Saturday, August 8, 2020

Au Liban, nous sommes crucifiés!.
Archimandrite Touma Bitar.

     Réunis au monastère Saint Jean-Baptiste Essex, Maldon, en Angleterre, avec Saint Sophrony et sa communauté monastique, Père Touma(Bitar) et Mère Mariam(Zacca) se préparaient pour leur profession monastique “pour retourner au Liban et commencer le renouveau du monachisme au Liban”. Nous présentons ci-dessus le discours présenté par Père Touma le Lundi 30 Juillet 1990; qui semble décrire la situation actuelle au Liban “toujours crucifié”.

 

Vous vous souvenez tous, sans doute de certains détails de la Transfiguration de notre Seigneur ...

Lorsque notre Seigneur fut transfiguré sur le Thabor, les trois disciples qui étaient montés avec Lui, Lui dirent, à leur façon, bien entendu, car ils ne comprenaient pas ce qui allait se passer- ils étaient comme des enfants, et dans une certaine mesure un peu stupides - ils Lui dirent: « Il est bon d'être ici Seigneur. Nous allons construire une tente pour Toi, et une pour Moïse, et une pour Elie. » Ils ne savaient pas vraiment ce qu'ils disaient. Mais Lui savait très bien, car notre Seigneur savait dès le début d'où Il était venu et où Il était en train d'aller. Ayant vu Sa Lumière, et plus tard, quand ils L'ont vu ressuscité d'entre les morts, ils s'aperçurent que, oui, « il est vraiment bon d'être ici», il est bon d'être dans la Jérusalem céleste. Il n'en est pas moins vrai que Pierre et la plupart des Apôtres seront crucifiés par la suite.

Mais il me semble que la croix nous est donnée non pas en tant qu'adultes, mais en tant qu'enfants. Et si nous réfléchissons trop, si notre comportement est trop adulte, nous n'assumerons jamais cette croix, et par conséquent, nous n'atteindrons jamais à la résurrection afin d'y participer. Et c'est pour cela que nous sommes ici en tant qu'enfants. Nous ne comprenons pas exactement ce qui se passe, ni ce qui se passera. Mais nous ressentons qu'il est bon d'être ici, et il sera bon d'être là où nous serons.

« Vous ne pouvez descendre de la croix vous-mêmes. 

L'explosion du port de Beirut. 4 Août 2020.
“L'enfer est grand ouvert devant ce monde, notre monde”
        Nous ne pensons pas spécialement à la croix. [Au Liban], nous y avons été crucifiés pendant une quinzaine d'années. Je disais à certains d'entre nos amis ici combien il est facile de parler de ce qui se passe au Liban, mais à vrai dire cela va au- delà de la tragédie. Je dirai même que c'est l'enfer. L'enfer est grand ouvert devant ce monde, notre monde, et il essaie d'avaler très rapidement et d'une façon anormale tous ceux qui appartiennent au Christ, qui appartiennent à la Vérité, toutes ces brebis que l'on traîne chaque jour à l'abattoir. Oui; nous sommes habitués à une sorte de croix, à la Croix, à notre croix. Nous mourons chaque jour et nous acceptons chaque jour de mourir. Nous voyons chaque jour la mort de nos propres yeux. Et il n'y a pour cela, aucune raison du tout. En effet, personne ne sait vraiment ce qui se passe au Liban. Personne ne saurait expliquer ce qui s'y passe. Et à moins que nous voyions cette affaire à la lumière de l'Évangile, à la Lumière de notre Seigneur, nous ne comprendrons jamais rien. Et à tous ceux qui viennent nous demander une explication ou qui voudraient savoir s'ils feraient mieux de rester sur place ou de partir, notre réponse est la suivante. «Si vous êtes pour le Christ, il faut rester. Vous ne pouvez descendre de la croix vous-mêmes. Il vous sera donné de descendre. Mais si la Croix du Christ ne vous dit pas grand-chose, partez. Allez, partez du pays. Vous n'êtes pas obligés de souffrir sans raison.»

« La sainteté, c'est la seule chose qui nous reste. »

Ce qui nous préoccupe, et c'est pour cela que nous sommes venus ici, mon Père, c'est tout simplement la sainteté. Notre désir est de devenir saints. Et la sainteté n'est pas si éloignée que ça. Elle a été donnée à tout le monde. Nous nous en approchons peut-être comme des imbéciles, ou peut­ être comme des idiots, ou peut-être comme des enfants. Mais nous voulons nous en emparer de force, puisque c'est la seule chose qui nous reste au monde. Nous n'avons plus rien. On parle du désert et de la vie monastique. Le Liban tout entier est un désert. Et tous ceux qui y restent sont passés comme par une sorte d'«ascétisation »forcée par la main de Dieu, car le désir de Dieu pour ce monde est qu'il devienne un monde de saints. S'il est probable que beaucoup risquent d'être brûlés par le feu, il y en a également qui y seront purifiés. Et c'est précisément pour cela que nous sommes ici, et c'est pour cela que nous retournons au Liban.

 

 

Référence :

Parole à la communauté. Archimandrite Sophrony. Pâques2004. N*51 .