Saint Sophrony l'Athonite. |
Origine divine des commandements
du Christ
Nous avons déjà parlé plus d'une
fois à ce sujet, mais comme nous sommes tous habitués, dès les bancs d'école, à
considérer la connaissance comme le résultat des répétitions, elles ne doivent
pas nous lasser lorsqu'elles concernent ce point important qu'est notre
"être en Dieu".
Le Christ nous a montré par Sa parole, par Son enseignement et par l'exemple même de Sa vie ce qu'Il a inclus dans Ses commandements en vertu de Son origine divine. Il parle comme si le Père, en L'envoyant sur la terre, Lui avait dit: "Dis ceci et cela ... "
Une connaissance qui engendre
l'humilité
Ayant pleine conscience du fait
que toute connaissance scientifique est limitée, nous ressentons une soif
intense d'une connaissance absolue. Mais même la connaissance partielle que
nous acquérons durant notre vie, représente malgré tout une valeur permanente
et le commencement de la vie éternelle. Nous n'appréhendons pas Dieu en
plénitude, mais Sa grâce agit partiellement en nous. Cependant cela ne signifie
pas que nous soyons déjà réellement parfaits. Ainsi, en étudiant la plus haute
de toutes les sciences: "Comment vivre sur terre sans pécher", nous
réalisons que ce miracle, ce grand miracle, n'est possible qu'après de longues
souffrances de l'âme dans sa lutte pour parvenir à l'impassibilité, à la
victoire sur les passions.
Quelle que soit l'étendue de mes
connaissances, malgré tout je suis pauvre et misérable, malgré tout je ne suis
que "poussière et cendre" (Job 30, 19); je ne sais pas ce que
m'apportera le lendemain; je ne sais pas de quoi je mourrai et j'ignore encore
beaucoup d'autres choses. Je dirai même plus: lorsque nous acquérons la
connaissance de quelque chose de nouveau, nous avons conscience d'avoir enrichi
le champ de nos connaissances, qu'elles se sont étendues; mais nous avons aussi
un sentiment étrange: chaque expérience qui nous vient comme une nouvelle
révélation de la part de Dieu, nous permet de sentir que derrière elle se
cachent encore des abîmes inexplorés de connaissance de Dieu Autrement dit:
toute nouvelle connaissance qui n'a pas un caractère absolu, devient une
révélation qui élargit la conscience de notre pauvreté. J'ai bien saisi cela et
c'est justement ce qui me tourmente: "Je ne sais pas". Mais
alors nous vivons en paix avec nos frères, et il n'y a pas d'orgueil chez
l'homme; son état normal, c'est l'humilité.
Je voudrais vous dire que nous
vivons dans un monde où les hommes luttent pour des valeurs corruptibles, où
ils se disputent et même s'entre-tuent pour pouvoir jouir de certains objets;
ces hommes, évidemment, ne connaissent pas le sentiment qu'engendre en nous la
mémoire de la mort, mémoire de la mort suscitée par la grâce, lorsque,
d'une manière étrange, notre cœur et notre intellect voient que tout est soumis
à la corruption et vivent la vanité de toute acquisition sur terre.
Contraste entre vie chrétienne et
vie du monde
Il est difficile de décrire la
vie chrétienne. Par sa profondeur, elle est une culture à nulle autre pareille,
une connaissance à nulle autre pareille, une richesse à nulle autre pareille;
simultanément, elle est plongée dans l'opacité de ce monde dans lequel, d'une
manière étrange, ceux qui ont été créés à l'image de Dieu (cf Genèse 1,
26), vivent grâce à des réalités corruptibles et même éphémères.
Maintenant le monde entier
souffre de ce qu'un principe injuste a été introduit dans notre éducation.
L'éducation chrétienne du cœur et l'esprit du monde qui nous entoure, sont en
complet désaccord, car - que le Seigneur me pardonne cette parole - ceux qui
n'ont pas connu Dieu haïssent la vertu et la sainteté. Comment peut-on passer,
ne serait-ce qu'une heure, dans ce monde du péché? Comment pouvons-nous nous
mouvoir librement, quand autour de nous règnent les ténèbres? Comment
pouvons-nous nous réjouir, quand notre cœur est broyé par le spectacle des
souffrances de nos frères?
Vivre chaque événement par la
prière
Notre vie est complexe. Lorsque
vous êtes dans cette école de vie qu'est le monastère, vivez chaque événement
au travers d'une profonde prière. Et la prière vous dévoilera la nature de
chaque mouvement de l'esprit humain. Alors, avec une telle disposition, chaque
jour et chaque nuit vous apporteront de nouvelles connaissances. Certaines fois
nous serons épuisés, d'autres fois nous glorifierons la force qui, d'En-haut,
descend sur nous.
Et malgré tout, s'il me faut
parler d'après ma seule expérience, les épreuves, les souffrances de tous ceux
qui sont gravement malades, la vision du caractère désastreux des voies suivies
par le monde, - tout cela prévaut, tout cela étouffe en nous la joie. Parfois
même il semblerait que nous ayons perdu la capacité de nous réjouir.
Prier, c'est porter le fardeau du
monde ...
Grandiose est le spectacle du
monde, depuis la création de l'homme jusqu'à nos jours! Si nous prions pour le
monde entier, dans un certain sens par des voies indescriptibles, sa pesanteur
retombe sur nous. Ce qui est étrange, c'est que nous vivons chaque événement
dans notre cœur et dans notre intellect. Nous le vivons dans le cœur et dans
l'intellect, et il nous accable à chaque heure. Cependant, c'est normal. Nous
devons être pénétrés par la conscience du fait que, dans ce monde, la vie
chrétienne est, à vrai dire, impossible. Comme je l'ai écrit dans mon livre sur
le Starets, on ne peut que mourir en chrétien. !!.
Référence :
Paroles à la communauté. N*26.
Novembre 1994.