Saturday, July 27, 2019

L’Amour à l’image du Christ.
Denys Clément*.


les saints Pierre et Fevronia de Murom,
patrons de couples mariés

Il est compliqué de parler de ces sujets dans notre société hyper­sexualisée, où la parole des femmes commence à se libérer. En même temps on sent bien la nécessité d'en parler afin de recadrer ces deux thèmes dans une perspective chrétienne.
Je voudrais différencier plusieurs types de situations,
La première correspond à l’amour sans sexualité ou comment, grâce à l'amour, je m'ouvre complètement à la rencontre de l'autre. Ceci dans une situation vraie et sincère, non fondée sur une séduction qui sous-tendrait une évocation de la sexualité. C'est reconnaître l'altérité de l'autre, dépouillé de toute sexualité. Reconnaître l'autre comme une personne pleine et entière. S'ouvrir ainsi à l'autre nous dépasse et nous élève. Actuellement on parle beaucoup d'empathie, de bienveillance mais une approche chrétienne de l'autre dépasse toute dimension immanente peur nous ouvrir à la transcendance de la rencontre avec le Christ dans l'autre: «Aimez-vous les uns les autres». C'est le sens même de cet amour sans sexualité. C'est aussi l'image du Christ qui est là, qui nous aime, mais c'est à nous de nous ouvrir à son amour. Une ouverture à l'autre et à travers lui, au Christ, lui permet de se sentir pleinement reconnu, de se sentir pleinement exister pour ce qu'il est et non pas pour ce qu'il donne à voir ou paraître. Cette rencontre passe par une présence à l'autre qui peut être, qui doit être, inspirée par le Saint-Esprit. Une présence lumineuse de la confiance en Christ, à la fois pour nous-mêmes, afin qu'Il nous donne la force d'oser nous ouvrir à l'autre, et en l'autre, où nous devons oser Le rencontrer ici et maintenant. Cet autre qui est à l'image du Christ et qui devient pleinement humain dans cette rencontre authentique.
En deuxième point, je voudrais parler de l'amour avec la sexualité.
Vrai prolongement de la rencontre avec un autre, c'est l’ouverture au plus intime de nous-mêmes, c’est la reconnaissance de l'autre non seulement par sa présence mais aussi par son corps. C’est l'acceptation complète de la vulnérabilité de chacun qui est magnifiée, transfigurée dans l'étreinte amoureuse. C'est retrouver un fragment de ce jardin d'Éden perdu où Adam et Ève vivaient nus sans avoir honte. Ces corps qui communient l'un à l'autre dans la lumière de leur amour donnent le goût, dans notre vie terrestre, de ce que peut être l'immensité, la profondeur de l'amour du Christ pour nous.
Noces d'un couple Orthodoxe Roumain,
en Amérique.
C’est une vraie révélation qui nous rend palpable l'impalpable. Le Christ s’est incarné et a pris sur Lui toute notre humanité, dont notre corps. Notre corps et sa dimension sexuelle sont partie prenante de notre humanité. Dans un amour vrai et profond, avec un respect mutuel, la sexualité est une expression de cet amour. Nous ne devons pas avoir honte de la sexualité. Elle évolue avec l'âge au sein du couple, mais demeure le témoignage de cette reconnaissance complète de l'autre dans la globalité de son être et de son corps. De cette ouverture à l'autre, notamment à travers nos fragilités (qui peuvent être corporelles et en rapport avec la sexualité) naît la confiance en l'autre.Cette confiance en l'autre, et à travers lui au Christ, permet de cheminer ensemble jusqu'au bout.
Enfin il y a la sexualité sans amour. Là, nous touchons au néant. Cette situation est d'autant plus vide que l'amour avec sexualité est plein. La sexualité sans amour, c’est une réduction de l'autre à un simple organe sexuel. Cette réduction, on le voit, on le sent, est purement égoïste: je suis tourné uniquement sur mon propre plaisir. L’acte sexuel devient une performance physique normée par les codes de la pornographie. Où est l'homme, où est la femme? Où est la reconnaissance de l'autre dans sa globalité où est la reconnaissance du Christ dans l'autre?
Cette réduction de l'autre est une négation de l'image du Christ qui est en chacun d'entre nous. Dans cette sexualité perdue, il faut veiller au moins au respect de notre propre intégrité physique et morale, ce qui veut dire que je dois respecter mon corps comme je dois respecter le corps de l'autre et donc que je commence à m'éveiller à la notion d'altérité(qualité de ce qui est autre).
  
*Denys Clément : médecin orthodoxe français

Référence :
Revue “Contact”. LXXIe Année. Janvier-Mars 2019 .