Saturday, May 27, 2017

Pour les Pères, la Bible est le Christ.

La lecture dans le Christ : l’A priori Orthodoxe
    La meilleure façon de définir la spiritualité orthodoxe, c’est de dire qu’elle est essentiellement biblique, mais il faut saisir le sens orthodoxe, ecclésial du terme. Les Pères de l’Église vivaient de la Bible, pensaient et parlaient par la Bible avec cette admirable pénétration qui va jusqu'à l’identification de leur être avec la substance biblique elle-même.
    L’exégèse pure en tant que science autonome n’a jamais existé au temps des Pères. Si on se met à leur école, on comprend immédiatement qu’il ne s’agit jamais d’une école exégétique soit historique, soit allégorique, méthode d’Antioche ou d’Alexandrie. L’exégèse patristique présente toute la gamme où chaque tendance trouve sa place légitime. Il s’agit du fait fondamental de toute lecture biblique : la Parole lue et écoutée conduit toujours à la Personne vivante du Verbe. Le Christ n’est jamais limité par le sens didactique, catéchétique, ni par aucun autre sens de ses propres paroles. Tous nos sens utilitaires et pragmatiques, tout ce qui est curiosité et question, se subordonnent au fait de la révélation de la Présence la plus réelle et de son illumination. Saint Jean Chrysostome prie ainsi devant le livre saint : “Seigneur Jésus-Christ, ouvre les yeux de mon cœur afin de comprendre et d’accomplir ta volonté… illumine mes yeux par ta lumière… Toi seul, l’unique Lumière”. Et saint Marc : “L’Évangile est fermé pour les efforts humains, l’ouvrir, c’est le don du Christ”. Saint Éphrem conseille : “Avant toute lecture, prie et supplie Dieu pour qu’Il se révèle à toi”.
    On pourrait dire que pour les Pères, la Bible est le Christ, car chacune de ses paroles nous conduit vers celui qui les a prononcées et nous met en sa présence : “ Lui que je cherche dans tes livres”, dit saint Augustin. LA légitime aspiration de comprendre et de trouver des réponses se soumet au “plus grand” et se place dans la perspective sacramentelle. On consomme “eucharistiquement” la “parole mystérieusement rompue” en vue de la communion avec le Christ. Providentiellement, le verbe connaître signifie dans la Bible en hébreu et en grec connaître par la communion, avec un sens nuptial : le grand symbole de la connaissance ultime de Dieu sont les noces de l’Agneau.
   L’Évangile de saint Luc (24 .45) nous dit que le Christ “ouvre l’intelligence” des disciples en montrant comment il faut lire la Bible pour y découvrir “tout ce qui est écrite de moi”- “et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliquait, dans toutes les Écritures, ce qui le concernait”. C’est ainsi que le Seigneur “ouvrait le sens des Écritures” (Luc 24.27 et32), et révélait que la Bible est l’icône verbale du Christ. Dès lors, c’est toujours le même dogme de Chalcédoine qui enseigne qui l’a priori orthodoxe du “théandrisme” pour toute lecture des Écritures ». Dieu a voulu que le Christ forme le Corps où ses paroles viennent résonner authentiquement comme paroles de Vie, c’est donc dans le Christ, du dedans de son Corps, dans l’Église, qu’il faut lire la Bible et écouter Dieu. Dès qu’un fidèle prend la Bible, l’a priori les place tous les deux dans l’Église, et c’est à l’intérieur de cet acte d’“ecclésiastification” que le miracle s’accomplit : un document historique apparaît Livre Saint tout rempli de présence. Le degré de ma réceptivité est en fonction de l’approfondissement de mon lieu ontologique dans le Corps, de ma vie dans L’Église qui structure ”théandriquement” mon esprit pour faire comprendre qu’en dernier lieu c’est l’Église qui lit la Bible dès que s’ouvrent ses pages. Même seul, on lit la Bible ensemble, liturgiquement. Dieu l’a voulu ainsi, et le vrai sujet de la connaissance et de la communion n’est jamais l’homme isolé, coupé du Corps, mais l’homme en tant que membre, l’homme liturgique.

Référence
Paul Evdokimov(1979); M., L'Orthodoxie Desclée de Brouwer;