les saints Pierre et Fevronia de Murom, patrons de couples mariés |
Il est compliqué de parler de ces sujets dans notre société hypersexualisée,
où la parole des femmes commence à se libérer. En même temps on sent bien la
nécessité d'en parler afin de recadrer ces deux thèmes dans une perspective
chrétienne.
Je voudrais différencier plusieurs types de situations,
La première correspond à l’amour sans sexualité ou comment, grâce à
l'amour, je m'ouvre complètement à la rencontre de l'autre. Ceci dans une
situation vraie et sincère, non fondée sur une séduction qui sous-tendrait une
évocation de la sexualité. C'est reconnaître l'altérité de l'autre, dépouillé
de toute sexualité. Reconnaître l'autre comme une personne pleine et entière.
S'ouvrir ainsi à l'autre nous dépasse et nous élève. Actuellement on parle
beaucoup d'empathie, de bienveillance mais une approche chrétienne de l'autre
dépasse toute dimension immanente peur nous ouvrir à la transcendance de la
rencontre avec le Christ dans l'autre: «Aimez-vous les uns les autres». C'est
le sens même de cet amour sans sexualité. C'est aussi l'image du Christ qui est
là, qui nous aime, mais c'est à nous de nous ouvrir à son amour. Une ouverture
à l'autre et à travers lui, au Christ, lui permet de se sentir pleinement
reconnu, de se sentir pleinement exister pour ce qu'il est et non pas pour ce
qu'il donne à voir ou paraître. Cette rencontre passe par une présence à
l'autre qui peut être, qui doit être, inspirée par le Saint-Esprit. Une
présence lumineuse de la confiance en Christ, à la fois pour nous-mêmes, afin
qu'Il nous donne la force d'oser nous ouvrir à l'autre, et en l'autre, où nous
devons oser Le rencontrer ici et maintenant. Cet autre qui est à l'image du
Christ et qui devient pleinement humain dans cette rencontre authentique.
En deuxième point, je voudrais parler de l'amour avec la sexualité.
Vrai prolongement de la rencontre avec un autre, c'est l’ouverture au plus
intime de nous-mêmes, c’est la reconnaissance de l'autre non seulement par sa
présence mais aussi par son corps. C’est l'acceptation complète de la
vulnérabilité de chacun qui est magnifiée, transfigurée dans l'étreinte
amoureuse. C'est retrouver un fragment de ce jardin d'Éden perdu où Adam et Ève
vivaient nus sans avoir honte. Ces corps qui communient l'un à l'autre dans la
lumière de leur amour donnent le goût, dans notre vie terrestre, de ce que peut
être l'immensité, la profondeur de l'amour du Christ pour nous.
Noces d'un couple Orthodoxe Roumain, en Amérique. |
C’est une vraie révélation qui nous rend palpable l'impalpable. Le Christ
s’est incarné et a pris sur Lui toute notre humanité, dont notre corps. Notre
corps et sa dimension sexuelle sont partie prenante de notre humanité. Dans un
amour vrai et profond, avec un respect mutuel, la sexualité est une expression
de cet amour. Nous ne devons pas avoir honte de la sexualité. Elle évolue avec
l'âge au sein du couple, mais demeure le témoignage de cette reconnaissance
complète de l'autre dans la globalité de son être et de son corps. De cette
ouverture à l'autre, notamment à travers nos fragilités (qui peuvent être
corporelles et en rapport avec la sexualité) naît la confiance en l'autre.Cette
confiance en l'autre, et à travers lui au Christ, permet de cheminer ensemble
jusqu'au bout.
Enfin il y a la sexualité sans amour. Là, nous touchons au néant. Cette
situation est d'autant plus vide que l'amour avec sexualité est plein. La
sexualité sans amour, c’est une réduction de l'autre à un simple organe sexuel.
Cette réduction, on le voit, on le sent, est purement égoïste: je suis tourné
uniquement sur mon propre plaisir. L’acte sexuel devient une performance
physique normée par les codes de la pornographie. Où est l'homme, où est la
femme? Où est la reconnaissance de l'autre dans sa globalité où est la
reconnaissance du Christ dans l'autre?
Cette réduction de l'autre est une négation de l'image du Christ qui est en
chacun d'entre nous. Dans cette sexualité perdue, il faut veiller au moins au
respect de notre propre intégrité physique et morale, ce qui veut dire que je
dois respecter mon corps comme je dois respecter le corps de l'autre et donc
que je commence à m'éveiller à la notion d'altérité(qualité de ce qui est
autre).
*Denys Clément : médecin orthodoxe français
Référence :
Revue
“Contact”. LXXIe Année. Janvier-Mars 2019 .