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Saint Sophrony l'Athonite. |
Comment pouvons-nous
croire en la possibilité de la résurrection pour l'éternité après notre mort
corporelle.?!.
Tout ce que nous
expérimentons semble justement lié au corps, à ses perceptions. Même notre
pensée, nous la ressentons comme la mise en mouvement d'une certaine énergie
dans la matérialité de notre cerveau et de notre cœur ... Il n'a pas été donné
à tous d'expérimenter des états de prière durant lesquels l'esprit se libère
des liens matériels, des conditions liées au temps et à l'espace. Tant s'en
faut! Nous croyons à la science avec une foi naïve, malgré toute son évidente
relativité. En vue d'en assimiler les derniers développements, nous y
consacrons, dès nos jeunes années, des décennies d'efforts laborieux. Dans ses
formes les plus élevées, l'ascèse spirituelle va incomparablement plus loin que
toute science purement humaine, mais, dans ses phases initiales, elle est
simple et même joyeuse. Essayons d'expliquer les vraies raisons pour lesquelles
les hommes refusent de suivre le Christ-Vérité.
« Si l'on prêche que le
Christ est ressuscité des morts, comment certains parmi vous peuvent-ils dire qu'il n'y a pas
de résurrection des morts? S'il n'y a pas de résurrection des morts, le Christ
non plus n'est pas ressuscité. Mais si le Christ n'est pas ressuscité, vide
alors est notre message, vide aussi notre foi. [ ... ] Si c'est pour cette vie
seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus
à plaindre de tous les hommes. [ ... ]Et nous-mêmes, pourquoi à toute
heure nous exposer au péril? Je [Paul] meurs chaque jour [ ... ]» (l Co
15).
«Jacques et Jean, fils de
Zébédée, s'avancent vers lui et lui disent: " Maître, nous voulons que tu
fasses pour nous ce que nous allons te demander. " Il leur dit: «Que voulez-vous que je fasse pour vous?
-Accorde-nous, lui dirent-ils, de siéger dans ta gloire, l'un à ta droite et
l'autre à ta gauche. " Jésus leur dit: «Vous ne savez pas ce que vous
demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire et être baptisés du
baptême dont je vais être baptisé?» Ils
lui dirent: «Nous le pouvons. »Jésus leur dit: «La coupe que je vais boire,
vous la boirez, et le baptême dont je vais être baptisé, vous en serez
baptisés.» (Mc 10,35-39.)
«Jésus s'éloigna des
disciples d'environ un jet de pierre et, fléchissant les genoux, il priait en
disant: «Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe! [ ... ] Entré en agonie,
Il priait de façon plus instante, et sa sueur devint comme de grosses gouttes
de sang qui tombaient à terre» (voir
Lc 22, 42-44).
Qu'est en réalité cette
coupe du Christ? La profondeur de ce mystère nous échappe. Dans notre tentative
de suivre le Christ sur la voie de l'observance de ses commandements, nous
buvons constamment et inévitablement une certaine coupe, mais ce que le Christ
avait en vue, ce qu'Il vivait en « cette
heure », nous ne le comprenons
pas en plénitude. Néanmoins, quelque chose d'analogue se passe nécessairement
avec nous, comme Il l'a dit lui-même: «La coupe que je vais boire, vous la
boirez» (Mc 10,39). Mystérieuse est la coupe du Christ, mais notre coupe, elle aussi,
est cachée aux regards extérieurs.
«Si c'est pour cette vie
seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus
malheureux de tous les hommes », a
dit Paul (l Co 15, 19). Oui, il en est vraiment ainsi. Mais qu'est-ce qui rend
ce bienheureux malheur inexplicable pour ceux qui n'ont pas suivi le Christ? C'est
que, en général, les réactions de l'esprit chrétien à l'égard de tout ce qui se
produit autour de nous sont profondément différentes, souvent même
diamétralement opposées à l'esprit des enfants de ce monde. En voici un
exemple: au moment où Judas sortit de la « chambre
haute» de Sion pour livrer le Seigneur à la crucifixion, Celui ci ouvrit la bouche et dit: «Maintenant le
Fils de l'homme a été glorifié» (Jn l3, 31). Ainsi, tout au long de l'Évangile,
nous constatons que le Seigneur vivait sur un autre plan de l'être, où toutes
les réactions passent par un autre prisme. Celui donc qui veut pénétrer, ne
serait-ce qu'en partie, dans ce mystère, doit prendre sa croix sur ses épaules
et se livrer totalement à la volonté du Père céleste. Il n'y a pas d'autre
voie. Pourtant, il n'y a pas de fin au conflit entre le Christ et ce monde.
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Fresques des Saints Silouan et Sophrony de la Chapelle de Saint Sophrony l'Athonite. Centre Arvo Part. Estonia.
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J'ai un profond amour et
une grande reconnaissance envers l'Église au sein de laquelle me furent
révélées la divinité de Jésus-Christ et l'image de l'humanité qu'Il a
manifestée. Nous pouvons voir cette «image»
sous une forme réduite dans la vie de certaines personnes ainsi qu'en
nous-mêmes. Sa pleine réalisation appartient au siècle à venir, mais les
quelques rares approches qui en ont été faites au cours de l'histoire suscitent
l'enthousiasme de l'âme. Il est normal pour un chrétien d'avoir soif de
ressembler au Seigneur, d'embrasser le monde de son amour comme Il l'a
embrassé, comme Lui de n'être l'ennemi de personne, c'est-à-dire d'être libre
de l'enfer de la haine envers qui que ce soit, conformément à son commandement:
« Eh bien moi je vous dis: aimez vos
ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous
haïssent et priez pour vos persécuteurs et pour ceux qui vous maltraitent, afin
de devenir fils de votre Père qui est aux cieux! » (Mt 5,44-45). Mais aucun des fils d'Adam ne peut vivre ainsi
par ses propres forces; ce n'est possible que si l'Esprit saint remplit le cœur
de l'homme de l'éternité qui lui est inhérente. Sans l'Esprit saint, nous ne
pouvons pas garder les commandements de Dieu (voir Jn 15,5).
Oui, la soif de devenir
semblable au Seigneur est naturelle au chrétien. Néanmoins, «étroite est la
porte et resserré le chemin» qui mène à cette vie divine (voir Mt 7, 14). Pour
se débarrasser de sa peau devenue inutile, le serpent se faufile par d'étroites
fissures; de même, pour être sauvé, chaque homme doit franchir une «porte» très étroite pour se dépouiller de
sa «tunique de peau», revêtue lors de la chute (On 3, 21).
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Celui qui a dit: «je suis
la Voie, la Vérité et la Vie» (Jn 14, 6) nous a donné ce commandement: « Si quelqu'un vient à moi sans haïr son
père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et jusqu'à sa propre vie,
il ne peut être mon disciple» (Lc 14, 26-27.33; voir Mt 16,24-25). D'après ces
paroles, nous pouvons comprendre «qui Il est» (voir Mt 21, 10). Si, dans son
être hypostatique, le Christ n'était pas consubstantiel au Père et au Saint-Esprit,
s'Il n'était pas Dieu manifesté dans notre chair, mais seulement un être créé
semblable à nous, alors, ontologiquement, de telles idées n'auraient pu Lui
venir à l'esprit. Si Jésus-Christ n'était pas Dieu par sa nature même, il
suffirait de ce seul commandement pour que tout le reste de l'Évangile devienne
irrecevable. L'expérience bimillénaire de l'Église confirme invariablement «le grand mystère de la piété: Dieu a été
manifesté dans la chair, justifié dans l'Esprit» (voir 1 Tm 3, 16). Accueilli
par la foi comme Seigneur éternel, le Christ devient pour nous la Lumière de
l'éternité; ses paroles nous ouvrent les inconcevables profondeurs de l'Etre
divin.
Dans son insondable
Providence, Dieu m'a permis de m'asseoir aux pieds de Silouane, cet élu du
Très-Haut. Observant pieusement son ascèse, écoutant avidement ses
enseignements, j'ai pu moi, le plus insignifiant des hommes, entrevoir le
mystère de la voie qui mène au salut. Arrivé à la fin de mes jours, je me
risque à dévoiler ce qu'auparavant je dissimulais jalousement. Je parle ici
dans les limites et les formes dans lesquelles il me fut donné de vivre Dieu.
Référence :
La prière expérience de
l’éternité. Archimandrite Sophrony(Sacharov). Cerf,
collection Le sel de la terre. Spiritualité , (novembre 1998).