Saturday, September 26, 2020

Continuez sur la voie de Silouane.
Saint Sophrony l’Athonite.

        

La rencontre des Saints 
Silouane et Sophrony.
 L'homme vit en lui-même ce qui domine le cosmos et nous-mêmes; en vivant notre propre repentir, nous vivons le drame ou la tragédie de l'histoire humaine durant tous les siècles, à partir du commencement. Comment vient-on logiquement à cette vision universelle de l'humanité? - On se repent pour soi-même, mais les mêmes passions dominent les autres hommes, et ainsi ce que vous vivons, ce n'est pas une chose complètement séparée de la vie du monde qui nous entoure, mais au contraire, cela est lié avec le drame cosmique, et petit à petit, d'une manière naturelle, s'opère ce changement où l'on commence à vivre son propre état comme un reflet de l'état de l’humanité entière. On commence à vivre cette vie comme elle est aux yeux de Dieu, c'est-à-dire d'une manière globale. Je veux dire qu'on y vient logiquement si l'on est attentif.

Nous ne vivons pas seulement notre propre drame individuel, mais par nous-mêmes nous vivons le drame de l'humanité tout entière. L'autre jour nous avons dit que l'homme, l'être humain, était un arbre. Et nous sommes les branches, ou même les feuilles sur ces branches. Mais quand même, nous appartenons à cet arbre, dont le nom est l'être humain.

 Les Pères avaient une grande sensibilité spirituelle pour déceler toute idée pouvant nous faire dévier de la vraie voie. Nous avons des cas semblables quand des personnes se demandent quelle est la voie la plus sûre, la moins déviante par rapport à notre but final. En fait, la plupart des gens se situent au-dessous du niveau des dogmes; ils se trouvent à celui de la psychologie, de la politique, mais ils n'ont pas encore une conscience réellement dogmatique. Pour vous faire une confession, je vous dirai que, ayant remarqué cela au commencement de mon service dans l'Eglise, j'ai toujours craint de formuler quelque chose d'une manière pouvant nuire à une personne qui me fait confiance. Il me semble que, - pardonnez-moi de parler de moi­-même, - il me semble, malgré les apparences extérieures de ce que j'ai écrit dans mon livre Voir Dieu tel qu'Il est, surtout quand il s'agit de la place du principe de l'hypostase dans l'Etre divin et dans l'être humain, que je me tiens quand même sur la voie de Silouane.

Je vous dirai que dans le cas de Silouane nous avons l'exemple d'un théologien dont la théologie est un état de l'esprit humain. Un autre exemple qui manifeste le mieux cette réalité est celui de Saint Jean l'Evangéliste: il raconte des faits, mais chacune de ses paroles est devenue une base dogmatique pour l'Eglise. En son temps, Saint Jean Chrysostome disait: «Aidez-moi à lutter contre les hérétiques.» Cela n'est pas facile.

Ainsi, en mourant, je vous laisse comme héritage: «Continuez sur la voie de Silouane». Il est possible que je m'exprime avec des termes qu'on ne rencontre pas dans les écrits du Starets Silouane, mais, si on est attentif à ce que j'ai écrit moi-même, on verra que c'est la même chose au fond. Quelqu'un, en parlant de mon livre, a dit qu'à notre époque les moines n'écrivent pas de livres d'une manière aussi «théologique» que moi. D'autres ont signalé des déviations, mais leurs propres écrits n'avaient pas de caractère dogmatique.

Les Russes ont fait la critique de mon livre d'une manière plutôt positive, mais avec un réserve du genre : «Le Père Sophrony traite de problèmes très élevés, qui nous dépassent et que nous ne pouvons pas comprendre» Cependant, il y a un danger de dire: «C'est difficile à comprendre.» Peut-être certains points sont difficiles à comprendre parce que je m'exprime d'une façon différente de celle de ceux qui se sont exprimés dans l'Eglise jusqu'à maintenant, mais cela ne peut pas servir d'argument contre moi. Les réactions que j'ai reçues de beaucoup de gens disent plutôt que ce livre suscite en eux la prière, le repentir, et garde l'homme dans les limites des commandements évangéliques. Alors, dans ce sens-là, si quelqu'un parmi vous lit mon livre après ma mort et qu'il rencontre des difficultés, qu'il ne soit pas trop pressé de comprendre ce que je veux dire au fond. Mais j'ai tâché d'être orthodoxe.

Je veux vous rappeler ici ma rencontre et ma conversation avec le P. Vladimir quand il était venu me voir. C'était un homme instruit, ingénieur dans le monde; il vivait au désert à l'époque de sa visite chez moi, le deuxième jour de Pâques, mais nous avions fait connaissance déjà avant, au monastère Saint-Pantéléimon où il avait été moine. Il me demanda: «Père Sophrony, dites-moi comment peut-on être sauvé? » J'ai beaucoup aimé et estimé cet homme, qui était vraiment doux. Je lui servis du thé et lui dis: « Tenez-vous au bord de l'abîme du désespoir, et quand cela vous dépasse, retirez-vous et prenez une tasse de thé». C'est à cette conversation, selon le Père R., que remonte l'origine de notre monastère.!.. Parce que le lendemain, Vladimir alla chez Silouane et lui dit qu'il avait été chez moi. Le surlendemain, Silouane rentre au monastère et, moi, je descends dans la cour et fais un détour pour lui céder le passage, car, sans le connaître, j'avais une vénération profonde pour cet homme. Alors il s'est tourné vers moi pour me rencontrer et me dit: «Le P. Vladimir était-il chez vous hier?» Ma réponse: «Me serais-je trompé dans mes paroles? » - « Non, mais cela le dépasse.»

Saint Silouane L'Athonite.
(peinte par Saint Sophrony l'Athonite)


C'était ma première rencontre avec Silouane. «Venez chez moi, nous allons parler à ce sujet», me dit-il. Et il m'a alors donné ses Notes où il avait écrit sur la parole du Christ: «Garde ton esprit en enfer et ne désespère pas». Il Y a une vague analogie entre ce que j'avais dit au P. Vladimir et la parole que le Starets Silouane avait reçue du Christ.

Le principe le plus profond sur la vie ascétique.

Je vous la répète tout le temps, cette parole: « Garde ton esprit en enfer, et ne désespère pas. » C'est la révélation la plus parfaite sur la voie ascétique vers le Christ. L'histoire de l'Eglise et toute sorte d'ascèses dans le monde ne connaissent pas de principe plus élevé que celui-là. Au sujet de ce que j'avais dit au P. Vladimir, le Père R. m'a raconté que A. M. lui avait dit : « Nous, nous buvons du thé toute la journée! ».

Mais il faut garder ce principe. Nous ne devons pas prétendre répéter l'expérience de Silouane ou d'Isaac le Syrien ou de Syméon le Nouveau Théologien ou de Grégoire Palamas ou de Saint Séraphim ou de qui que ce soit d'autre. Il n'y a pas de répétition exacte, identique. Mais dans l'esprit, dans la tension qui est incluse dans la formule, il y a une analogie. Mon idée pour aujourd'hui était de vous dire: «Lisez attentivement Silouane pour ne pas perdre la voie. » Et, dans certains cas, je ne pense pas vous faire du mal si vous lisez les paroles écrites par moi-même. Parce qu'au fond, je ne dis pas autre chose que lui.!!.

 

Référence:

Paroles à la communauté. Annonciation2000.N˚40.