Saint Sophrony l'Athonite |
Le Seigneur a dit: "Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas" (Matthieu 24, 35). La parole n'est pas simplement une vibration de l'atmosphère; la parole est vie véritable et vie éternelle. Et si nous parlons dans la perspective de l'Evangile, alors notre parole, elle aussi, ne meurt pas. La parole est vie, esprit, et non une simple agitation de l'air. Ainsi, lorsque nous quitterons ce corps, ce que la parole aura exprimé restera avec nous.
Comment est-il possible que l 'homme meure?
Quand, selon les desseins
de la Providence divine, m'a été donnée la "mémoire de la mort", n'y
comprenant encore rien, j'ai vécu cela ainsi: si je meurs, je sombrerai, -
comme beaucoup le pensent, - dans le non-être ... Mais, qu'est-ce que le
non-être? C'est l'absence de toute énergie de vie, l'absence de toute
conscience. Cette ténèbre de la perte de conscience m'effrayait. Mais dans ma
mort, - pour moi, dans ces limites -, il y avait un événement d'une
extrême importance: si je meurs vraiment, qu'adviendra-t-il de tout ce que j'ai
connu ? Or, à cette époque, il m'avait été donné de vivre le tableau
grandiose de l'être cosmique. Et pour moi, dans les limites de ma personne, si
la mort existe, le monde entier meurt avec moi!
Je ne pense pas qu'il soit
nécessaire d'analyser maintenant cette pensée, mais je désire que tous vous
compreniez que pour moi ce fut un événement au travers duquel je perçus l'être
du monde. Y a-t-il la vie ou y a-t-il seulement la mort? Est-ce
que tout, c'est-à-dire et Dieu et le cosmos, n'est qu'un phénomène passager?
Autrement dit, comment est-il possible que l'homme meure?
La parole de Dieu est créatrice
Le Christ est venu à nous
et nous a montré ce qu'est l'homme dans la conscience de notre Dieu,
Père et Créateur : Certainement, la mort ''n'existe'' pas: Dieu n'a pas
créé la mort. Il n'a pas créé la mort, mais Il a dit à Adam qu'en dehors de Lui
il n'y avait pas de vie et que: "Si tu manges le fruit de cet arbre de la
connaissance du bien et du mal dont Je te dis de ne pas manger, tu mourras car
tu te seras séparé de Moi" (cf Genèse 2, 17). Pour moi, en tant que
chrétien, le monde entier vit seulement parce que le Seigneur a prononcé les
paroles bien connues: "Que la lumière soit, ... que ceci, que cela soit
... " (cf. Genèse l, 3 et ss.); le monde entier n'est rien
d'autre que le résultat de Sa volonté, de Sa pensée, de Sa parole.
Le commandement de Dieu est vie éternelle
Dans l'état de chute dans
lequel nous sommes, nous voyons que, pour parvenir à la vie immortelle, l'homme
doit passer aussi par une expérience négative. Selon la Révélation ainsi que
l'anaphore de la Liturgie de Saint Basile le Grand, c'est dans
l'observation des commandements de Dieu qu'est notre vie éternelle. Si
donc nous transgressons ce commandement, cette parole, nous perdons et Dieu et
la vie éternelle.
Il nous est très difficile
de comprendre le processus de la création de l'homme: pourquoi tant de
maladies, tant de souffrances de toute la création sont-elles nécessaires?
Beaucoup pensent qu'il eût mieux valu ne pas créer un monde où tous souffrent,
où tout meurt. Cependant, pour nous, cette question se pose autrement: nous ne
comprenons pas pourquoi les souffrances sont nécessaires, mais quand nous
lisons le récit de la chute, nous voyons que le fruit de l'arbre interdit
apparaissait beau à regarder et bon, agréable à manger (cf. Genèse 2,6).
C'est ce phénomène, - c'est-à-dire le fait de se laisser séduire et de
transgresser le commandement de Dieu, - qui conduisit à la mort, mais le
Seigneur, en venant sur la terre pour nous sauver, meurt afin d'effacer le
péché d'Adam.
Toi qui as cloué sur la croix le péché d'Adam ...
Un des tropaires les plus
remarquables que nous ayons, et que nous chantons durant le Carême proclame:
"Toi qui le sixième jour et à la sixième heure as cloué sur la croix le
péché commis par Adam au Paradis, déchire aussi la cédule de nos fautes, ô
Christ notre Dieu, et sauve-nous" [cf. Office de sexte]. En quoi ce
tropaire est-il remarquable? En ce qu'il nous décrit dans quelles dispositions,
avec quelles pensées le Christ est allé à Sa crucifixion pour anéantir par Sa
souffrance et par Sa mort, cette délectation qui fut la cause de la chute.
Bien des choses restent
encore peu claires pour nous, mais l'être qui nous a été donné, nous
l'acceptons tel qu'il est. Les hommes interprètent de diverses manières notre
être, notre "existence", mais bien sûr, pour nous, chrétiens, le
fondement pour toutes les solutions, c'est le Christ Lui-même, et nous marchons
sur Ses traces.
Référence :
Parole à la communauté.
N*13 . Septembre 1993.