Saturday, February 19, 2022

"Oui, tu es mon fils".!..
Saint Sophrony l’Athonite.

 

Saint Sophrony l'Athonite.

        On trouve dans le Psautier ces paroles: "Je T'appartiens, sauve-moi" (Psaume 118, 94). Je vous dirai que lorsque je lis ces paroles, lorsque je les prononce, je suis partagé, - je ne parle maintenant que de moi-même. Partant de ce que je peux dire de moi-même, je Lui dis: "Je T'appartiens, sauve-moi." Mais derrière cette expression se cache une autre pensée qu'on pourrait formuler ainsi: "Tant que Tu ne m'auras pas dit: "Oui, tu es mon fils", je ne puis pas être sûr que mes paroles "Je T'appartiens" soient déjà pleinement réalisées. Cela ne me suffit pas, il faut encore que Tu témoignes à mon âme et, si Tu le veux, autour de moi, que je suis Ton fils."

Un ascète qui avait été pendant de nombreuses années à la tête du Vieux Rossikon - c'est là que le Père Silouane s'était entretenu avec le Père Stratonique - (ce starets donc) m'a parlé de sa vie un jour que je m'étais longuement entretenu avec lui dans sa cellule. Il me fit le récit d'une de ses visions. Dans son enfance il était chétif, presque toujours malade; il ne pouvait supporter les rudes travaux de la vie paysanne, - le travail des paysans est réellement pénible. Il dit un jour à ses parents: "Laissez-moi aller au monastère."

Sa mère lui répond: "Mais mon petit pigeon, tu n'en es pas capable: au monastère, il faut travailler." Malgré cela, il répéta: "Laissez-moi aller." Alors sa mère le prit par la main, le conduisit vers l'icône de la Mère de Dieu et pria ainsi: "A partir de maintenant, sois une mère pour lui, moi je ne le peux plus; je te donne ce garçon, mon fils, pour que tu t'en occupes." Après cette prière de sa mère, après qu'elle eut donné son fils à la Mère de Dieu, le garçon s'endormit et eut un songe. Il vit dans une grande salle le trône d'un roi; à l'extrémité de cette salle était assis le roi et, autour de lui, se tenaient debout une multitude de personnages importants, les familiers du roi. Une femme - c'était la Mère de Dieu - amena un enfant à cet endroit et le laissa agenouillé devant le roi qui dit à la personne la plus proche: "Va et regarde ce qu'il tient dans son baluchon." L'homme prit le baluchon des mains du garçon, l'ouvrit et dit: "Il y a là deux cœurs brisés." Alors le roi se leva de son trône, s'approcha du garçon et lui dit: "Ainsi donc, tu es mon fils!"

Vous rendez-vous compte de la force de la prière de la mère de ce garçon, et ensuite de la Mère de Dieu pour que Dieu Lui­-même se lève de Son trône et lui dise: "Tu es mon fils!"

Impassibilité, amour et adoption filiale

Ceux qui n'ont pas vécu quelque chose de semblable ne peuvent pas le comprendre. Jean Climaque écrit que s'il n'a pas été donné à quelqu'un d'en faire l'expérience par le Saint-Esprit, celui-là ne peut pas le comprendre. Mais ce n'est qu'après une réelle expérience de ce genre, qu'on peut entendre de la bouche d'un tel Homme: "Oui, tu es mon fils!" Les autres, qui n'ont pas atteint ce degré, mènent leur combat spirituel seulement sur le plan de l'ascèse. Comme ils ne sont pas parvenus à ces hauteurs, ils n'acceptent pas les paroles de leur frère, et disent de lui: "Il est dans l'illusion spirituelle ("prelest")." Ce qui est un don du Saint­Esprit, ces hommes "pieux" le prennent pour un état maladif, morbide. Ainsi vous voyez qu'il y a des hommes qui ont atteint cet état et auxquels le Seigneur dit: "Oui, tu es mon fils."

"Je T'appartiens, sauve-moi. " ... Et Dieu répond: "Oui, tu es mien". Alors, cette parole prononcée par celui qui prie, devient désormais un fait sur le plan de l'éternité.

Je vous parle de cas, - et je pourrais vous en citer encore bien d'autres, vraiment émouvants, - mais celui-ci suffit pour montrer que les hommes atteignent l'adoption filiale par le Fils dans la divinité sans commencement. Jean Climaque dit que trois mots sont synonymes: impassibilité, amour et adoption filiale.

Nous avons besoin de pères spirituels

Ainsi, quand nous fréquentons des personnes qui vivent en Dieu, cela devient pour ainsi dire une force attirante qui fait que, nous aussi, nous avons soif de cet état. Mais la voie qui y mène est vraiment difficile et complexe. Nous avons besoin d'aides, d'higoumènes, de pères spirituels qui puissent nous aider à marcher sur cette voie. Pourquoi le Seigneur a-t-Il soudain dit à un moment donné: "Oui, tu es mon fils"? Comment ce moine peut-il ensuite vivre sur terre? Oui, très simplement, naturellement et normalement. Quand cela s'accomplit dans un sens authentique, alors, comme on dit, il n'y a pas de "théâtre" ni, si vous voulez, quelque chose d'artificiel, mais tout est simple et vraiment hors du péché.

 

 

 

Référence :

Parole à la communauté. Archimandrite Sophrony. N*17. Janvier 1994.