Saint Sophrony l’Athonite. |
Depuis des siècles, on connaissait une pratique ascétique appelée "oraison mentale", centrée sur l'invocation du Nom de Jésus-Christ. Cette forme de prière, en protégeant le cœur de toute mauvaise pensée, le prépare à recevoir l'amour du Seigneur qui embrasse tout. Il existe une forme de vie ascétique _ l'érémitisme - particulièrement propice à l' hésychia et à la prière par le Nom de Jésus. Notre monastère cherche d'autres voies de salut, mais, de cela, on ne peut parler qu'avec grande circonspection. Grande est en effet la réalisation spirituelle à laquelle parviennent les ascètes hésychastes, car elle purifie le cœur; elle conduit notre cœur jusqu'à la pureté et alors il voit Dieu tel qu'Il est (cf Matthieu 5, 8).
Il y a quelque temps,
l'évêque Jean de Pergame (Zizioulas) célébrait la Liturgie chez nous. Il a dit
- et maintenant je répète sa pensée - qu'il existe de nombreuses voies
conduisant à la perfection. Personnellement, il me semble que la culture
ascétique liée à l'hésychasme est centrée sur le cœur, - et le cœur inclut
également l'intellect. Non seulement le coeur, mais l'intellect, lui aussi, a
besoin de la manifestation de la lumière pour saisir la révélation de Dieu au
sujet de Lui-même.
Dieu se manifeste à
l'homme de diverses manières. Une chose me semble étrange: soudain, sans
parole, Dieu touche notre cœur; notre cœur est alors transformé par cette
visite et embrasse avec amour toute la création.
Saint Silouane priant dans sa cellule. |
Notre théologie monastique
a pour but de nous protéger de tout péché, c'est-à-dire de nous garder dans la
pureté. Alors Dieu nous touche, et ainsi nous progressons dans notre
connaissance du siècle à venir.
Le mystère de l'Etre est,
en général, impénétrable. Qu'est-ce que l'Etre? D'où vient-il? Comment est-il?
Nous nous trouvons devant un pur fait, et la voie pour entrer en
possession de cet Etre nous a été donnée par la Révélation accomplie par la
descente du Saint-Esprit sur les apôtres.
Comment peut-on expliquer
que le souffle du Saint-Esprit touche le cœur de l'homme? Et celui-ci
devient croyant! Tout son mode de pensée change: ce qui jusqu'alors lui
semblait de la folie, devient la grande lumière de la sainte vie de Dieu.
On ne peut d'aucune
manière parler de ces choses. Je vous ai déjà raconté une fois ce qui nous
était arrivé. L'un de vous - l'un de mes frères - ou bien deux d'entre vous,
furent témoins de la manière dont un incroyant, qui était malade, ressentit
soudain Dieu au moment où nous priions auprès de lui. Lorsque je lui dis:
"Nous prions pour
votre rétablissement mais nous ne sommes pas des thaumaturges, et nous ne
savons pas si Dieu vous guérira de votre maladie ou non", - quelle fut sa
réaction? Cet homme, condamné à mort par la maladie qui l'avait frappé, dit
soudain avec des yeux brillants de joie: "J'ai senti Dieu, et cela
m'est plus précieux que ma guérison." A ces mots, je me suis dit:
"Quoi donc? Cet homme cultivé, habitué à vivre de la vie de ce monde et
avec la conscience que Dieu est en quelque sorte inutile, prononce soudain de
telles paroles!" [Il s'agit de Constantin N., mort le 25 mars 1989.
N.d.T.]
Quand Dieu n'est pas avec nous, la prière ne
vient d'aucune manière. Mais quand Il est avec nous, l'intellect, lui aussi,
s'adoucit sous l'effet de l'amour divin. L'intellect, aimant Dieu de la manière
qui lui est propre, unit son amour spécifique à l'amour du coeur. Et ainsi,
cette vie merveilleuse devient soudain accessible même à nous, quelque petits
que nous soyons en tant qu'hommes. Et comme la prière est une énergie qui
provient de Dieu, cela nous autorise à dire que Dieu Lui-même prie en nous.
Autant Dieu est infini et illimité, autant la prière est, elle aussi, infinie
et illimitée. La prière est quelque chose de merveilleux: elle est capable de
saisir la révélation de notre grand Dieu.
Référence :
Paroles à la
communauté. Archimandrite Sophrony Sacharove.Pentecôte 1994 n*22 .