Saturday, January 2, 2021

La Lumière de Vie.
Saint Sophrony l’Athonite.

          

Saint Sophrony l'Athonite.
    La Lumière du Christ est «énergie» de la Divinité, vie incréée et sans commencement du Dieu-Trinité. Cette énergie-acte est propre au Père et à l'Esprit saint. Dans cette Lumière, nous connaissons le Père, l'Esprit saint et le Fils monogène. Lorsque - par le bon vouloir du Père - cette Lumière nous illumine, le principe hypostatique qui est en nous à l'état potentiel de par notre naissance, s'actualise et devient capable de «voir» Dieu (voir Mt 5, 8), de recevoir la force essentielle, la richesse de la vie de Dieu lui-même. Sur terre, l'homme ne peut contenir l'absolue perfection de la Divinité; mais comme le Saint- Esprit agit en lui, il se reconnaît lié à Celui qui est en vérité le Créateur de toute vie et le centre unique de tout ce qui existe.

Encore et encore, parlons de cette Lumière de vie que les ténèbres du non-être ne peuvent engloutir (voir In l , 5). Je ne vis pas par moi-même: je suis tout entier tourné vers Celui que j'aime. Il m'a donné la vie, Il est ma vie. S'il en est ainsi, que suis-je donc.?..

Grand est l'homme quand il est en Dieu. Par la puissance de l'amour divin, l'homme embrasse le monde entier et, dans un certain sens, devient le «centre du monde». Cette pensée me vint pour la première fois lorsque Dieu me donna la grâce de la «mémoire de la mort». Cette expérience, plutôt négative dans son intensité maximale, m'a donné de vivre mon départ dans le non-être comme l'anéantissement en moi de tout le cosmos: «en moi », avec ma mort, meurt le genre humain tout entier, avec toutes ses souffrances et ses joies, ses aspirations et ses connaissances. Plus que cela: Dieu lui-même - encore inconnu et cependant connu d'une certaine manière - meurt Lui aussi, en moi et pour moi. Tout l'être créé et incréé disparaît dans les ténèbres abyssales de l'oubli. Ces expériences d'un tel état de l'être étaient, en réalité, la contemplation de « absoluité » « image» de l'Absolu - du principe hypos­tatique en nous, mais affectée du signe moins.

Cependant, lorsque la Lumière incréée vint et témoigna à mon esprit que j'étais hors de l'emprise de la mort, tout ce qui auparavant était mort en moi se releva avec moi sous l'effet de cette Lumière.

Alors, les effroyables ténèbres de la mort, la pénible aversion envers moi-même à cause du péché qui vivait en moi et que je ressentais comme une séparation d'avec le Dieu d'amour, l'amère désespérance à mon propre sujet, la révolte contre l'absurdité de l'existence en général telle qu'elle se reflétait auparavant dans ma conscience, tout cela fut radicalement transfiguré par la force régénératrice du repentir, devint une «kénose» semblable à celle du Christ. Car ceux qui lui ressemblent dans leur mort, sont relevés et portés à une gloire éternelle semblable à la sienne (voir Ph 2,7-8 ; 3,9-11 ; Rm 6,5). C'est ainsi gue l'on connaît Jésus-Christ, à la fois dans sa souveraineté éternelle et dans son ineffable kénose « pour nous les hommes et pour notre salut».

Le Christ a vaincu le monde (Jn 16,33). Désormais, il n'y a plus rien ni personne qui puisse limiter sa souveraineté. Par de nombreuses souffrances, nous nous libérons du pouvoir qu'exerce sur nous tout ce que nous avons vécu auparavant. Enrichis par l'expérience de la victoire remportée grâce au repentir, nous devenons semblables au Fils unique dans sa souveraineté : l'enfer cesse de nous posséder, et nous le regardons sans plus ressentir d'effroi comme auparavant.

Je ne prétends nullement que le Seigneur Jésus a vécu de cette manière sa propre « kénose » au jardin de Gethsémani et sur le Golgotha. Mais c'est ainsi qu'il m'a été donné de le comprendre dans ma repentance devant Lui pour toutes mes transgressions spirituelles. Pourquoi donc un tel homme priait-il: « Mon âme est triste à en mourir […]. Mon Père, s'il est possible que cette coupe passe loin de moi […]. Et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui rom baient à terre » (Mt 26, 38-39 ; Le 22, 44)

Pour moi, qui ne suis pas grand-chose, ce que j'ai expérimenté alors était grand et cela n'a cessé de croître jusqu'à présent. Je me demande, avec une crainte révérencielle: que voyait-Il donc, mon Seigneur, pour prier ainsi.?.. Il est infini dans sa divinité, inaccessible dans son abaissement, sans limite dans son amour « jusqu'au bout» (Jn 13, 1), hors d'atteinte dans sa gloire.

Nul doute que sa souffrance était plus grande que celle de tous les autres hommes, pour être la « passion rédemptrice du monde».

La Sainte Théophanie. Peinte par Saint Sophrony.
Monastère Saint Jean-Baptiste. Angleterre. 

Il est, en vérité, la Lumière venue dans le monde afin que quiconque croit en Lui ne demeure pas dans les ténèbres (voir Jn 12,46).

Les manifestations de la Lumière - une dans sa nature éter­nelle - diffèrent entre elles quant à leur force et à leur mode. Il est rare, dans l'histoire de l'Église, que les visions de la Lumière attei­gnent une plénitude relie qu'au moment de son illumination, l'esprit de l'homme soit encore gratifié d'une révélation personnelle de Dieu. C'est ce qui arriva au Thabor lorsque Pierre, Jacques et Jean entendirent la voix immatérielle du Père témoignant de son Fils bien-aimé. Ce fut aussi le cas de l'apôtre Paul sur le chemin de Damas; le resplendissement lumineux fut impressionnant, de même que le fut, à sa suite, la conversation personnelle avec le Christ, au cours de laquelle Paul reçut la certitude que le Dieu qu'il honorait, qui s'était révélé à Moïse au Sinaï, était Lui: « Je suis Jésus que tu persécutes » (Ac 9, 5).

Plus fréquemment, cette Lumière embrasse l'homme lorsqu'il se trouve totalement absorbé dans l'état d'une prière de repentir, comme se tenant à la limite du désespoir. Au début de notre élan pour nous repentir de nos péchés, cette Lumière sainte nous donne l'expérience de la miséricorde et de l'amour de Dieu, mais pas encore celle d'une conversation face à Face. Une telle conversation n'a lieu que lorsque l'homme est vraiment en Dieu, et Dieu en lui, lorsque l'esprit de celui qui prie sait que Celui qui lui est apparu est le Maître éternel de tout ce qui est, le Premier et le Dernier, inaccessible et pourtant si intimement proche, à la fois invisible et perçu même par le corps, embrasant le cœur par le feu de l'amour et illuminant l'intellect par la lumière de la science :

Lumière de la science, Lumière de la connaissance, mais d'une connaissance inexprimable en paroles. Il se nomme d'ailleurs lui ­même Je Suis Celui Qui Suis. Chacun ne saisit ces très saintes paroles que dans la mesure effective de sa propre expérience. Et aucun des mortels ne peut dire qu'il a connu « jusqu'au bout» l'Être qui se cache derrière ces paroles. Pourtant, nous avons l'espérance que viendra le jour éternel où Il sera « tout en tous » (1 Co 15, 28).

 

 

Référence:

Voir Dieu tel qu’Il est. Archimandrite Sophrony. Le sel de la terre.cerf.2004