Saturday, October 9, 2021

La Coupe du Christ.
Saint Sophrony l’Athonite.

   

Saint Sophrony l'Athonite.
        Comment pouvons-nous croire en la possibilité de la résurrection pour l'éternité après notre mort corporelle
.?!.

Tout ce que nous expérimentons semble justement lié au corps, à ses perceptions. Même notre pensée, nous la ressentons comme la mise en mouvement d'une certaine énergie dans la matérialité de notre cerveau et de notre cœur ... Il n'a pas été donné à tous d'expérimenter des états de prière durant lesquels l'esprit se libère des liens matériels, des conditions liées au temps et à l'espace. Tant s'en faut! Nous croyons à la science avec une foi naïve, malgré toute son évidente relativité. En vue d'en assimiler les derniers développements, nous y consacrons, dès nos jeunes années, des décennies d'efforts laborieux. Dans ses formes les plus élevées, l'ascèse spirituelle va incomparablement plus loin que toute science purement humaine, mais, dans ses phases initiales, elle est simple et même joyeuse. Essayons d'expliquer les vraies raisons pour lesquelles les hommes refusent de suivre le Christ-Vérité.

« Si l'on prêche que le Christ est ressuscité des morts, comment certains parmi vous peuvent-ils dire qu'il n'y a pas de résurrection des morts? S'il n'y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n'est pas ressuscité. Mais si le Christ n'est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi notre foi. [ ... ] Si c'est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. [ ... ]Et nous-­mêmes, pourquoi à toute heure nous exposer au péril? Je [Paul] meurs chaque jour [ ... ]» (l Co 15).

«Jacques et Jean, fils de Zébédée, s'avancent vers lui et lui disent: " Maître, nous voulons que tu fasses pour nous ce que nous allons te demander. " Il leur dit: «Que voulez-vous que je fasse pour vous? -Accorde-nous, lui dirent-ils, de siéger dans ta gloire, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche. " Jésus leur dit: «Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire et être baptisés du baptême dont je vais être baptisé?» Ils lui dirent: «Nous le pouvons. »Jésus leur dit: «La coupe que je vais boire, vous la boirez, et le baptême dont je vais être baptisé, vous en serez baptisés.» (Mc 10,35-39.)

«Jésus s'éloigna des disciples d'environ un jet de pierre et, fléchissant les genoux, il priait en disant: «Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe! [ ... ] Entré en agonie, Il priait de façon plus instante, et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre» (voir Lc 22, 42-44).

Qu'est en réalité cette coupe du Christ? La profondeur de ce mystère nous échappe. Dans notre tentative de suivre le Christ sur la voie de l'observance de ses commandements, nous buvons constamment et inévitablement une certaine coupe, mais ce que le Christ avait en vue, ce qu'Il vivait en « cette heure », nous ne le comprenons pas en plénitude. Néanmoins, quelque chose d'analogue se passe nécessairement avec nous, comme Il l'a dit lui-même: «La coupe que je vais boire, vous la boirez» (Mc 10,39). Mystérieuse est la coupe du Christ, mais notre coupe, elle aussi, est cachée aux regards extérieurs.

«Si c'est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes », a dit Paul (l Co 15, 19). Oui, il en est vraiment ainsi. Mais qu'est-ce qui rend ce bienheureux malheur inexplicable pour ceux qui n'ont pas suivi le Christ? C'est que, en général, les réactions de l'esprit chrétien à l'égard de tout ce qui se produit autour de nous sont profondément différentes, souvent même diamétralement opposées à l'esprit des enfants de ce monde. En voici un exemple: au moment où Judas sortit de la « chambre haute» de Sion pour livrer le Seigneur à la crucifixion, Celui­ ci ouvrit la bouche et dit: «Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié» (Jn l3, 31). Ainsi, tout au long de l'Évangile, nous constatons que le Seigneur vivait sur un autre plan de l'être, où toutes les réactions passent par un autre prisme. Celui donc qui veut pénétrer, ne serait-ce qu'en partie, dans ce mystère, doit prendre sa croix sur ses épaules et se livrer totalement à la volonté du Père céleste. Il n'y a pas d'autre voie. Pourtant, il n'y a pas de fin au conflit entre le Christ et ce monde.

Fresques des Saints Silouan
 et Sophrony de la Chapelle
 de Saint Sophrony l'Athonite.
Centre Arvo Part. Estonia.


    J'ai un profond amour et une grande reconnaissance envers l'Église au sein de laquelle me furent révélées la divinité de Jésus-Christ et l'image de l'humanité qu'Il a manifestée. Nous pouvons voir cette «image» sous une forme réduite dans la vie de certaines personnes ainsi qu'en nous-mêmes. Sa pleine réalisation appartient au siècle à venir, mais les quelques rares approches qui en ont été faites au cours de l'histoire suscitent l'enthousiasme de l'âme. Il est normal pour un chrétien d'avoir soif de ressembler au Seigneur, d'embrasser le monde de son amour comme Il l'a embrassé, comme Lui de n'être l'ennemi de personne, c'est-à-dire d'être libre de l'enfer de la haine envers qui que ce soit, conformément à son commandement: « Eh bien moi je vous dis: aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour vos persécuteurs et pour ceux qui vous maltraitent, afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux! » (Mt 5,44-45). Mais aucun des fils d'Adam ne peut vivre ainsi par ses propres forces; ce n'est possible que si l'Esprit saint remplit le cœur de l'homme de l'éternité qui lui est inhérente. Sans l'Esprit saint, nous ne pouvons pas garder les commandements de Dieu (voir Jn 15,5).

Oui, la soif de devenir semblable au Seigneur est naturelle au chrétien. Néanmoins, «étroite est la porte et resserré le chemin» qui mène à cette vie divine (voir Mt 7, 14). Pour se débarrasser de sa peau devenue inutile, le serpent se faufile par d'étroites fissures; de même, pour être sauvé, chaque homme doit franchir une «porte» très étroite pour se dépouiller de sa «tunique de peau», revêtue lors de la chute (On 3, 21). 45

Celui qui a dit: «je suis la Voie, la Vérité et la Vie» (Jn 14, 6) nous a donné ce commandement: « Si quelqu'un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs et jusqu'à sa propre vie, il ne peut être mon disciple» (Lc 14, 26-27.33; voir Mt 16,24-25). D'après ces paroles, nous pouvons comprendre «qui Il est» (voir Mt 21, 10). Si, dans son être hypostatique, le Christ n'était pas consubstantiel au Père et au Saint-Esprit, s'Il n'était pas Dieu manifesté dans notre chair, mais seulement un être créé semblable à nous, alors, ontologiquement, de telles idées n'auraient pu Lui venir à l'esprit. Si Jésus-Christ n'était pas Dieu par sa nature même, il suffirait de ce seul commandement pour que tout le reste de l'Évangile devienne irrecevable. L'expérience bimillénaire de l'Église confirme invariablement «le grand mystère de la piété: Dieu a été manifesté dans la chair, justifié dans l'Esprit» (voir 1 Tm 3, 16). Accueilli par la foi comme Seigneur éternel, le Christ devient pour nous la Lumière de l'éternité; ses paroles nous ouvrent les inconcevables profondeurs de l'Etre divin.

Dans son insondable Providence, Dieu m'a permis de m'asseoir aux pieds de Silouane, cet élu du Très-Haut. Observant pieusement son ascèse, écoutant avidement ses enseignements, j'ai pu moi, le plus insignifiant des hommes, entrevoir le mystère de la voie qui mène au salut. Arrivé à la fin de mes jours, je me risque à dévoiler ce qu'auparavant je dissimulais jalousement. Je parle ici dans les limites et les formes dans lesquelles il me fut donné de vivre Dieu.

 

 

 

Référence :

La prière expérience de l’éternité. Archimandrite Sophrony(Sacharov). Cerf,
collection Le sel de la terre. Spiritualité , (novembre 1998).