“Le temps est le mode d’existence de ce qui
change. Dans chaque changement, il y a un élément de souffrance et même de
mort. Nous qui appartenons en même temps- ou plutôt en parallèle- à deux
mondes, celui d’en haut et celui d’en bas, nous sommes d’une certaine manière
divisés tout au long de notre existence terrestre. Nous aspirons à la vie
éternelle, ayant devant nous le modèle de l’existence divine, immuable dans sa
perfection, et en même temps nous nous abîmons dans le souci des choses
terrestres, n’ayant pas la force de dédaigner les exigences de cette vie.
“J’attends le résurrection des morts”. Elle seule, le vie éternelle que nous
attendons, est la véritable vie”.
Saint Sophrony l’Athonite
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"Moi, J'ai vaincu le monde" (Jean 16,33) |
La chute
d'Adam, qui a perdu l'éternité de Dieu, est une chute dans le temps, le mode d'existence
du monde périssable, où tout passe, tout est soumis au changement, à la
dégradation, à la mort. Le temps est le contraire de l'éternité et de la
Création car il détruit tout ce qui est, a été et sera. Chaque minute qui passe
nous enlève une parcelle de vie, chaque minute qui arrive contient une graine
de mort. En tant qu'instrument de destruction et de mort, le temps est le moyen
d'action de l'ennemi de Dieu, par lequel il a pris possession de l'humanité
déchue. L’homme profane, qui a coupé le lien avec Dieu, “appartient au
temps, et à cette horreur qui le saisit, il y reconnaît son pire
ennemi”(A.Camus- “Le mythe de Sisyphe”).
L'horreur de
l'homme devant le temps provient du fait que les choses qui passent nous
rappellent la présence de la mort dans notre existence et dans notre propre
chair:
« La mort
n'est pas un instant, elle coexiste et accompagne l'homme tout au long du
chemin de sa vie. Elle est présente en toutes choses comme leur limite évidente. Le temps et l'espace, les instants qui s'évanouissent et les distances
qui séparent sont autant de ruptures, de morts partielles. Tout adieu, oubli,
changement, le fait que rien ne peut jamais se reproduire exactement, traduisent le souffle de la
mort au cœur même de la vie et nous basculent dans le tourment. Tout départ
d'un être aimé, la fin de toute passion, les traces du temps sur un visage, le
dernier regard sur une cité ou un paysage qu'on ne verra plus jamais, ou
simplement une fleur fanée, suscitent une profonde mélancolie, une expérience
immédiate de la mort anticipée» (Paul Evdokimov - « Les âges de la vie
spirituelle» ).
La simple succession dans le temps des événements historiques ou
personnels n’a par elle-même aucun sens, aucune signification, aucune finalité,
de même que la rotation des aiguilles sur le cadre d’une montre . C’est
l’esprit de l’homme qui donne un sens à chaque minute, chaque heure, chaque
journée de sa vie, mais cette signification personnelle et subjective, est
insuffisante pour donner un sens à l'ensemble de son existence temporelle, qui
le conduit invariablement à ce non-sens final, irréductible et définitif,
qu'est la mort.