Saturday, April 30, 2022

Une joi Pascale.
Saint Sophrony l’Athonite.

28 mars 1972.

 

CHRIST EST RESSUSCITÉ!

 

Saint Sophrony l'Athonite.


    Chers tous, inoubliables Père, matouchka Natacha, père Mikhaïl, Kolia, Véra! Que la paix du Seigneur soit avec vous.

Tant d'années ont passé depuis que nous avons célébré la Liturgie dans la même église en cette sainte nuit qui nous a révélé le MYSTÈRE sacré - caché aux yeux du monde - du dessein originel que le Père Créateur a conçu pour les fils des hommes. Oh, à n'en pas douter, toute prière adressée au Dieu Éternel, au Vrai Dieu, demeure intacte dans l'éternité pour chacun d'entre nous. Au jour de la Résurrection universelle toutes ces prières se tiendront auprès de nous, transformées en la lumière incorruptible d'une vie véritablement sainte dans la cité de notre Dieu. Je vous écris rarement, mais je sais que vous faites comme moi, je veux dire que, dans la prière, le souvenir que nous avons les uns des autres ne se perd pas. Comment pourrait se perdre ce qui par moments a été écrit dans nos cœurs en lettres de feu? Comment pourraient s'éteindre dans nos mémoires les jours de nos douleurs, et parfois de nos joies communes? Alors, au jour de la résurrection, dans l'allégresse, nous verrons ce qui a été semé dans les souffrances. Nous le verrons vraiment transfiguré. Mais en attendant, s'il nous reste un fardeau dans cette vie, nous le porterons avec courage. Je pense surtout à nos maladies, à nous, les vieux. Voilà que de nouveau la vie de Matouchka n'a tenu qu'à un fil. Grâce soit rendue à Dieu qu'elle soit toujours là, surtout pour les petits.

Comme je suis content que Mikhaïl soit devenu Père[1]  ! Je lui donne notre accolade sacerdotale et je prie Dieu ardemment pour qu'il porte avec enthousiasme le joug de ce saint et divin service: servir les «petits». Je me réjouis de savoir que vous êtes tous vivants et que la famille s'est agrandie.

Il me semble que par le passé, dans mes rares lettres, je vous ai raconté beaucoup de choses ; et comme la plupart d'entre elles n'ont pas changé je n'écris pas souvent. [ ... ] Ces deux dernières semaines j'ai une mauvaise grippe. Les antibiotiques m'ont sans doute affaibli. La plupart du temps je paresse dans mon lit. L'hiver a été doux, presque sans neige, on a eu de très belles journées ensoleillées, mais ces derniers jours, brusquement, il s'est mis à souffler un vent froid et à pleuvoir. Les prévisions météorologiques ne sont pas très bonnes. On nous promet même du mauvais temps jusqu'à notre Pâque! Je voudrais bien reprendre des forces pour célébrer à Pâques. L'année dernière aussi je suis tombé malade en mars et j'ai passé presque trois mois au lit. J'étais tombé malade vers le 20, alors j'ai manqué les offices du carême et de Pâques. Maintenant non plus je ne vais pas à l'église, sauf pour les Liturgies ... Dans l'ensemble, notre vie suit son cours paisiblement, je veux dire que nous avons renoncé aux passions du monde, mais bien sûr nous travaillons sans relâche, c'est indispensable pour conserver notre grand privilège de vivre ici. Quand nous nous mettons au service des gens avec abnégation, ils commencent à se soucier de nous et parfois, on peut le dire, à nous aimer profondément. Nous voyons beaucoup d'exemples de cet amour. C'est étrange, mais dans le monde actuel, fortement socialisé, surtout dans les grandes villes, les gens désap­prennent à aimer, à se lier d'amitié, à se réjouir ou souffrir ensemble. C'est pourquoi beaucoup éprouvent les tourments de la solitude. En venant chez nous, en y trouvant une relation humaine, c'est-à-dire respect, compréhension et confiance, ils sont tellement étonnés qu'au début ils ne réalisent même pas ce qui leur arrive. Ensuite, après quelques visites, ils s'en rendent compte et deviennent à leur tour confiants, ouverts, joyeux; quant à nous, nous leur confions notre maison, notre jardin, tout ce que nous avons. Alors ils se sentent « chez eux ». Cela nous arrange, car sinon il nous serait impossible de recevoir tant de monde.

 Malgré la diversité de leur passé, chez nous tous les gens s'entendent bien, coexistent paisiblement, et cela, bien sûr, me réjouit. Je vois que je peux partir bientôt en sachant qu'il restera une certaine trace, sur la terre comme au ciel.

Alors voilà - vous tous, mes chers, inoubliables, recevez mon amour et mes souhaits les meilleurs et les plus sincères pour tous et chacun de vous.

 

 

VOTRE TATI-SOPHRONY.

 

Votre lettre est arrivée exactement le jour de la Saint -Sophrone.

Merci.

  

[1] À cette époque le fils du père Boris a été ordonné prêtre



Référence:

Lettres à des amis proches. Archimandrite Sophrony. Cerf. 2013.