La rencontre des Saints Silouane et Sophrony. |
Nous ne vivons pas
seulement notre propre drame individuel, mais par nous-mêmes nous vivons le
drame de l'humanité tout entière. L'autre jour nous avons dit que l'homme,
l'être humain, était un arbre. Et nous sommes les branches, ou même les
feuilles sur ces branches. Mais quand même, nous appartenons à cet arbre, dont
le nom est l'être humain.
Les Pères avaient une grande sensibilité
spirituelle pour déceler toute idée pouvant nous faire dévier de la vraie voie.
Nous avons des cas semblables quand des personnes se demandent quelle est la
voie la plus sûre, la moins déviante par rapport à notre but final. En fait, la
plupart des gens se situent au-dessous du niveau des dogmes; ils se trouvent à
celui de la psychologie, de la politique, mais ils n'ont pas encore une
conscience réellement dogmatique. Pour vous faire une confession, je vous dirai
que, ayant remarqué cela au commencement de mon service dans l'Eglise, j'ai
toujours craint de formuler quelque chose d'une manière pouvant nuire à une
personne qui me fait confiance. Il me semble que, - pardonnez-moi de parler de
moi-même, - il me semble, malgré les apparences extérieures de ce que j'ai
écrit dans mon livre Voir Dieu tel qu'Il est, surtout quand il s'agit de
la place du principe de l'hypostase dans l'Etre divin et dans l'être humain,
que je me tiens quand même sur la voie de Silouane.
Je vous dirai que dans le cas de Silouane nous avons l'exemple d'un théologien dont la théologie est un état de l'esprit humain. Un autre exemple qui manifeste le mieux cette réalité est celui de Saint Jean l'Evangéliste: il raconte des faits, mais chacune de ses paroles est devenue une base dogmatique pour l'Eglise. En son temps, Saint Jean Chrysostome disait: «Aidez-moi à lutter contre les hérétiques.» Cela n'est pas facile.
Ainsi, en mourant, je vous
laisse comme héritage: «Continuez sur
la voie de Silouane». Il est possible
que je m'exprime avec des termes qu'on ne rencontre pas dans les écrits du
Starets Silouane, mais, si on est attentif à ce que j'ai écrit moi-même, on verra
que c'est la même chose au fond. Quelqu'un, en parlant de mon livre, a dit qu'à
notre époque les moines n'écrivent pas de livres d'une manière aussi
«théologique» que moi. D'autres ont signalé des déviations, mais leurs propres
écrits n'avaient pas de caractère dogmatique.
Les Russes ont fait la
critique de mon livre d'une manière plutôt positive, mais avec un réserve du
genre : «Le Père Sophrony traite de problèmes très élevés, qui nous dépassent
et que nous ne pouvons pas comprendre» Cependant, il y a un danger de dire: «C'est
difficile à comprendre.» Peut-être certains points sont difficiles à comprendre parce que je m'exprime d'une
façon différente de celle de ceux qui se sont exprimés dans l'Eglise jusqu'à
maintenant, mais cela ne peut pas servir d'argument contre moi. Les réactions
que j'ai reçues de beaucoup de gens disent plutôt que ce livre suscite en eux
la prière, le repentir, et garde l'homme dans les limites des commandements
évangéliques. Alors, dans ce sens-là, si quelqu'un parmi vous lit mon livre
après ma mort et qu'il rencontre des difficultés, qu'il ne soit pas trop pressé
de comprendre ce que je veux dire au fond. Mais j'ai tâché d'être orthodoxe.
Je veux vous rappeler ici
ma rencontre et ma conversation avec le P. Vladimir quand il était venu me voir.
C'était un homme instruit, ingénieur dans le monde; il vivait au désert à
l'époque de sa visite chez moi, le deuxième jour de Pâques, mais nous avions
fait connaissance déjà avant, au monastère Saint-Pantéléimon où il avait été
moine. Il me demanda: «Père Sophrony, dites-moi comment peut-on être sauvé? » J'ai beaucoup aimé et estimé cet homme, qui
était vraiment doux. Je lui servis du thé et lui dis: « Tenez-vous au bord de l'abîme du désespoir, et quand cela vous
dépasse, retirez-vous et prenez une tasse de thé». C'est à cette conversation,
selon le Père R., que remonte l'origine de notre monastère.!.. Parce que le lendemain, Vladimir alla
chez Silouane et lui dit qu'il avait été chez moi. Le surlendemain, Silouane
rentre au monastère et, moi, je descends dans la cour et fais un détour pour
lui céder le passage, car, sans le connaître, j'avais une vénération profonde
pour cet homme. Alors il s'est tourné vers moi pour me rencontrer et me dit:
«Le P. Vladimir était-il chez vous hier?» Ma réponse: «Me serais-je trompé dans
mes paroles? » - « Non, mais cela le dépasse.»
Saint Silouane L'Athonite. (peinte par Saint Sophrony l'Athonite) |
Le principe le plus profond sur la vie ascétique.
Je vous la répète tout le
temps, cette parole: « Garde ton esprit
en enfer, et ne désespère pas. » C'est
la révélation la plus parfaite sur la voie ascétique vers le Christ. L'histoire
de l'Eglise et toute sorte d'ascèses dans le monde ne connaissent pas de
principe plus élevé que celui-là. Au sujet de ce que j'avais dit au P.
Vladimir, le Père R. m'a raconté que A. M. lui avait dit : « Nous, nous buvons du thé toute la
journée! ».
Mais il faut garder ce
principe. Nous ne devons pas prétendre répéter l'expérience de Silouane ou
d'Isaac le Syrien ou de Syméon le Nouveau Théologien ou de Grégoire Palamas ou
de Saint Séraphim ou de qui que ce soit d'autre. Il n'y a pas de répétition
exacte, identique. Mais dans l'esprit, dans la tension qui est incluse dans la
formule, il y a une analogie. Mon idée pour aujourd'hui était de vous dire:
«Lisez attentivement Silouane pour ne pas perdre la voie. » Et, dans certains
cas, je ne pense pas vous faire du mal si vous lisez les paroles écrites par
moi-même. Parce qu'au fond, je ne dis pas autre chose que lui.!!.
Référence:
Paroles
à la communauté. Annonciation2000.N˚40.