous trouvez dans les livres. Nous avons une grâce
spéciale dans ce sens que nous sommes les enfants d’un père spirituel qui est
maintenant reconnu par l’Église parmi les Saints, – saint Silouane. Pour ceux
qui commencent la vie monastique, je voudrais expliquer la différence entre
l’attitude de citoyen du Ciel et l’attitude terrestre.
En tant que responsable pour l’état spirituel
de toute la communauté, – comme l’est aussi notre higoumène – je voudrais avant
ma mort remplir mon devoir par la parole. Mais vous voyez que je perds de plus
en plus mes forces vitales, c’est pourquoi je veux souligner la nécessité pour
vous de lire aussi souvent que possible ce qu’a écrit notre grand père
Silouane. Tout ce qu’il faut pour arriver au salut est présenté dans les écrits
du Starets et quelques fois même par moi. Ceux qui commencent la vie monastique,
les novices, doivent aussi lire attentivement «L’Échelle» de saint Jean
Climaque, et prêter constamment attention à chaque parole de ce grand ascète.
Le progrès spirituel : croire et agir selon
l’Evangile
Le Christ a dit : « A ceci tous vous
reconnaîtront pour mes disciples : à cet amour que vous aurez les uns pour les
autres » (Jean 13, 35). Je dois vous souligner qu’il est absolument nécessaire
de prier pour toute chose qui nous a été commandée par notre Sauveur.
Dans ce monde, la première tâche de chacun est
de créer pour soi une carrière terrestre. Devenant moine, nous devons rejeter
complètement cette idée de carrière terrestre. Il faut savoir que le monastère
n’est pas un lieu pour entreprendre quelque carrière que ce soit dans ce monde.
Notre carrière à nous, c’est d’acquérir l’amour du Christ et l’humilité du
Christ. Si vous voulez progresser vraiment – et cela dans nos possibilités
humaines – c’est de croire et d’agir selon la parole de l’Evangile.
Au sujet des diverses conditions sociales et
hiérarchiques
Entre ceux qui ont un rang, une fonction plus
importante, plus responsable, et ceux qui accomplissent les travaux les plus
simples, les plus humbles, il n’y a pas de différence. Notre père Silouane
écrit à ce sujet d’une manière remarquable et je demanderai à ce que soient
lus, disons, deux ou trois passages du « Starets Silouane » au sujet de ce que
l’un est roi, l’autre patriarche
«Le Seigneur veut que nous nous aimions les
uns les autres. C’est en ceci que consiste la liberté : dans l’amour pour Dieu
et pour notre prochain. C’est là qu’on trouve, et la liberté, et l’égalité. Dans
l’ordre social, il ne peut y avoir d’égalité, mais cela n’a pas d’importance
pour l’âme. Il est impossible que chacun soit roi ou prince ; chacun ne peut
être patriarche ou higoumène ou chef ; mais, dans toute condition, on peut
aimer Dieu et Lui être agréable, et c’est cela qui importe avant tout. Et celui
dont l’amour de Dieu est plus grand sur terre, sera dans une plus grande Gloire
dans le Royaume. »
«La prière incessante procède de l’amour, mais
on la perd par les jugements, les vaines paroles et l’intempérance. Celui qui
aime Dieu peut penser à Lui jour et nuit, car aucune occupation ne peut
empêcher d’aimer Dieu. Les Apôtres aimaient le Seigneur sans que le monde ne
les dérange, et cependant ils se souvenaient du monde, ils priaient pour lui et
ils s’adonnaient à la prédication. Pourtant il fut dit à saint Arsène : “Fuis
les hommes” ; mais l’Esprit divin nous enseigne, même dans le désert, à prier
pour les hommes et pour le monde entier. »
« Dans ce monde, chacun a sa tâche : l’un est
roi, l’autre est patriarche, un autre cuisinier, forgeron ou instituteur, mais
le Seigneur aime tous les hommes, et celui qui est pris par un plus grand amour
de Dieu recevra aussi une plus grande récompense. Le Seigneur nous a donné le
commandement d’aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre intelligence et de
toute notre âme. Mais comment peut-on aimer sans prier ? C’est pourquoi
l’intelligence et le cœur de l’homme doivent toujours être libres pour la
prière.»
Saint Sophrony avec sa communauté monastique. |
Mes frères et mes sœurs, et surtout ceux qui commencent la vie monastique : gravez ces paroles dans votre cœur et dans votre intelligence. Cela dépend de votre disposition, de votre foi, de votre force. Si vous ne le faites pas, et que nous n’arrivons pas à nous aimer les uns les autres, notre vie va se désintégrer, et nous ne retirerons aucun profit du monachisme, du vrai monachisme.
Le principe de service doit inspirer notre vie
Je veux toucher un cas que vous connaissez
tous et toutes. Prenez l’exemple du père P., qui est venu chez moi et qui a
subi toutes les conséquences de notre pauvreté. Il a choisi de servir les
frères par un service extrêmement humble, et jamais il n’a manifesté une
tendance à gagner un pouvoir, une supériorité par rapport aux autres. A cause
de cela il recevra la récompense éternelle. Je pourrais vous citer encore
d’autres exemples vivant dans ce monastère.
Mes frères et mes sœurs, vous les nouveaux
venus, assimilez cela d’une manière profonde et solide, et notre monastère sera
vraiment ce qu’il doit être, c’est-à-dire un lieu de salut pour nous et pour
ceux qui viennent chez nous.
Si nous n’assimilons pas cette disposition
d’être au service des autres, tout sera inutile. Le monastère est une école,
jusqu’à la mort. Pour régénérer notre nature, notre ressemblance à Dieu, ce
principe de service doit dominer notre vie. Le service des autres a une force
salutaire plus grande que n’importe quelle théologie théorique. On peut être un
grand savant, avoir des diplômes académiques et rester quand même complètement
illettré sur la voie du salut.
Idées
déformées sur l’obéissance
Je vous ai dit l’autre fois que cette approche
vers la grandeur divine revêt un caractère très simple et humble – c’est [Père
Sophrony dit en russe] poslouschanie, l’obéissance. De nouveau je veux vous le
répéter: ce n’est qu’au monastère qu’on peut pratiquer cette science. Pourquoi
? Parce que ce n’est que dans les monastères que l’higoumène connaît
pratiquement de quoi il s’agit, après avoir lui-même passé par tous ces
exercices.
Ceux qui approchent l’obéissance de
l’extérieur peuvent se faire à son sujet des idées terriblement déformées,
vraiment épouvantables, abominables. Il vaut mieux ne pas citer les noms de
grands philosophes et théologiens, mais il suffit de vous dire que ceux qui
nous regardent de l’extérieur comprennent souvent l’obéissance complète,
c’est-à-dire le renoncement à sa volonté propre devant son père spirituel et
avant tout devant l’higoumène, comme du sadisme du côté du père et du
masochisme du côté de ceux qui sont obéissants. Et ceux qui disent cela sont
des savants connus dans le monde ! Mais de quoi s’agit-il ?
Notre volonté propre est un mur d’airain entre
nous et Dieu
Si après la chute notre nature a des tendances
contraires à l’amour du Père et du Christ, il faut refuser notre volonté
naturelle dans son état de chute. C’est pourquoi il faut vraiment, c’est-à-dire
d’une manière consciente, préférer ce que dit l’higoumène à chacune de nos pensées,
à chacune de nos idées. D’une manière générale, normale, tout cela devrait être
présenté comme dans une école, autrement dit en passant par étapes du plus
petit à ce qui est le plus grand. Le plus grand est le Christ Lui-même, Dieu.
Et dans notre cas – qu’est-ce que nous avons ? Silouane a eu l’apparition du
Christ au commencement de sa vie monastique. Vous voyez cette distance
grandiose, – aucun esprit mathématique ne peut l’exprimer. Et voyez, toute
cette distance a été franchie dans une heure.
Saint Paul dit que dans ce monde les chrétiens
sont les plus malheureux des hommes. Dans quel sens sommes-nous les plus
malheureux et pourquoi ? Parce que nous ne voulons que servir les autres, aimer
tout le monde, même les ennemis. Nous souffrons, à cause de cette prédication
de l’amour pour les ennemis.
Je veux vous expliquer que si nous avons une
foi solide, nous pouvons rendre notre vie dans ce monastère vraiment utile pour
notre salut éternel. Et cela est un mystère céleste. Si nous cherchons dans le
monastère des choses mesquines : du confort, des travaux moins humbles, certes
tout sera inutile. Mais si vous commencez par la voie que nous voyons dans
notre père Silouane, Dieu peut être avec vous dans toute Sa Gloire, dès le
commencement. Par contre, si nous restons attachés à notre volonté propre et à
nos désirs passionnels, alors, selon la parole du grand Poemen d’Egypte, notre
volonté sera comme un mur d’airain entre nous et Dieu (cf « Les Sentences des
pères du désert », Collection alphabétique, Solesmes, 1981, Poemen 54, p. 234).
Lisez
les Pères
Comme je voudrais que Dieu vous donne, mes
frères et mes sœurs, cette compréhension des choses concernant notre salut.
Alors, croyez-moi, j’accepterai la mort avec joie.
De nouveau je le souligne, – et ne cesserai de
le faire, – cet effort de préférer la volonté du frère, et, d’abord, la
recherche de la volonté de Dieu par l’higoumène, cette voie sera pour vous
facile. Dans quel sens facile ? Lisez « L’Echelle » de saint Jean Climaque et,
pardonnez-moi, mes frères et mes sœurs, lisez aussi ce que j’ai écrit d’une
manière assez concise, et vous comprendrez les choses très vite. Saint Syméon
le Nouveau Théologien a écrit que par cette voie du repentir et de l’obéissance
s’ouvrent les portes de la vraie théologie, pas seulement de ce que Dieu a déjà
révélé, mais, comme il est dit, « des choses neuves comme aussi des choses
anciennes » (Matthieu 13, 52).
Dans l’enseignement du père Silouane nous
avons ces deux éléments. Il a porté pendant toute sa vie, presque un demi-siècle,
la vision qui lui a été donnée et cela avec une totale fidélité au Seigneur qui
a bien voulu lui apparaître. Avoir l’amour du Christ dans ce monde, voilà ce
qui est douloureux.
Mes frères et mes sœurs bien-aimés, petit à
petit vous aurez la possibilité d’apprendre avec un guide les choses les plus
essentielles, et si, dans le tumulte de la vie quotidienne, vous ne comprenez
pas encore tout, nous pourrons encore parler de ces choses. Lisez les écrits
des Pères et quand vous les lisez, priez Dieu de vous donner la grâce de
comprendre, priez les Saints de vous donner la possibilité de saisir
l’essentiel de ce qu’ils ont écrit.
Fruits
de l’obéissance
De nouveau, quel est le profit de l’obéissance
? Au monastère, en retranchant notre volonté passionnelle, nous nous libérons,
par notre confiance et notre foi, de tous les soucis de la vie quotidienne.
L’absence de ces soucis passionnels est la voie vers une prière pure, et alors,
bien que nous soyons occupés par n’importe quel genre de travaux, notre intellect
reste libre de penser constamment à Dieu, de vivre par le Nom Divin et par la
grâce de l’Esprit Saint. Laissez à l’higoumène le soin de porter ces fardeaux,
et sachez bien qu’un père spirituel prie toujours pour ne dire aux autres
qu’une parole utile pour leur salut. Aimez, estimez le père higoumène et le
père confesseur, et vous serez sauvés. Je parle, je parle, je parle…oui, mais
ma prière est que Dieu vous donne par Son Esprit Saint l’inspiration d’En-haut
pour parcourir cette voie du salut.
Il est étrange de le dire, d’un côté, les
esprits … et même les plus grands, ne peuvent pas pénétrer le mystère du salut,
et, d’un autre, l’esprit d’un petit enfant peut le faire.
Je vis entre la vie et la mort
Voilà, pour aujourd’hui j’ai fait cet effort
de vous parler, de vous répéter les mêmes choses au sujet desquelles je parle
toujours, n’est-ce pas ? [Il rit…] C’est toujours la même chose… Priez pour
moi, parce que je perds de plus en plus mes forces. Je ne sais pas quand je
vais mourir. Ce soir … ou l’année prochaine? [Il rit…] Voilà. Je vis entre ces
deux. Oui. Et aidez-moi de m’en aller vers Dieu avec joie, par votre désir,
votre inspiration spirituelle.
Source
: PAROLE A LA COMMUNAUTE N°62 Octobre 2006