Saturday, October 12, 2019

L’image de L’Image.
Archimandrite Zacharias(Zacharou).



La création de l'homme.
Fresque dans la Cathédrale
de Sicile. 12ème siècle.

Le repentir est le moyen par lequel nous purifions le miroir de notre âme, qui est l'image de Dieu en nous, et cette purification nous conduit finalement à la ressemblance de Dieu. Le Livre de la Genèse enseigne que l'homme fut créé à l'image et selon la ressemblance de Dieu. L'image consiste en ce que Dieu a implanté en lui, en ce qu'Il a insufflé en lui, tandis que la ressemblance représente la potentialité de l'homme qui est réalisée dans la mesure où il vit selon les commandements de Dieu. Et c'est justement en raison de sa création à l'image et à la ressemblance de Dieu que l'homme a la possibilité de se repentir. Si l'homme ne portait pas en lui une telle parenté avec Dieu, il lui serait impossible d'entreprendre l'ascèse du repentir et de s'engager dans la voie du Seigneur. Mais puisque telles furent la parole et l'œuvre du Seigneur (car Sa parole est acte: « Il a dit, et tout a été fait»), il est possible à l'homme d’œuvrer à l'accomplissement de sa ressemblance à Dieu. De même, si le Seigneur n'avait pas dit: « Prenez, mangez, ceci est mon corps, buvez en tous, car ceci est mon sang », cet événement l'Eucharistie ne serait jamais devenu le contenu réel de la Divine Liturgie. Le fondement de tout être est la parole du Seigneur, et ceci se reflète dans la prière de l'Église dans le Saint-Esprit.
Nous devons donc être conscients que Dieu nous a fait le don d'être Son «image», tandis que nous ne parvenons à Sa «ressemblance» que par l'ascèse volontaire du repentir. Les saints Pères interprètent l'image et la ressemblance de Dieu en l'homme de différentes manières: pour certains, l'image de Dieu en l'homme réside dans sa nature raisonnable, tandis que d'autres la voient dans sa liberté. Mais selon saint Grégoire Palamas, c'est tout l'être de l'homme qui est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, non seulement son âme mais aussi son corps, parce que même le corps reçoit le souffle de Dieu et en est sanctifié, comme saint Silouane nous le rappelle sans cesse.
Nous avons été créés à seule fin de manifester les vertus de Dieu: «Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière». De nouveau, l'Évangile souligne plus simplement que la lumière de Dieu devrait briller à travers nous de sorte que, en la voyant, les hommes glorifieraient Dieu. Malheureusement l'image de Dieu en nous a été déformée au point de devenir presque méconnaissable, et cependant nous devons acquérir la véritable ressemblance à Dieu, que nous appelons aussi déification.
Lorsque l'homme tomba au paradis par sa désobéissance, la terre fut maudite et se mit à produire chardons et épines'". L'homme, qui fut formé «de la poussière de la terre"?», subit le même destin, c’est-à­-dire que son âme fut soumise aux épines et chardons des passions. Le repentir vise donc à recouvrer l'état d'impassibilité originel de l'homme par la lutte pour atteindre la ressemblance divine.
En raison de sa chute en dehors de l'état de grâce, l'homme devient faible et incapable d'accomplir les commandements de Dieu. Mais le repentir fortifie les puissances de son âme afin qu'il puisse faire la volonté de Dieu. Au commencement, il reçoit suffisamment de grâce pour débuter l'œuvre de sa re-création. Toutefois, le vrai repentir qui naît de la grâce est un don du Saint-Esprit qui vient allumer la lampe de son âme. Mais qu'arrive-t-il à ceux dont la lampe n'a pas été allumée par le Saint-Esprit? Selon saint Grégoire Palamas, ils doivent se livrer volontairement et avec foi aux pleurs spirituels. Nous tenons à souligner de nouveau que les pleurs spirituels ne doivent pas être confondus avec l'introspection morbide de pleurs d'ordre psychologique, qui peuvent détruire une personne. Les pleurs spirituels sont une ascèse volontaire, fondée sur l'espoir que l'invocation de Celui qui a créé toutes choses apportera à l'âme une consolation certaine, selon la parole de l'Évangile: «Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.» Nous pleurons parce que nous sommes revenus à nous-mêmes et avons pris conscience de notre état déchu, et nous sommes consolés par Celui au Nom duquel nous pleurons. Nous sommes réconfortés par l'ineffable consolation du Consolateur, qui nous accorde une grâce capable de surmonter tout désespoir, et restaure en nous une espérance si ferme que, petit à petit, nous nous rapprochons de l'ineffable amour de Dieu.
“l'œuvre de catharsis, de purification,
ne peut être qu'un acte volontaire”.
Le Seigneur dit dans l'Évangile: «On mettra la main sur vous et on vous persécutera; on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison; on vous traînera devant des rois et des gouverneurs à cause de mon nom... Mettez-vous donc dans le cœur que vous n'avez pas à préparer votre défense. Car, moi, je vous donnerai une bouche et une sagesse que ne pourra contrarier ou contredire aucun de ceux qui seront contre vous» Cette exhortation s'adressait aux chrétiens qui allaient être persécutés, alors que nous, nous souffrons très peu et espérons pourtant en tirer louange. En quel sens alors cette parole du Seigneur demeure-t-elle vivante et permanente"? Elle le demeure, lorsque nous adoptons une attitude d'auto-condamnation. Lorsque nous nous tournons vers Dieu et que nous nous plaçons volontairement devant son tribunal, en prenant sur nous l'entière responsabilité de notre faiblesse et de notre péché, alors Dieu nous donne une bouche et une sagesse car notre prière de repentir nous a justifiés à Ses yeux. C'est Lui qui nous donne alors les paroles de la prière, et c'est Lui encore qui nous justifie en même temps; nous sommes alors consolés. De plus, nous sommes affermis car nous sommes assimilés à la Croix et à la Résurrection du Christ, et par conséquent à la grâce et au salut qui en jaillissent. Cependant, rien de tout cela n'arrive en un instant. Il s'agit plutôt d'un processus, d'une étape que mentionnent les Pères comme une catharsis, une purification des passions, c'est-à-dire des épines et des chardons que le champ de notre âme s'est mis à produire lorsque nous avons désobéi au commandement de Dieu”. Et, de même que nous avons librement cédé à la tentation, de même maintenant, dans l'œuvre du repentir, c'est librement que nous retournons à Dieu. En vérité, l'œuvre de catharsis, de purification, ne peut être qu'un acte volontaire.
Cela dit, le terme de catharsis tend à évoquer un processus plutôt négatif consistant à se débarrasser de quelque chose, comme nous lisons dans l'Épître aux Colossiens: «Vous vous êtes dépouillés du vieil homme, avec ses pratiques » En fait, le processus ne se limite pas à purifier la maison de notre âme des esprits mauvais qui Y demeurent, comme le dit le Seigneur. Car si nous nous contentons de lutter pour surmonter les passions, nous aurons finalement balayé notre maison sans avoir jamais permis à la grâce de Dieu d'y pénétrer, la laissant ouverte à l'occupation hostile d'un nombre toujours plus grand d'esprits mauvais". Or, nous devons aussi «croître avec la croissance que Dieu nous donne», au fur et à mesure que nous commençons à embellir notre maison des bienfaits de Dieu.
Le dépouillement du vieil homme avec ses pratiques, c'est-à-dire le combat contre les passions, constitue certainement un aspect négatif du processus de catharsis; mais l'apôtre nous exhorte aussi à une- entreprise positive: «Revêtez l'homme nouveau, qui se renouvelle, dans la connaissance, selon l’image de Celui qui l’a créé» Nous commençons à comprendre que le Christ, le Nouvel Adam, est Lui-même l'image authentique de Dieu en l'homme. Le Christ se révèle comme l'Image même de Dieu car Dieu s'est manifesté à nous dans Sa Chair'', et ainsi nous en venons à comprendre que l'homme est façonné à l'image du Christ. L'homme est créé à l'image de l'Image, comme disent les Pères; nous ne sommes pas l'image même de Dieu car en ce cas nous Lui serions consubstantiels, mais nous sommes créés à Son image, les Pères signifiant par là que nous sommes des reflets de Dieu, produits par Ses énergies.
De plus, lorsque l'image de Dieu est purifiée en lui, l’homme surmonte toutes les divisions, conséquences de la chute, de sorte qu'en lui, «il n'y a plus Grec et Juif, circoncis et incirconcis, barbare, Scythe, esclave, homme libre, mais Christ: il est tout et en tous». En d'autres termes, le Christ devient notre vie et, comme le dit saint Paul, ce n'est plus nous qui vivons, mais c'est le Christ qui vit en nous!".


Référence :
L’homme caché du cœur. Archimandrite Zacharias(Zacharou).Apostolia(2014)