le visage du Christ, le visage des visages. |
Ce Ressuscité qui nous
ressuscite, où le trouver?. où s’unir à Lui jusqu’à devenir avec Lui “un seul
corps” et d’“un même sang”?. Certes le Christ est partout, Il aimante
secrètement par Sa résurrection l’histoire des hommes et le devenir de
l’univers. C’est l’homme-Maximum, comme disait Nicolas de Cuse. Mais le Christ
de la seule histoire est un Christ “re-crucifié”. C’est du Ressuscité que
j’avais soif.
“Au commencement était le
Verbe et le Verbe était (tendu) vers Dieu, et le Verbe était Dieu”(Jn1 :
1), d’où la possibilité paradoxale pour ce Dieu autre que Dieu de sortir de sa
transcendance sans l'abolir ni volatiliser
l'univers : « Je suis sorti du Père et venu dans le monde » (Jean XVI, 28); la
possibilité paradoxale de descendre dans sa propre absence, de “se vider”, de
“se dévaster”, comme dit Paul. Pour devenir Job, et la main qui fermait la
bouche de Job est désormais trouée. Pour prendre sur la croix, dans l'enfer de
la déréliction, Dieu séparé de Dieu, le parti de l'homme. De l'homme nu
enseveli dans l'angoisse nue. Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?
Adam, où es-tu? Mon Dieu, où es-tu? Nuit en plein jour. Nuit en plein Dieu. Alors : Moi et le Père nous sommes un. Le Christ est ressuscité. Tout en Lui est ressuscité. A travers toutes les morts, toutes les angoisses, toutes les absurdités, toutes les horreurs, tous les désespoirs, des caillots de sang tombent de la face de Dieu et l'Homme de douleurs est ressuscité. Lui et tout. Lui en tout. Tout en lui. Les enfants de Rachel sont ressuscités, et Lazare bondit définitivement du tombeau, et l'odeur du poisson rôti au bord du lac, et les cheveux si longs de la courtisane, et cet instant où il les fait allonger sur l'herbe pour leur partager les cinq pains, et cet autre où Pierre fut pardonné, et chaque seconde de ta misérable vie où tes veines ont été pleines d'existence: tout est ressuscité. Tout commence, on peut tenter d'aimer, puisqu'il n'y a plus de mort, puisque la mort même est pleine de Dieu.
Adam, où es-tu? Mon Dieu, où es-tu? Nuit en plein jour. Nuit en plein Dieu. Alors : Moi et le Père nous sommes un. Le Christ est ressuscité. Tout en Lui est ressuscité. A travers toutes les morts, toutes les angoisses, toutes les absurdités, toutes les horreurs, tous les désespoirs, des caillots de sang tombent de la face de Dieu et l'Homme de douleurs est ressuscité. Lui et tout. Lui en tout. Tout en lui. Les enfants de Rachel sont ressuscités, et Lazare bondit définitivement du tombeau, et l'odeur du poisson rôti au bord du lac, et les cheveux si longs de la courtisane, et cet instant où il les fait allonger sur l'herbe pour leur partager les cinq pains, et cet autre où Pierre fut pardonné, et chaque seconde de ta misérable vie où tes veines ont été pleines d'existence: tout est ressuscité. Tout commence, on peut tenter d'aimer, puisqu'il n'y a plus de mort, puisque la mort même est pleine de Dieu.
Mais où tout cela, mais où ?.
Dans le vent qui se lève.
Jésus est ressuscité et le vent se lève. Désormais « il
souffle où il veut, sa clameur tu l'entends, mais tu ne sais ni d'où il vient
ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit » (Jean III, 8).
L'Esprit n'est plus anonyme. Il a désormais le visage de
Jésus, et c'est le visage des visages, et l'Esprit a tous les visages. L'homme
né de l'Esprit n'est plus seulement cette chair déjà pourrissante dont on ne
sait que trop d'où elle vient et où elle va. L'homme né de l'Esprit, celui-ci
le pénètre jusque dans la matière de son corps assimilé au corps de gloire du
Ressuscité. « Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive jailliront de ses
entrailles» (Jean VII, 38), puisqu'en Jésus “habite corporellement la plénitude
de la divinité” (Col II, 9). L'homme né de l'Esprit n'a plus de commencement ni
de fin, puisqu'en Christ il vient du Père et y retourne ce « délivré vivant»
n'est pas un sage sphérique, mais un assassin ou une prostituée dont le cœur
s'est retourné. Comme le vent qui le porte et l'emplit, on le reconnaît à un
son. Le vent fait chanter la forêt et la mer. Lorsqu’Elie se rend sur la montagne
au rendez-vous de Dieu, Dieu n'est pas dans le fracas de l'orage et de la
tempête, mais dans un murmure “à la limite du silence”.
“Je suis à la
porte et je frappe”.
Plus profond que notre désespoir, Il est là.
Plus haut que notre plus haute joie. Plus haut que cette
“tension vers la plus haute vie” dont parle Denys le Mystique, car, dit-il, “même
celui qui tend vers la pire des vies, s'il est tout entier tendu vers la vie...
dans cette tension même, il participe au réel”.
Plus bas : et l'angoisse même devient le lieu de la
confiance.
Plus haut : et notre liberté créatrice trouve dans
l'Esprit un espace infini.
Devant le Défiguré, Visage de l'amour sacrificiel du
Père, devant le crucifié du flanc percé duquel se lève l'aube de l'Esprit, qui
oserait parler de père sadique ou de relation maître-esclave?
Devant le Transfiguré, dont la lumière pénètre l'humanité
et l'univers, devant le Père libérateur qui donne l'Esprit pour que l'homme
devienne un vivant, qui oserait définir la transcendance par la castration et
la mort?
Tout en Lui est ressuscité !. |
Devant la vie en Christ, dans l'Esprit “qui sonde tout,
même les profondeurs de Dieu”, qui oserait prétendre que le christianisme a
perdu les clés de la connaissance? De la connaissance-amour, de la
connaissance-beauté, de la connaissance-inconnaissance? Il donne l'identité
suprême, mais ne perd pas la différence, la révèle au cœur du divin.
Christianisme inconnu. Christianisme neuf.
Dieu est mort dans la chair pour que l'homme soit
ressuscité. Pour que la chair soit ressuscitée.
Je crois en la résurrection de la chair.
Et désormais,
dans l'intériorité
de l'homme
sans fusion ni
séparation,
dans
l'incandescence des choses,
sans confusion,
pour l'eucharistie,
dans le cri de Job
de l'histoire,
mais Dieu lui-même
se fait Job
et levain de
libération,
au désert de la
transcendance,
mais il refleurit
dans Ton sang,
dans le Visage des
visages,
défiguré,
transfigurant,
nous te louons,
nous te rendons grâce,
ô Sagesse
bariolée,
ô Souffle qui tout
vivifie,
ô Christ qui tout réunifie,
ô abîme enfin
révélé
source de tout
amour, de toute liberté,
abba, le sein du
Père!
Référence :
L’autre
Soleil. Olivier Clément.(1975)