Saturday, July 3, 2021

Tout embrasser par l'amour du cœur.
Saint Sophrony l’Athonite.

 

Saint Sophrony l’Athonite.
     Comme Dieu est infini, inconditionné à tous les points de vue, ainsi, nous aussi, nous sommes appelés à cette vie: à tout embrasser par notre cœur dans l'amour. L'homme ne parvient pas immédiatement à ce résultat mais progressivement, et néanmoins il manifeste en quelque sorte le sens de notre existence: toute notre vie est dans la prière liturgique et dans la prière hypostatique (personnelle). Ce qui fait obstacle à la prière, ce sont les passions par lesquelles nous sommes possédés en tant qu'héritiers d'Adam déchu.

Depuis des siècles, on connaissait une pratique ascétique appelée "oraison mentale", centrée sur l'invocation du Nom de Jésus-Christ. Cette forme de prière, en protégeant le cœur de toute mauvaise pensée, le prépare à recevoir l'amour du Seigneur qui embrasse tout. Il existe une forme de vie ascétique _ l'érémitisme - particulièrement propice à l' hésychia et à la prière par le Nom de Jésus. Notre monastère cherche d'autres voies de salut, mais, de cela, on ne peut parler qu'avec grande circonspection. Grande est en effet la réalisation spirituelle à laquelle parviennent les ascètes hésychastes, car elle purifie le cœur; elle conduit notre cœur jusqu'à la pureté et alors il voit Dieu tel qu'Il est (cf Matthieu 5, 8).

Il y a quelque temps, l'évêque Jean de Pergame (Zizioulas) célébrait la Liturgie chez nous. Il a dit - et maintenant je répète sa pensée - qu'il existe de nombreuses voies conduisant à la perfection. Personnellement, il me semble que la culture ascétique liée à l'hésychasme est centrée sur le cœur, - et le cœur inclut également l'intellect. Non seulement le coeur, mais l'intellect, lui aussi, a besoin de la manifestation de la lumière pour saisir la révélation de Dieu au sujet de Lui-même.

Dieu se manifeste à l'homme de diverses manières. Une chose me semble étrange: soudain, sans parole, Dieu touche notre cœur; notre cœur est alors transformé par cette visite et embrasse avec amour toute la création.

Saint Silouane priant
 dans sa cellule.
    Mais cela ne suffit pas. Il y a encore une grâce spécifique de la théologie, et cette sphère est extrêmement riche. J'ai eu l'occasion d'observer, en tant que père spirituel à l'Athos, la vie de nombreux ermites. Je dois vous dire que ma reconnaissance envers Dieu était grande. J'ai vu des dizaines et même des centaines d'hommes vaquer à la culture du coeur, - à la purification de leur coeur de tout ce qui est péché. Bien qu'ils fussent déjà devenus - grâce à la pureté de leur coeur et à une prière incessante - des théologiens, il leur était encore nécessaire d'acquérir une culture sur ce plan.

Notre théologie monastique a pour but de nous protéger de tout péché, c'est-à-dire de nous garder dans la pureté. Alors Dieu nous touche, et ainsi nous progressons dans notre connaissance du siècle à venir.

 Parler de la prière est tellement grand que nous devrions simplement garder le silence et prier avec piété et avec crainte par le Nom de Jésus. Je cherche une parole pour exprimer ce que je voudrais vous dire ...

Le mystère de l'Etre est, en général, impénétrable. Qu'est-ce que l'Etre? D'où vient-il? Comment est-il? Nous nous trouvons devant un pur fait, et la voie pour entrer en possession de cet Etre nous a été donnée par la Révélation accomplie par la descente du Saint-Esprit sur les apôtres.

Comment peut-on expliquer que le souffle du Saint-Esprit touche le cœur de l'homme? Et celui-ci devient croyant! Tout son mode de pensée change: ce qui jusqu'alors lui semblait de la folie, devient la grande lumière de la sainte vie de Dieu.

On ne peut d'aucune manière parler de ces choses. Je vous ai déjà raconté une fois ce qui nous était arrivé. L'un de vous - l'un de mes frères - ou bien deux d'entre vous, furent témoins de la manière dont un incroyant, qui était malade, ressentit soudain Dieu au moment où nous priions auprès de lui. Lorsque je lui dis:

"Nous prions pour votre rétablissement mais nous ne sommes pas des thaumaturges, et nous ne savons pas si Dieu vous guérira de votre maladie ou non", - quelle fut sa réaction? Cet homme, condamné à mort par la maladie qui l'avait frappé, dit soudain avec des yeux brillants de joie: "J'ai senti Dieu, et cela m'est plus précieux que ma guérison." A ces mots, je me suis dit: "Quoi donc? Cet homme cultivé, habitué à vivre de la vie de ce monde et avec la conscience que Dieu est en quelque sorte inutile, prononce soudain de telles paroles!" [Il s'agit de Constantin N., mort le 25 mars 1989. N.d.T.]

 Quand Dieu n'est pas avec nous, la prière ne vient d'aucune manière. Mais quand Il est avec nous, l'intellect, lui aussi, s'adoucit sous l'effet de l'amour divin. L'intellect, aimant Dieu de la manière qui lui est propre, unit son amour spécifique à l'amour du coeur. Et ainsi, cette vie merveilleuse devient soudain accessible même à nous, quelque petits que nous soyons en tant qu'hommes. Et comme la prière est une énergie qui provient de Dieu, cela nous autorise à dire que Dieu Lui-même prie en nous. Autant Dieu est infini et illimité, autant la prière est, elle aussi, infinie et illimitée. La prière est quelque chose de merveilleux: elle est capable de saisir la révélation de notre grand Dieu.

 

 

Référence :

Paroles à la communauté. Archimandrite Sophrony Sacharove.Pentecôte 1994 n*22 .