Il s'est humilié dans l'acte d'obéissance
au Père jusqu'au renoncement complet à sa volonté humaine, jusqu'à la mort sur
la Croix : « Mon âme est triste jusqu'à la mort [ ... ], puis ayant fait
quelques pas en avant, Il se jeta sur sa face, et pria ainsi: Mon Père, s'il
est possible que cette coupe s'éloigne de moi! Toutefois, non pas ce que je
veux, mais ce que Tu veux. Et sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang
qui tombaient à terre. Il s'éloigna une seconde fois, et pria ainsi: Mon Père,
s'il n'est pas possible que cette coupe s'éloigne sans que je la boive, que ta
volonté soit faite! [ ... ] Il pria pour la troisième fois, répétant les mêmes
paroles» (Mt 26, 38-39 ; Le 22, 44; Mt 26,42-44). C'est pour cela, précisément,
que « Dieu Lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom» (voir Ph 2, 6-9).
Le Christ-Homme a été exalté après être
descendu plus bas que quiconque dans l'acte de sa kénose. Il est, en effet,
allé audevant d'un châtiment infamant réservé aux criminels; Il a été pendu à
la Croix, nu, devant sa Mère et les femmes qui l'avaient suivi pour le servir;
Il a été abandonné par ses disciples; sa prédication semble avoir été un échec
complet ... Qui pourrait pénétrer tout ce qu'Il a porté en lui-même durant ces
jours?
Ainsi, ce genre d'abandon de Dieu est
l'autre pôle de l'amour de Dieu. Cet amour nous a été commandé par le Christ lorsqu'Il a prononcé ces
paroles si redoutables: « Si quelqu'un vient à moi, et s'il ne hait pas [tout
ce qui lui est cher] et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple» (voir
Lc 14,26 et 33).
Rarement, durant toute l'histoire de
l'Église, il a été accordé à un homme de faire l'expérience de l'abandon de
Dieu suscité par la grâce à un degré comparable à celui dont a été jugé digne
le serviteur du Dieu Très-Haut Silouane. Quand, lors de la vision du Christ,
une grande Lumière l'illumina, l'abandon de Dieu - qui avait semblé une
souffrance mortelle - se transforma en humilité du Christ. Celle-ci est «
indescriptible» ; elle constitue la dimension ontologique de l'amour éternel du
Dieu-Trinité. Absolu dans son incommensurable puissance, Dieu l'est aussi,
d'une manière mystérieuse, dans sa «kénose-humilité »,
Tout homme qui aime ardemment Jésus-Christ,
notre Dieu-Créateur et notre Dieu-Sauveur, vit immanquablement ces deux états,
qui semblent radicalement opposés: la descente en enfer et l'ascension au ciel.
Saint Paul l'a exprimé ainsi: « A moi, qui suis le moindre de tous les saints,
cette grâce m'a été accordée d'annoncer les richesses incompréhensibles du
Christ, et de mettre en lumière quelle est la dispensation du mystère caché de
tout temps en Dieu qui a créé toutes choses par Jésus-Christ, afin que les Dominations
et les Autorités dans les lieux célestes connaissent aujourd'hui par l'Église
la sagesse infiniment variée de Dieu, selon le dessein éternel qu'Il a mis à
exécution par Jésus-Christ notre Seigneur, en qui nous avons, par la foi en
Lui, la liberté de nous approcher de Dieu avec confiance. Aussi je vous demande
de ne pas perdre courage à cause de mes tribulations pour vous: elles sont
votre gloire. A cause de cela, je fléchis les genoux devant le Père, de qui
toute paternité aux cieux et sur la terre tire son nom: qu'Il vous donne, selon
la richesse de sa gloire, d'être puissamment fortifiés par son Esprit, en vue
de l'homme intérieur; que le Christ habite en vos cœurs par le moyen de la foi,
afin d'avoir la force de comprendre avec tous les saints ce qu'est la largeur,
la longueur, la hauteur et la profondeur, et de connaître l'amour du Christ qui
surpasse toute connaissance, pour que vous soyez remplis de toute la plénitude
de Dieu» (Ep 3,8-19).
Le « diapason» de la vie chrétienne va
incomparablement plus loin que l'ouïe habituelle des hommes. « Plus loin »,
mais aussi vers le bas et vers le haut. Malheureusement, très nombreux sont
ceux qui ne perçoivent pas les ondes merveilleuses de l'hymne divine, qui nous
parviennent des profondeurs insondables de l'Être éternel. Devant celui qui
croit en la divinité du Christ et qui, en raison de cette foi, bâtit sa vie sur
le roc de sa parole et de son enseignement (voir Mt 7,24-27), s'ouvrent des
abîmes secrets, insaisissables par ceux qui n'acceptent pas le Christ comme
Dieu véritable, comme Autorité sainte et absolue (voir Mt 23,8). Autorité non
de la contrainte, mais de la Vérité du fait sans commencement et de l'amour
parfait.
Référence:
Voir Dieu tel qu’Il Est. Archimandrite
Sophrony. Cerf.2004.