Saint Sophrony l'Athonite. |
Il y aurait tant à dire,
et il y a si peu dont on peut parler! Dans mes livres, non seulement dans le
premier mais aussi dans le second - Voir Dieu tel qu'Il est - on trouve
de nombreux développements sur le thème dont je voudrais parler aujourd'hui: la
liberté de l'esprit humain, créé par Dieu d'une manière incompréhensible. Nous
avons l'impression que la vie spirituelle et intellectuelle prend son origine
dans le corps que nous recevons de nos parents. Mais selon sa nature, notre
esprit est tout autre. Dans la mesure où nous le laissons croître en nous, nous
comprenons que son origine est en Dieu. Je veux dire que nous saisissons qu'il
ne provient pas de la nature, mais qu'il nous vient de Dieu.
Notre être réel commence
par notre existence, c'est-à-dire par notre naissance dans le corps. Puis, plus
tard, vient un moment où nous prononçons le mot «liberté» et, après cela, nous
prions: « Notre Père qui es aux
cieux, que ton Nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit
faite sur la terre [de nos cœurs] comme au ciel». Crier vers notre Père
éternel, voilà, à vrai dire, la seule chose pour laquelle il vaut la peine de
vivre!
Nous sommes les bâtisseurs de notre vie éternelle
Nous sommes chaque jour
écrasés par le travail et entourés par la matière qui pèse sans cesse sur nous.
Nous avons l'impression que nous n'avons pas encore reçu la vie véritable. Le
Seigneur dit que le Royaume des Cieux s'acquiert par de grands labeurs, et que
ceux qui font des efforts s'en emparent (cf Matthieu Il, 12). Nous
faisons une expérience remarquable lorsque nous entendons ces paroles dans
notre cœur profond: «et ceux qui font
des efforts s'en emparent». Il s'ensuit
que nous sommes nous-mêmes les bâtisseurs de notre vie éternelle. Dieu nous
crée potentiellement, et ensuite tout le reste se réalise: les dons de Dieu et
nos recherches créées de son amour éternel.
Se libérer de la pesanteur de la matière
C'est de cela que
j'aimerais vous parler, surtout maintenant que la vie elle-même nous oblige de
travailler avec des pierres, des briques, du gravier, de la terre, etc. Comment
lier la vie de notre esprit à la nécessité de travailler avec des briques, de «faire
des briques» (cf Exode 5, 14)? Cela ne va pas sans lutte. Parce que pour
nous, les choses ne vont pas toujours facilement avec Dieu. C'est plutôt
rarement le cas. La plupart du temps, nous rencontrons labeurs et
incompréhensions: notre étroitesse n'est pas capable de contenir l'Esprit de
Dieu. Comment surmonter cette influence de la matière sur nous? Lorsque j'avais
votre âge, c'était pour moi une joie de travailler, de faire des efforts pour
prendre possession du Royaume de l'amour du Père éternel.
Nous sommes appelés à avoir
la même vie que Dieu
Nous vivons en ce monde
comme dans une étroite prison. Par contraste, nous devons encore parler de la
liberté. Il y a des instants où Dieu nous visite avec sa force, - avec son
énergie incréée, pour m'exprimer en termes théologiques, - et alors il devient
clair pour nous que nous sommes nés de Dieu et que nous sommes appelés à avoir
la même vie que notre Créateur.
Notre esprit ne se satisfait que de l'Absolu
Notre esprit est formé
d'une manière étrange: pour lui, une pensée n'est pleinement satisfaisante que
lorsqu'elle concerne l'Absolu, l'Eternel. Mais nous sommes obligés de
travailler. J'ai passé par tout ce que vous vivez maintenant, mais je mène à
présent une vie tout autre que la vôtre. J'aimerais vous transmettre
l'enthousiasme de notre esprit lorsque Dieu nous appelle à lutter pour la
construction de notre maison spirituelle.
un lieu pour devenir les enfants du Père
céleste
Il ne faut jamais perdre
de vue que nous sommes tous réunis ici pour vivre éternellement avec Dieu.
C'est en cela que réside le sens de toutes mes rencontres avec vous. Comment
pouvons-nous faire de ce lieu, de ce monastère avant tout une maison de prière,
un lieu pour l'édification de notre vie en Jésus-Christ et pour devenir par Lui
les enfants du Père céleste, - « Notre Père qui es aux cieux ... »
Liberté de prier pour le monde entier
Il m'est bien des fois
arrivé de me demander s'il était possible de faire l'éducation d'une personne
seulement selon une ligne positive, en évitant les voies négatives ... Lorsque
je suis arrivé à l'Athos, je me suis trouvé dans les conditions d'un monastère
athonite, c'est-à-dire qu'il était gouverné par un higoumène entouré de
quelques anciens qui prenaient soin de la vie du monastère en général et de
chaque membre en particulier. Je me suis alors senti libre de m'abandonner
totalement à la pensée de Dieu. Cette liberté fut pour moi un si grand don! Un
petit coin dans ma cellule me suffisait pour embrasser le monde entier dans ma
prière.
Quand chaque activité devient un acte liturgique
Lorsque nous nous limitons
en tout et que nous renonçons à tout, lorsque nous désirons seulement entendre
le Nom de Dieu, écouter ses paroles, ses commandements, L'invoquer et être liés
à Lui par tout notre être, toute activité devient un acte liturgique d'une
grande signification.
Ainsi donc, je reviens sur
ce point: qu'aucune Sœur et qu'aucun Père ne pense qu'il remplit une tâche
insignifiante, disons celle dont s'occupe maintenant notre nouvelle sœur
Anastasie, et, avant elle, notre nouvelle sœur Anne: planter des pommes de
terre, semer des haricots, les arroser, etc. - Etre pressé, être fatigué ...
quoi que vous fassiez, tout est accompli pour l'édification d'un temple pour la
Liturgie. Et alors notre
Saint Sophrony entre Père Kyrill et Père Syméon. |
Appréciez le fait que,
dans notre famille, vous pouvez vraiment demeurer dans une prière constante
pour tous ceux qui sont réunis dans ce lieu. Afin que l'énergie de la communion
soit constamment en nous. Vous verrez alors comment surgit en nous une force
purement spirituelle que nous ressentons comme liberté, et comment, peu à peu, à partir
des plus petites choses naît la grande éternité.
Dans mon livre, j'ai écrit
qu'après l'achèvement du processus de notre vie sur terre, nous recevrons, si
nous sommes sauvés par Dieu, la vie sans commencement, et c'est pourquoi
nous oublierons même notre origine terrestre ...
Je suis vraiment horrifié
lorsque j'entends ce que j'ai dit et comment je l'ai dit. Cela me fait
toujours honte. Oui, mais c'est parce que je m'efforce de trouver une parole
pour exprimer l'inexprimable. Je pense cependant que si nous accomplissons de
petites choses (par exemple: penser du bien au sujet de tous et de chacun, de
tous les frères et de toutes les sœurs, ne pas accepter de mauvaises pensées,
ne pas permettre qu'un mauvais esprit domine nos cœurs et que nous jugions les
autres) nous parviendrons peu à peu à un état où nous ressentirons de
l'enthousiasme à entrer en communion
avec toute autre personne.
Tout transporter dans le domaine de l'esprit
Je m'efforcerai de vous
donner cette prière qui ne doit pas constituer pour vous une règle obligatoire;
elle est plutôt un modèle vous montrant pour quoi prier, comment vaincre
la pression de la matière sur nous et comment transporter tout dans le domaine
de l'esprit.
Dieu est Esprit. .. Nous
utilisons une étrange expression lorsque nous disons: «Père, Fils et
Saint-Esprit ». Pourquoi la troisième
Personne est-elle appelée « Esprit »? Est-ce que la première Personne, le Père,
n'est pas le principe de tout? Et le Père est esprit et le Fils est esprit et
le Saint-Esprit est esprit. Le Seigneur a dit: « Dieu est esprit» (cf. Jean 4,24).
Ainsi, nous montons
progressivement dans une autre forme de l'être qu'il est impossible de décrire
en paroles et de faire connaître à ceux qui ne l'ont pas connue par expérience.
Ceux qui écrivent sans connaître Dieu
Il me vient maintenant une
pensée terrible: beaucoup de livres sur le christianisme sont écrits par des
personnes qui n'ont pas l'expérience de Dieu, par des personnes dont
l'intellect n'est que terrestre. Comment échapper à leur influence?
Il n'y a pas longtemps, il
m'est arrivé de m'entretenir, en présence du Père Syméon, avec quelques
visiteurs. Nos interlocuteurs étaient des personnes qui nous sont chères. Nous
parlions de ce que dans le monde contemporain paraissent des livres écrits par
des auteurs qui ont une formation purement terrestre, qui n'ont en réalité
jamais vécu Dieu, car s'ils L'avaient vécu, ils auraient une autre manière de
penser. Nous parlons de l'esprit, mais pour ces gens l'esprit est un mythe.
Lorsque vous priez Dieu pour vous-mêmes, puis pour tous les frères et sœurs, et
de plus en plus loin jusqu'à englober toute l'humanité, votre esprit s'habitue
à vivre précisément dans cette sphère et alors beaucoup de faits incontestables
par leur vérité se produisent dans votre vie.
Du néant à la
vie éternelle
Comme je désire maintenant
vous transmettre tout ce que j'ai, mes chers frères et sœurs! Construisez cette
maison et parallèlement à cela se construira votre temple spirituel, éternel et
non fait de mains d'homme. Alors notre endroit pauvre et petit deviendra
précieux pour nous.
Quelle créature
mystérieuse que l'homme! Il a été appelé à l'être par un ordre du
Dieu-Créateur; nous sommes conscients de notre création à partir du néant, de
notre pauvreté. Mais voici que le Christ nous a apporté la pensée, l'espérance
et même l'énergie d'une autre vie.
De quelle manière étrange
Il se comporte avec nous! Ceux à qui a été confié le ministère de la paternité
spirituelle - d'être pères spirituels - comprennent ce dont je parle. Comment
soudain cet homme surgi de rien commence à parler des lois de la vie
éternelle... C'est une chose remarquablement intéressante que Dieu nous laisse
nous créer nous-mêmes, alors que, Lui, Il se tient ou bien en face de nous, ou
bien à côté de nous, et nous dit comment Il est en Lui-même. Nous ne saisissons
pas tout ce qu'Il dit, mais avec son aide, avec la coopération du Saint-Esprit,
nous pénétrons progressivement dans cette connaissance, et celle-ci nous
remplit d'enthousiasme devant notre Père, le Dieu qui crée notre vie.
Voilà que je vous ai de
nouveau embrouillés aujourd'hui en exprimant pêle-mêle
quelques pensées, mais prenez ce texte sur «La liberté spirituelle» et
alors vous trouverez peut-être un certain sens dans ce que je vous ai dit. Mais
maintenant je prie que le Seigneur vous garde tous sur la vraie voie. Il est
Lui-même notre voie (cf. Jean 14, 6).
Pas de solitude quand 0n est avec Dieu
Maintenant beaucoup de
personnes qui viennent vers les pères spirituels se plaignent de leur solitude.
Mais, à vrai dire, lorsque nous vivons réellement par la divinité du Christ,
nous ne connaissons pas de solitude. Je vous parle d'après ma propre
expérience; j'ai passé sept ans au désert, et jamais je n'ai été effleuré par
le sentiment que quelque chose, c'est-à-dire que la présence de quelqu'un me
manquait, mais dans mon esprit se trouvait la plénitude de la communion avec
Dieu et avec l'Homme.
Référence:
Parole à la communauté.
Archimandrite Sophrony. N*30, 1995.