Saint Théophane le Reclus.
Saint Théophane le Reclus. |
Icône de Saint Jean-Baptiste sur l'iconostase de l'église Saint Nicolas, Douma-Liban. |
Nous commémorons aujourd'hui la naissance - le début de la vie - de saint Jean, le Baptiste du Seigneur. Dirigez particulièrement votre attention sur cet événement! Car tout comme la semence est la préfiguration de la plante entière, la naissance du Précurseur est la préfiguration intégrale de ce qui advient à celui qui s'engage dans la vie monastique. Voyez vous-mêmes ! Pouvait-on s'attendre à ce qu'un enfant naisse de Zacharie et d'Elisabeth, vieux, et stériles? Personne ne sait comment d'un sein stérile un fruit est conçu, mûrit et vient au monde:Jean dont le nom signifie grâce. De même personne ne sait comment dans le secret de son cœur mûrit et se fortifie le désir d'une vie de renoncement au monde. “Le vent souffle où il veut, el tu entends sa voix, mais tu ne sais d'où il vient, ni .où il va” (Jn3 :8). Ainsi en est-il de quiconque abandonne le monde. La pensée de quitter le monde est comme une étincelle qui tombe secrètement dans l'âme, tel l' Ange de l'Annonciation - bien qu'elle surgisse parfois au milieu d'œuvres visibles de piété. Quoique des considérations humaines s'élèvent constamment contre elle let suggèrent des doutes: «Comment faire? Est-ce réalisable? », cette pensée s'affermit de plus en plus, concentre en elle tout ce qui est bon jusqu'à ce que, remplissant toute l'existence, elle commence à se traduire en paroles, en actes et habitudes, se manifeste à tous et soit considérée comme une œuvre pleine de grâce. En cela réside l'élection divine, le signe de Dieu ! C'est un signe pour commencer la vie monastique. Celui qui commence ainsi sa vie monastique a le Seigneur avec lui, et aucune tribulation ne le fera dévier du chemin. En revanche, celui qui commence en vue d'autres considérations tombera - telle la feuille desséchée qui tombe de l'arbre.
L'apparition de l' Ange, Zacharie rendu muet, le tressaillement de l'enfant dans le sein de sa mère, le nom insolite donné de façon extraordinaire et, enfin, la prophétie du père au sujet du nouveau-né. De même le début de toute vie monastique est lui aussi entouré de signes merveilleux. Ceux qui s'engagent dans le monachisme le savent bien ! Quoiqu’il soit à, la racine de tout, ce n'est pas le seul désir qui entraîne. D'autres coïncidences interviennent, dans lesquelles on voit clairement le Doigt de Dieu! Elles servent par la suite de fondement solide à l'accomplissement de ce qui est à commencer ou déjà commencé et elles apportent la certitude que Celui qui a commencé l'œuvre l'achèvera! Il est impossible de décrire ce qui intervient exactement. Chacun a son secret, connu de lui seul, et qui, pour lui seul, est en grande partie extraordinaire. C'est cela qui prouve que la vie monastique, à son aurore comme à son terme, est une œuvre d'origine divine, et que le moine, même s'il est en apparence humilié, est une merveilleuse manifestation de la Grâce sur terre, Et plus il est humilié, plus il est plein de grâce!
Fresque de la Nativité
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Dès que les signes merveilleux qui s'étaient produits autour du berceau de Jean cessèrent, les persécutions commencèrent, On ne sait comment Jean échappa au glaive de ceux qui tuèrent les Innocents, mais, assurément, ce ne fut pas sans un secours de Dieu. Le début de toute vie monastique est, lui aussi, soumis à une foule de tribulations. Certains en ont moins, d'autres plus. Pour les uns, elles sont plus intérieures, pour les autres, plus extérieures. Mais chacun en a selon ce qu'il peut supporter. Il faut rompre avec les liens du passé, renoncer à ses habitudes, et entrer en contradiction avec elles, U faut souvent non pas vaincre une seule volonté, mais lutter contre toute sa famille, et, parfois même contre toute sa parenté! Il faut attendre le moment opportun, alors qu'on languit du désir de quitter tout au plus vite, Pour certains, le chemin menant au monastère et l'entrée même au monastère sont accompagnés de grandes difficultés, Sans parler du fait que le monde n'aime pas ceux qui renoncent à lui et les tourmente de façon ouverte ou cachée, Tout ceci est dans la ligne des œuvres de Dieu et n'est pas un signe de Son manque de bienveillance:C’est pour éprouver et affermir la volonté dès le début, afin d'assurer à la vie monastique future un cours plein d'espérance. Peut-être nul vrai moine n'a-t-il acquis facilement le monachisme? Mais que le débutant ne se décourage pas! Plus les débuts sont difficiles, plus le moine est ensuite ferme dans sa voie !
Après la persécution d'Hérode, Jean demeura au désert et y fut élevé de façon miraculeuse, Comment? Dieu seul le sait! Sa mort montra combien la vie au désert fut pour lui féconde. Pour ceux qui veulent entrer au monastère, la vie de Jean au désert est un exemple à imiter. Après avoir surmonté tous les obstacles provenant tant du monde que parfois même, du monastère, l'âme, forte du désir mûri de se consacrer à Dieu seul s'est enfin retirée dans la clôture du monastère, Elle aspire au repos en Dieu et, avec le prophète elle chante : “Voici que je me suis enfui et j'ai demeuré au désert, attendant Dieu qui me sauve” (PS. 54, 8). Le monde ne sait pas ce qui arrive a celui qui s’ est retiré au monastère. Le monastère paraît un désert aride et sans vie. Il en est bien ainsi, mais seulement pour la chair et non pour l'esprit ! Les paroles de l’Apôtre s'appliquent ici parfaitement: “Si notre homme extérieur s’en va en ruine, notre homme intérieur se renouvelle chaque jour” (2 Co. 4. 16). Pour cet homme intérieur, il n'est pas de terre plus féconde ni plus fertile que le monastère ! Combien y trouve-t-on de torrents de douceurs nourrissant l'âme! La Parole de Dieu, l’Office divin quotidien, la lecture, le jeûne, la direction spirituelle des Anciennes, les illuminations que Dieu accorde, les mises en garde visibles ou secrètes, la prière continuelle dont découlent tout bien et tout progrès. Même au monastère, il y a des fluctuations. Mais pour peu qu'existe la ferme intention de servir Dieu et la communauté, tout s'harmonise finalement! La fin couronne l'œuvre: ce qui a été commencé s'achève dans la perfection... Je n'irai, pas plus loin dans la comparaison car ce qui arriva par la suite à saint Jean Baptiste ne s'applique pas à tous. J'entends ici le fait qu’il ait été, du désert, appelé à servir le genre humain. Nombreux aussi sont ceux qui sont tirés des monastères pour œuvrer au bien des hommes. Mais ceci est un dessein particulier de Dieu, et non le but du monachisme. Ce que chacune doit avoir au cœur et à l'esprit, c'est de demeurer au. monastère dans la fidélité aux principes de la vie monastique et ascétique. Voici ce que je voulais, sœurs, vous rappeler.
Référence:
Saint Théophane le reclus.(2001)
“Pour Garder la Flamme”.
Éditions l'Âge d'Homme.