Saint Sophrony l'Athonite. |
Et je rends grâce au Seigneur de m'avoir conduit aux pieds de Silouane. Dans notre monastère, qu'est-ce qu'il y a? Un dépassement de la faiblesse humaine qui limite la personne humaine. Nous avons souvent dit qu'il est parfois difficile de supporter les autres langues, les autres habitudes, les autres cultures ou le manque de culture, etc. Mais Dieu nous a donné de vivre ensemble en paix: vous savez qu'ici il y a plus de nationalités que dans les grands monastères. Notre monde est plus large, plus universel que dans les grands monastères. Notre progrès spirituel dépend de notre attitude, et ce que je voudrais, c'est que Dieu nous aide à surmonter les difficultés de notre vie.
Beauté des commandements du Christ.
Quelle est la difficulté
de notre vie? Dix mètres à côté de notre monastère se trouve un monde tout à
fait différent du nôtre et nous sommes sous son pouvoir. Même si nous ne
rencontrons pas les gens directement, l'atmosphère est quand même créée par la
masse ambiante. Alors, persévérer dans notre prière liturgique pour le salut du
monde n'est pas une tâche minime, mais grandiose. Cette tâche est accomplie
d'une manière très modeste; aussi est-elle incompréhensible aux gens de ce
monde qui viennent et nous voient, car ils ne peuvent pas comprendre le vrai
contenu de notre vie. Quant à nous, nous sommes attirés par la beauté
spirituelle des commandements du Christ qui dit: « Il a été dit aux Anciens ... Eh bien! moi je vous dis ... » (cf Matthieu 5, 21-22). Le Christ,
qui a donné la loi à Moïse, lui a donné sa révélation d'une manière encore
relative: « Aime ton prochain. » Et qui
est mon prochain? Quand un légiste demanda à Jésus: « Qui est mon prochain?»,
Il lui montra un Samaritain, qui était à cette époque-là l'ennemi le plus
détesté des Juifs. Autrement dit: « Aimez
vos ennemis». Quand nous vivons cet amour en nous-mêmes, nous pouvons répondre:
Oui, c'est difficile; oui, c'est douloureux. Mais en étudiant autant que
possible l'histoire de l'humanité, des cultures et des religions, nous voyons
que personne ne dépasse le Christ sur le plan éthique, et la beauté éthique du
Christ nous attire à tel point que nous sommes prêts à supporter n'importe quoi
afin d'être formés dans l'esprit du Christ. Il n'y a pas d'autre choix pour
nous.
Prison de Dieu.
Le Christ a dit que ceux
que le Père Lui a donnés ne peuvent pas être arrachés de sa main (cf Jean 10,
29). Et j'ai bien souvent pensé:
Qu'est-ce que le Christ
veut dire? Il nous prive de la liberté? De quel genre est cette prison? C'est
une prison où nous allons librement.
Personne ne nous y retient; on est toujours libre de la quitter.
Oui, nous sommes les prisonniers de la beauté de notre Dieu. Nous arrivons à
une chose que j'aperçois dans ma vie, à la question: qui est Dieu? Qu'est ce
que cela veut dire, «Dieu» ? Qui
est-Il? Et pourquoi est-Il Dieu? Saint Paul dit que c'est le Père, le Créateur
des cieux et de la terre et de tout ce qui existe; Dieu, c'est notre Créateur.
Pouchkine, dans un de ses poèmes, dit: «... Qui par Son absolue puissance du
néant m'a amené à l'être». Il L'appelle
«l'ennemi» qui par une volonté mauvaise nous a créés. Et, je vous dirai que
c'est juste, si l'on ne reconnaît pas le Christ comme Dieu. Pour les humains,
l'existence sur terre est une souffrance sans fin. Pourquoi donc
supportons-nous tout cela? Parce que le Créateur est venu et a habité parmi nous.
Et nous Le connaissons maintenant personnellement. Si Dieu, notre Créateur, est
comme le Christ, alors nous sommes les prisonniers éternels de son amour. Rien
de ce qui est mauvais dans la vie du monde, ne peut pas émaner du Christ. Nous
sommes ses prisonniers au point que nous ne pouvons aller nulle part ailleurs.
Nous voulons réaliser notre parenté avec notre Père.
La fin du repentir: être semblable au Christ.
Gardez cela et vous
ressentirez dans les profondeurs de votre cœur le caractère de notre vie, et
vous l'apprécierez. Notre but est le plus grand, le plus parfait qu'on puisse
concevoir. Et nous disons au Christ comme saint Thomas: «Mon Seigneur et mon Dieu» (Jean 20, 28). Je sais que tous
nos maux sont à cause de moi et non à cause de Lui. Vient alors l'esprit de
repentir. Pardonnez-moi d'avoir écrit dans mon livre que le repentir n'a pas de
fin sur terre, parce que la fin du repentir, c'est de devenir complètement
pareil au Christ. C'est ça le but. Tant que subsiste une distance entre Lui et
nous, il y a de la place pour le
repentir: «Aie pitié de moi, aie pitié
de moi, aie pitié de nous». En répétant
cette parole: «Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu, aie pitié de nous», nous
exprimons que nous ressentons la distance qui nous sépare de Lui, l'Etre
absolu, éternel. Et si, pour d'autres, le fait de répéter la même parole peut
paraître stupide, pour nous elle a un sens différent. Sans cesse nous crions : «Oui, aie pitié de nous»... Priez pour moi.
C'est assez.
Référence :
Paroles à la communauté. Archimandrite
Sophrony. Noêl 2000 N*43.