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Saint Sophrony l'Athonite. |
La grâce du
repentir est le ravissement de l'âme vers Dieu, quand la Lumière fuit son
apparition ct l'attire. Cette Lumière, au début, n'est pas encore visible,
mais, à sa chaleur, le
cœur commence à perdre de sa dureté. L'homme est déchiré: d'un côté, il
est plongé dans l'effroi en se voyant tel qu'il est; de l'autre, il sent en lui
l'afflux d'une force jusqu'alors inconnue, suscitée par la vision du Dieu
vivant. D'une manière étrange cependant, le désespoir à mon propre sujet l'emportait
à tel point que même lorsque Dieu était avec moi et en moi,
je ne pouvais cesser de pleurer mon péché; pour moi, celui-ci dépassait dans
son essence métaphysique toutes les transgressions visibles. Mon désir intense
de rompre avec tout mon passé prit la forme de la “haine de soi ” : je me mis à me haïr moi-même
tel que j'étais dans ma vie d'autrefois. Le rejet de mes passions - cc fut son
coté positif - constitua l'acte par lequel je m'enracinai en ce Dieu qui
s'était révélé à moi.
La prière puise
une énergie considérable dans la tension produite par la sainte haine de soi;
elle devient semblable à une flamme
impétueuse. L'esprit vit alors simultanément les ténèbres de sa mort et
l'espérance en Dieu qui nous sauve. Aucun doute: la force de ma prière n'avait
pas sa source en moi, elle provenait de Dieu. Cette prière m'exténuait, jusqu'à
l'épuisement
complet de tout mon composé psychosomatique.
Parfois, une merveilleuse paix envahissait mon âme et l'atmosphère d'une autre vie
m'entourait avec douceur, m'apportant le
sentiment de la présence de Dieu et de son amour pour sa créature raisonnable.
Douloureux est
le combat que nous devons mener pour nous dépouiller des passions qui font obstacle à la venue de la Lumière. L'expérience
multiséculaire des saints ascètes a
démontré avec évidence que l'orgueil est le principal obstacle à notre illumination par le Saint-Esprit. Dans la prière
que le Seigneur me donnait, lorsque je me sentais pour ainsi dire épuisé sur
tous les plans de mon existence, je m'approchais probablement de l'humilité qui
nous est commandée
(voir Mt 11,29). C'est alors, en effet, que
la sphère lumineuse se dévoilait à mon esprit; il n'y avait aucune opposition entre mon état spirituel et
l'action de Dieu en moi. L'humilité de Dieu est inconcevable. Elle n'est pas
relative, mais absolue: en elle n'existe aucun élément de comparaison avec qui
que ce soit. Elle est un attribut de l'amour divin qui se donne sans mesure.
Dans les écrits
sur la prière provenant des générations qui nous ont précédés, comme dans la
sainte Écriture, les noms donnés à Dieu se réfèrent à ses attributs, à ses relations avec nous, à ses manifestations: Dieu est Lumière, Vérité, Amour,
Miséricorde; on pourrait ajouter de nombreuses autres dénominations. Je me
risque à une: Dieu est Humilité. Rien d'impur,
c'est-à-dire d'orgueilleux, ne s'approche de Lui. L'orgueil est l'opposé du
Bien, les ténèbres dans toute leur horreur. Il est le principe du mal, la
racine de toutes les tragédies, le semeur de la haine, le destructeur de la
paix, l'adversaire de l'ordre établi par Dieu; en lui se trouve l'essence de l'enfer.
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"lorsque Dieu était avec moi et en moi, je ne pouvais cesser de pleurer mon péché" |
L'orgueil n'est
rien d'autre que les “ténèbres extérieures” ; l'homme qui y demeure se sépare du Dieu d'amour. Mais les hommes ont
préféré “les ténèbres” (ln 3,19). L'unique voie pour se sauver de cet
enfer est le repentir.
Le repentir est un don sans prix fait à l'humanité. Il est le miracle divin qui nous rétablit après que nous sommes tombés. Il est l'effusion
sur nous de l'inspiration divine, grâce à laquelle nous nous élevons vers Dieu - notre Père - pour vivre
éternellement dans la Lumière de son amour. C'est par le repentir que s'accomplit
notre déification. Cet événement est d'une inconcevable grandeur. Ce don fut
rendu possible par la prière du Christ à Gethsémanie, par
sa mort sur le Golgotha et par sa résurrection (voir Le 24, 45-47).
Référence :
Voir
Dieu tel qu’Il Est. Archimandrite
Sophrony. Sel de la terre. 2004.