Saturday, August 11, 2018

La Reine des saints et leur Mère.
Chez Saint Siméon le nouveau théologien.

Archevêque Basile Krivochéine.



Mgr. Basile (Krivochéine)

Mgr. Basile (Krivochéine), archevêque de Bruxelles et de Belgique, est l’un des prélats les plus marquants dans l’histoire de l’Eglise Orthodoxe Russe de la deuxième moitié du XX siècle. Ayant prononcé ses vœux – sous le nom de Basile – au monastère russe de Saint-Panteleimon, il y demeurera vingt-deux ans, dans l’ascèse, la prière et le travail, notamment administratif (en tant que secrétaire du monastère). Après la Seconde guerre mondiale, le contexte de la guerre civile grecque forcera cependant des moines russes – dont Basile Krivochéine – à quitter le Mont Athos. Invité à participer au Patristic Greek Lexicon édité à Oxford par le professeur Lampe, l’ancien athonite s’installera dans cette ville, où il sera ordonné prêtre. Basile Krivochéine est appelé à l’épiscopat dans l’Église russe. Sacré à Londres le 14 juin 1959, il sera d’abord évêque auxiliaire à Paris, puis archevêque diocésain à Bruxelles à partir de 1960.L’archevêque Basile contribuera au développement de l’Église orthodoxe en Belgique et aux Pays-Bas. Le 22 septembre 1985, l’archevêque Basile Krivochéine sera rappelé à Dieu durant un voyage en Russie, et inhumé dans sa ville natale. Traduites en différentes langues, plusieurs fois rééditées, ses œuvres constituent, jusqu’à nos jours, une référence dans le domaine des études patristiques notamment.

Saint Syméon le nouveau Théologien, au commencement de sa conversion à Dieu « récitait avec instance des prières à la Mère de Dieu, avec gémissements et larmes». Et son grand zèle dans les prières « attira la compassion de la Mère du Christ et par son intercession se rendit la Divinité propice, et fit descendre jusqu'à lui la grâce de l'Esprit. Et celle-ci (à son tour) lui donna la force d'atteindre jusqu'au Ciel et le fit digne de voir la lumière que tous désirent et que bien peu obtiennent. »
Saint Syméon raconte que, tourmenté par le chagrin de ne plus voir le Christ et du désir de Le voir encore une fois,
“un jour que j'étais allé saluer l'image immaculée de celle qui T'a enfanté et que je me prosternai devant elle, Toi-même, avant que je me fusse relevé, au-dedans de mon cœur misérable, comme si Tu l'avais transformé en lumière, Tu Te fis voir; et alors je connus que je Te possédai consciemment en moi. »
Par une intervention subite de la Mère de Dieu dont la grâce est présente dans son image, Saint Syméon achève son cheminement vers une possession consciente du Christ. Enfin, dans une prière au Christ Saint Syméon met en avant le rôle de sa Mère dans l'œuvre du salut:
« Toi le seul immortel, le seul tout-puissant, le seul bon et ami des hommes, descendant de tes saintes hauteurs sans sortir du sein paternel, mais incarné et enfanté de Marie, Vierge Sainte. »
Selon les écrits de Saint Syméon, ainsi que l'Église, On ne saurait présenter le Christ et son œuvre salvatrice sans y joindre aussi la Bienheureuse Vierge Marie, la Mère de Dieu, la Théotokos, tant ces thèmes sont liés ensemble et constituent un tout. Commentant la création de la première femme de la côte d'Adam, Saint Syméon dit: 
« De même donc que, jadis, dans la formation d'Ève, notre aïeule, Dieu prit la côte déjà animée d'Adam et en bâtit une femme - telle est, en effet, la raison pour laquelle Il ne lui insuffla pas comme à Adam un souffle de vie; mais avec la partie qu'Il prit de la chair de l'homme Il constitua un corps de femme complet et de ce prélèvement du souffle qu'li prit avec la chair animée Il fit une âme vivante parfaite, réalisant avec les deux ensembles un être humain -, exactement de la même manière, ayant pris de la Sainte Mère de Dieu et toujours Vierge Marie une chair animée, comme levain el modeste prélèvement tiré de la pâte de notre nature, c'est-à-dire à la fois de l'âme et du corps, Dieu, le Modeleur et le Créateur, l'a unie à sa Divinité incompréhensible et inaccessible; ou plutôt c'est à notre essence qu'Il unit en essence l'hypostase entière de sa Divinité; mêlant sans confusion celle-ci à celle-là, l'humaine à la sienne propre, Il l'a édifiée comme un temple saint pour Lui-même; sans mutation”.
Fresque au monastère Hurezi,
en Roumanie.
« De même que la portion prise du corps entier d'Adam a été édifiée pour former une femme, de même en retour la même partie prise de la femme est édifiée pour former un homme, et devient le Nouvel Adam, Notre Seigneur Jésus-Christ, ... de même que la part mise en réserve, c'est-à-dire la portion, à savoir la femme elle-même, a été à l'origine de la malédiction qui est passée à tout le corps, à notre race, de même en retour par l'intermédiaire de cette même part, c'est-à-dire du Corps du Maître, la bénédiction passa à toute l'humanité». Mais après l'infidélité d'Israël, Dieu « prit de nouveau parmi les Israélites sa portion, la part réservée, celle ... qui est issue de la côte d'Adam; Il la prit dans la tribu de Juda et la préserva pour Lui-même. Puisque tous les autres avaient été enfermes dans l'incrédulité, prélevant d'abord parmi eux la part dont Il édifia une femme, c'est-à­ dire Marie la tout irréprochable, puis possédant en Lui-même, comme germe de la foi en Dieu, la chair assumée grâce à Marie la Sainte Mère de Dieu toujours Vierge, Il l'a édifiée eu temple saint pour Lui-même, Lui, le Dieu très Saint devenu Homme­ Dieu. Cependant, le Christ reste Fils d'Adam, mais du moment que cette chair, prise de la Sainte Mère de Dieu en personne, n'était pas issue de la femme, mais édifiée en femme à partir d'Adam, c'est Adam que le Christ est dit porter; second Adam, issu du premier, ... car Il est Fils de Dieu et Fils, non de la femme, mais d'Adam. » 
C'est ici l'image de Marie, Temple de Dieu qui est employée. Une autre image vétérotestamentaire préfigurant la Mère de Dieu est l'arche de Noé, car elle contient le Christ Incarné, comme l'arche abritait Noé et les siens:
« L'arche était. La figure de la Mère de Dieu, et Noé, celle du Christ; et ceux qui entouraient Noé étaient les prémices de la part réservée d'entre les Juifs, de ceux qui à l'avenir croiraient au Christ, tandis que les animaux sauvages et domestiques, les volatiles et les reptiles, étaient la figure des nations. En conséquence, si l'arche, après la venue du déluge contenait Noé, Marie la Mère de Dieu contenait l'Incarné, Dieu et homme; mais l'arche ne sauva qu'un personnage avec sa famille, tandis que l'Incarné a préservé à la fois son arche et le monde entier du déluge du péché, de la servitude de la loi et de la mort”. 
La Mère de Dieu est aussi la terre promise et le vase de la manne.
Saint Syméon se rappelle les anciens Israélites et explique que ceux-ci avaient seulement les figures des biens à venir:
« Ce peuple possédait, en effet, la terre promise, au lieu du paradis par excellence un second paradis, l'arche au lieu de la Mère de Dieu ... Il possédait le vase de la manne, au lieu de l'arbre de vie qui était au milieu du paradis et dont les premiers parents n'eurent pas la possibilité de manger; c'était une figure montrant le vase qui devait porter en lui le Christ. Il possédait la manne, au lieu du Christ, car c'est Lui le pain descendu des cieux et qui donne au monde la vie éternelle. »
Saint Syméon réaffirme que c'est à l'incarnation, plus exactement à l'annonciation, quand elle donna son consentement, que la Mère de Dieu a été libérée de la mort de l'âme qui pesait sur Ève.
Cependant, comme il est incontestable que Dieu le Verbe soit né de la Sainte Mère de Dieu, ainsi peut-on dire qu'Il naît aussi des saints qui Le conçoivent spirituellement en eux. Il y a donc deux naissances du Verbe, la corporelle et la spirituelle. Saint Syméon examine longuement leur relation réciproque qui nous fait comprendre la place unique de la Mère de Dieu dans l'œuvre de notre salut.
Voilà pourquoi la Vierge Marie est en même temps la Reine des saints et leur Mère:
« la Mère de Dieu est souveraine, reine, Dame et Mère de tous les saints; et les saints sont tous, d'une part, ses serviteurs en tant qu'elle est la Mère de Dieu, d'autre part, ses fils en tant qu'ils communient à la chair tout immaculée de son Fils, parole digne de foi, puisque la chair du Seigneur est chair de la Mère de Dieu. »
Saint Syméon explique en quel sens nous sommes ses proches:
Saint Syméon
le nouveau théologien.
« Les saints sont triplement apparentés à la Mère de Dieu : d'une première façon, parce qu'ils tirent tous ensemble leur origine de la même glaise et du même souffle, l'âme; deuxièmement, parce que c'est de la chair qui a été prise d'elle qu'ils ont une part commune avec elle; parce que enfin, à cause de la sainteté selon l'Esprit qui survient en eux grâce à elle, chacun d'eux conçoit et possède pareillement en lui-même le Dieu de toutes choses, comme elle Le possédait elle aussi en elle-même; car, tout en Lui ayant donné naissance par le corps, elle Le possédait aussi toujours en elle spirituellement et, maintenant encore, elle Le possède sans cesse, de la même façon, inséparable d'elle » .

« Tel est le mystère des noces qu'a célébrées pour Son Fils unique le Père coéternel et égal à Lui en dignité… et Il a invité beaucoup de gens”.


Référence :
Dans la Lumière du Christ. Archevêque Basile Krivochéine.(1980)