Saint Sophrony l'Athonite. |
Toi qui as cloué sur la croix le péché d'Adam ...
Un des tropaires les plus
remarquables que nous ayons, et que nous chantons durant le Carême proclame:
"Toi qui le sixième jour et à la sixième heure as cloué sur la croix le
péché commis par Adam au Paradis, déchire aussi la cédule de nos fautes, ô
Christ notre Dieu, et sauve-nous" [cf. Office de sexte]. En quoi ce
tropaire est-il remarquable? En ce qu'il nous décrit dans quelles dispositions,
avec quelles pensées le Christ est allé à Sa crucifixion pour anéantir par Sa
souffrance et par Sa mort, cette délectation qui fut la cause de la chute.
Bien des choses restent encore peu claires pour nous, mais l'être qui nous a été donné, nous l'acceptons tel qu'il est. Les hommes interprètent de diverses manières notre être, notre "existence", mais bien sûr, pour nous, chrétiens, le fondement pour toutes les solutions, c'est le Christ Lui-même, et nous marchons sur Ses traces.
Avoir les pensées du Christ
Le grand apôtre Paul nous
a laissé une parole remarquable:
"En vous doivent être
les mêmes sentiments et les mêmes pensées qu'en Christ" (cf. Philippiens
2, 5). Cela est semblable à ce que j'ai dit au commencement: que le
Seigneur a voulu nous donner Sa vie.
Je crains quelque peu
d'être mal compris ... Lorsque je parle au sujet du Christ comme d'un exemple
pour nous, quand je dis que si nous pensons comme le Seigneur nous l'a
commandé, notre pensée n'est déjà plus "la nôtre",
"humaine", mais la pensée de Dieu Lui-même, cela veut dire ceci: si
je parle dans la ligne qui nous a réellement été proposée comme voie vers le
salut, alors, moi aussi, en tant qu'homme, je puis dire que tout le visible,
tout ce que je vois maintenant, et, si vous voulez, le ciel et la terre
passeront, mais que ces paroles, que nous considérons maintenant comme notre
vie, ne passeront pas. Je ne puis pas dire comme le Christ que "ma
parole" ne passera pas alors que "le ciel et la terre
passeront". Ce que le Seigneur appelle Sa parole est, pour moi, Son don; c'est pourquoi je ne
puis pas dire: "Le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne
passeront pas." Je ne puis pas dire: "mes", parce qu'elles ne
sont pas mes paroles; je les ai reçues comme don de la part de Dieu.
La prière, voie d'union avec Dieu
Si nous portons en nous
cette conscience, les petits détails de la vie quotidienne - je vous l'ai déjà
dit plus d'une fois - cesseront d'agir sur nous d'une manière mortelle. Lorsque
nous prions Dieu, et que notre prière franchit une certaine limite et devient
véritablement immersion en Dieu, alors nous nous unissons à Lui sur le plan de
notre vie.
Notre prière est l'unique
voie, dans l'être même, pour l'union avec Dieu. 'Nous prononçons les paroles:
"Notre Père ... Il faut se souvenir que nous nous adressons au Père, au
Père de Jésus-Christ, oui: "Notre Père",
Si nous vivons ces paroles dans leur plénitude, alors cette prière
ébranle tout notre être. Ainsi ces prières que nous prononçons dans les
églises, pendant la liturgie, elles sont cette vie éternelle que le Seigneur
nous a apportée.
Toutes nos relations à
tout ce qui se passe, seront remplies d'une vive conscience de l'importance de
chaque être humain, de l'importance de chaque geste, de l'importance de chaque
rencontre avec un autre être humain. En effet, tout le processus de notre vie,
en particulier durant les minutes difficiles, est le processus de la création,
par Dieu, de dieux semblables à Lui.
Dans mon texte De la
direction spirituelle, j'ai dit à peu près la parole suivante, - et cela
doit être reçu par nous comme une parole normale, selon son sens, et non comme
une expression orgueilleuse: "Le père spirituel "coopère",
participe avec Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit à la création
de dieux éternels.
Aimez-vous les uns les autres.
Qu'est-ce que je voudrais
vous dire? Ce que le Seigneur dit à ses apôtres: "Si vous restez unis et
dans l'amour, alors tous sauront que vous êtes mes disciples" (cf Jean 13,
35), - c'est-à-dire
du Christ. Souvenez-vous, je vous en prie, de ces paroles du Christ et faites
qu'à l'intérieur de notre communauté nous nous aimions les uns les autres et
que notre vie ne soit qu'une seule vie.
Essayez d'appliquer ces
paroles du Christ à chacune de vos rencontres; alors le salut vous sera accordé
à tous, et vous deviendrez encore capables d'aider les autres.
Mais il faut commencer à
partir du fait que nous-mêmes vivons cela comme un commandement de Dieu dans un
grand effort, dans les jeûnes, dans les prières, dans les afflictions, dans les
maladies et ainsi de suite. Et alors nous pourrons dire à d'autres une parole
sur le salut.
Recevoir la vie de Dieu sans intermédiaire
Église de tous les Saints. Essex. |
On trouve parfois
d'étranges paroles chez les Pères ... "Si quelqu'un est en Dieu, il n'a
pas besoin de lire des livres." Nous recevons, dans ce cas, la vie qui
vient de Dieu sans intermédiaires, sans livres, et cependant comme une réalité
authentique. Je puis parler ainsi, parce qu'un exemple nous a été donné en
Silouane, notre père spirituel: avant qu'il ait lu des livres, le Seigneur lui
est apparu et désormais, il a vécu, à l'instar du Seigneur, toute l'humanité
comme liée à lui-même.
Quand le Starets dit,
écrit, prie: "Donne à tous les hommes de Te connaître par le
Saint-Esprit", cela signifie qu'il existe une autre voie de connaissance,
et non seulement la connaissance humaine.
En effet, le Seigneur est
prêt à apparaître à tous, si nous acceptons de Lui de suivre Sa voie.
Or, Il a dit: "Je suis le voie" (Jean 14, 6), - et quelle
voie? Celle de la souffrance. Ainsi, dans le monde, nous allons souffrir; le
Seigneur dit que nous aurons beaucoup d'afflictions et Il ajoute: "Mais
ayez courage, J'ai vaincu le monde" (Jean 16,33).
Cet arbre malade, c'est aussi ma vie
Il y a deux ou trois
jours, les Pères Raphaël, Nikolaï, Jérôme [à présent P. Séraphin] et
moi, nous nous tenions à Ambergate auprès d'un arbre et je leur dis:
"Regardez cet arbre immense et examinez toutes ses feuilles: chacune est
pleine de forces et l'arbre, dans toute son ampleur, est lui aussi en pleine
vigueur ... Maintenant, voilà que cet arbre - l'humanité - est malade; dans sa
maladie, il est en réalité normal pour nous, chrétiens, de prier comme le
Seigneur Lui-même a prié: pour le monde entier. Prier avec le sentiment qu'il
est notre vie.
Si je suis une feuille de
cet arbre, et que toutes les feuilles sont pleines de vie, moi aussi je serai
plein de vie, et la vie cosmique passera par moi dans son courant puissant.
Cette conscience que nous sommes une partie inséparable de l'humanité est
propre au chrétien. Eh bien, c'est ce que nous a enseigné cet
"illettré" de Silouane. La phrase prononcée par le Seigneur: "Tu
aimeras ton prochain comme toi-même" (Matthieu 19, 19), doit être
comprise ainsi: cet homme, cet "arbre malade", c'est ma propre vie.
C'est en Christ que nous parlons !.
Parole à la communauté. N*13 . Septembre 1993.