Saturday, February 12, 2022

La vie chrétienne et la vie du monde.
Saint Sophrony l’Athonite.

 

Saint Sophrony l'Athonite.
        Lorsque nous vivons un état comme nous étant naturel, il n'y a pas en nous de mouvement provenant de la vanité ou du désespoir. Si un homme est habitué à avoir une attitude humble et s'il aime cette humilité, quelle que soit l'étendue de ses connaissances scientifiques ou pratiques, elles n'élèveront pas son cœur ni ne le rendront brusque ou méprisant à l'égard de son frère. Nous devons veiller à ce que le commandement contenu dans la première Béatitude du Christ s'affermisse dans notre conscience: "Bienheureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux" (Matthieu, 5, 3) ...

Origine divine des commandements du Christ

Nous avons déjà parlé plus d'une fois à ce sujet, mais comme nous sommes tous habitués, dès les bancs d'école, à considérer la connaissance comme le résultat des répétitions, elles ne doivent pas nous lasser lorsqu'elles concernent ce point important qu'est notre "être en Dieu".

Le Christ nous a montré par Sa parole, par Son enseignement et par l'exemple même de Sa vie ce qu'Il a inclus dans Ses commandements en vertu de Son origine divine. Il parle comme si le Père, en L'envoyant sur la terre, Lui avait dit: "Dis ceci et cela ... "

Une connaissance qui engendre l'humilité

Ayant pleine conscience du fait que toute connaissance scientifique est limitée, nous ressentons une soif intense d'une connaissance absolue. Mais même la connaissance partielle que nous acquérons durant notre vie, représente malgré tout une valeur permanente et le commencement de la vie éternelle. Nous n'appréhendons pas Dieu en plénitude, mais Sa grâce agit partiellement en nous. Cependant cela ne signifie pas que nous soyons déjà réellement parfaits. Ainsi, en étudiant la plus haute de toutes les sciences: "Comment vivre sur terre sans pécher", nous réalisons que ce miracle, ce grand miracle, n'est possible qu'après de longues souffrances de l'âme dans sa lutte pour parvenir à l'impassibilité, à la victoire sur les passions.

Quelle que soit l'étendue de mes connaissances, malgré tout je suis pauvre et misérable, malgré tout je ne suis que "poussière et cendre" (Job 30, 19); je ne sais pas ce que m'apportera le lendemain; je ne sais pas de quoi je mourrai et j'ignore encore beaucoup d'autres choses. Je dirai même plus: lorsque nous acquérons la connaissance de quelque chose de nouveau, nous avons conscience d'avoir enrichi le champ de nos connaissances, qu'elles se sont étendues; mais nous avons aussi un sentiment étrange: chaque expérience qui nous vient comme une nouvelle révélation de la part de Dieu, nous permet de sentir que derrière elle se cachent encore des abîmes inexplorés de connaissance de Dieu Autrement dit: toute nouvelle connaissance qui n'a pas un caractère absolu, devient une révélation qui élargit la conscience de notre pauvreté. J'ai bien saisi cela et c'est justement ce qui me tourmente: "Je ne sais pas". Mais alors nous vivons en paix avec nos frères, et il n'y a pas d'orgueil chez l'homme; son état normal, c'est l'humilité.

 Mémoire de la mort

Je voudrais vous dire que nous vivons dans un monde où les hommes luttent pour des valeurs corruptibles, où ils se disputent et même s'entre-tuent pour pouvoir jouir de certains objets; ces hommes, évidemment, ne connaissent pas le sentiment qu'engendre en nous la mémoire de la mort, mémoire de la mort suscitée par la grâce, lorsque, d'une manière étrange, notre cœur et notre intellect voient que tout est soumis à la corruption et vivent la vanité de toute acquisition sur terre.

Contraste entre vie chrétienne et vie du monde

Il est difficile de décrire la vie chrétienne. Par sa profondeur, elle est une culture à nulle autre pareille, une connaissance à nulle autre pareille, une richesse à nulle autre pareille; simultanément, elle est plongée dans l'opacité de ce monde dans lequel, d'une manière étrange, ceux qui ont été créés à l'image de Dieu (cf Genèse 1, 26), vivent grâce à des réalités corruptibles et même éphémères.

Maintenant le monde entier souffre de ce qu'un principe injuste a été introduit dans notre éducation. L'éducation chrétienne du cœur et l'esprit du monde qui nous entoure, sont en complet désaccord, car - que le Seigneur me pardonne cette parole - ceux qui n'ont pas connu Dieu haïssent la vertu et la sainteté. Comment peut-on passer, ne serait-ce qu'une heure, dans ce monde du péché? Comment pouvons-nous nous mouvoir librement, quand autour de nous règnent les ténèbres? Comment pouvons-nous nous réjouir, quand notre cœur est broyé par le spectacle des souffrances de nos frères?

Vivre chaque événement par la prière

Notre vie est complexe. Lorsque vous êtes dans cette école de vie qu'est le monastère, vivez chaque événement au travers d'une profonde prière. Et la prière vous dévoilera la nature de chaque mouvement de l'esprit humain. Alors, avec une telle disposition, chaque jour et chaque nuit vous apporteront de nouvelles connaissances. Certaines fois nous serons épuisés, d'autres fois nous glorifierons la force qui, d'En-haut, descend sur nous.

Et malgré tout, s'il me faut parler d'après ma seule expérience, les épreuves, les souffrances de tous ceux qui sont gravement malades, la vision du caractère désastreux des voies suivies par le monde, - tout cela prévaut, tout cela étouffe en nous la joie. Parfois même il semblerait que nous ayons perdu la capacité de nous réjouir.

Prier, c'est porter le fardeau du monde ...

Grandiose est le spectacle du monde, depuis la création de l'homme jusqu'à nos jours! Si nous prions pour le monde entier, dans un certain sens par des voies indescriptibles, sa pesanteur retombe sur nous. Ce qui est étrange, c'est que nous vivons chaque événement dans notre cœur et dans notre intellect. Nous le vivons dans le cœur et dans l'intellect, et il nous accable à chaque heure. Cependant, c'est normal. Nous devons être pénétrés par la conscience du fait que, dans ce monde, la vie chrétienne est, à vrai dire, impossible. Comme je l'ai écrit dans mon livre sur le Starets, on ne peut que mourir en chrétien. !!.

 

 

 

Référence :

Paroles à la communauté. N*26. Novembre 1994.