Saint Jean de Shanghaï.
Jusqu'à l'avènement du Christ, les paroles de Dieu étaient confiées à Israël. Lorsque Israël vacilla dans la foi, lorsque la Judée commença à chuter, le prophète Baruch, disciple du prophète Jérémie s'écria: "Elle est le livre des préceptes de Dieu, la loi qui subsiste éternellement: quiconque la garde vivra, quiconque l'abandonne mourra. Reviens, Jacob, saisis-la, marche vers la splendeur, à sa lumière ; ne cède pas à autrui ta gloire, à un peuple étranger tes privilèges. Heureux sommes-nous, Israël: ce qui plait à Dieu nous a été révélé!" (Ba, 4, 1-4).
Cependant, Israël ne demeura pas fidèle au testament de Dieu et, rejetant le Fils de Dieu, se détacha de Dieu. Le Seigneur a fondé Son Église néotestamentaire, dans laquelle sont entrés de nombreux peuples qui étaient païens. C'est Byzance qui fut la gardienne particulière de l'Orthodoxie après la victoire du christianisme sur le paganisme. C'est là que les Conciles œcuméniques et les saints Pères de l'Église établirent l'exposition exacte des dogmes de la foi et l'enseignement orthodoxe.
Après la chute de Constantinople, la foi orthodoxe fut particulièrement préservée par le peuple russe qui, en ce temps, en était pleinement imprégné. La manière de vivre et les lois civiles, les habitudes, tout avait pour fondement la foi orthodoxe ou se trouvait en conformité avec elle. L'une des manifestations de celle-ci sont nos églises, dont est recouverte toute la terre russe.
L'édifice cultuel même est la représentation de l'Église universelle invisible, que nous chantons dans le Symbole de foi : "En l'Église une, sainte, catholique et apostolique". Pour cette raison nos édifices sont appelés églises. La coupole qui s'élève au-dessus de l'église nous montre l'aspiration au ciel, et nous remémore les voûtes célestes, sous lesquelles est élevée notre prière à Dieu. Elle nous rappelle le ciel invisible, le Royaume de Dieu dans les hauteurs.
Les églises sont ornées d'icônes. Celles-ci ne sont pas simplement des représentations d'un quelconque personnage ou événement. L'icône est le symbole de l'invisible. Si l'aspect extérieur du Christ, de Ses saints est visible à nos yeux, l'icône, quant à elle, doit également montrer l'aspect intérieur, c'est-à-dire leur sainteté. Même les peintures séculières personnifient l'une ou l'autre idée. Prenons, par exemple, le célèbre monument à Pierre le Grand à Saint-Pétersbourg, où il est représenté sur un cheval se cabrant, voulant ainsi montrer à quelle hauteur il éleva la Russie à de nombreux égards. Beaucoup d'autres monuments représentent telle idée ou telle autre. S'il en est ainsi de l'art séculier, il doit bien plus en être de même dans l'art religieux, où est représenté ce qui est élevé, céleste et spirituel.
L'icône n'est pas un portrait, car celui-ci ne représente que l'aspect terrestre de l'homme, tandis que l'icône figure aussi son état intérieur. Même si l'on ne représente que l'aspect extérieur, il sera différent selon les moments où on le peint. Le "métropolite Anastase" racontait que, étant étudiant à la Faculté de Théologie, il assista à "Cronstadt" avec d'autres jeunes gens aux offices célébrés par le "père Jean". Lorsque celui-ci acheva la Liturgie, son aspect était radieux, tel Moïse descendant du mont Sinaï. Après un certain temps, le père Jean les reçut dans sa cellule et avait l'aspect d'un homme habituel. Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même nous montra une fois Sa gloire divine sur le mont Thabor, tandis que le reste du temps, il semblait être une personne habituelle et les hommes se demandaient d'où Il pouvait avoir une telle force et accomplir des miracles.
L'icône doit faire ressortir non seulement l'extérieur, mais aussi la vie intérieure, la sainteté et la proximité du ciel. Cela est représenté principalement par le visage ou l'expression, en fonction desquels devaient être peintes les autres parties de l'icône. C'est sur la représentation de l'état de l'âme, caché sous la chair, qu'était dirigée l'attention de nos iconographes orthodoxes. Plus on y parvenait, plus l'icône était réussie. Souvent, l'exécution d'autres parties du corps était inadéquate, non parce que les iconographes l'auraient voulu, mais simplement que la réussite du but principal ne leur permettait pas toujours de faire suffisamment attention aux aspects secondaires. Au demeurant, lorsqu'on fait des photographies ordinaires, surtout si elles sont inattendues, il arrive immanquablement que la position des corps humains ne soit pas naturelle, ce que nous ne remarquons pas ordinairement.
Il ne convient pas de peindre une icône en ne représentant que l'aspect extérieur du corps, mais il faut encore qu'elle reflète les combats spirituels invisibles et irradier la gloire céleste. Peut le faire à perfection celui qui vit lui-même spirituellement, et auquel sont compréhensibles et proches les vies de saints. Pour cette raison, nos anciens iconographes se préparaient toujours par le jeûne et la prière. C'est ainsi qu'à de nombreuses icônes peintes, le Seigneur a donné le pouvoir d'effectuer des miracles.
Naturellement, chaque icône après avoir été bénite, doit être vénérée, et on ne doit pas la traiter avec mépris ou irrespect, raison pour laquelle nous nous abstenons de condamner les icônes qui se trouvent déjà dans une église, mais nous devons toujours aspirer à ce qu'il y a de mieux et, ce qui est le principal, prêter attention non pas tant au caractère esthétique de l'icône qu'à sa spiritualité. Il ne convient pas de placer les icônes qui ne satisfont manifestement pas aux exigences de l'iconographie orthodoxe, dans les églises ou même les maisons.
Ce ne sont pas tous ceux qui disposent de capacités artistiques qui peuvent peindre des icônes. Souvent, l'état intérieur de la personne qui peint une icône et sa volonté de servir Dieu a plus d'importance que l'art pictural même. Après que le tsar "Pierre le Grand", est entrée en Russie, en même temps que ce qu'il y avait de bon en Occident, une influence nouvelle, étrangère à l'esprit orthodoxe. Une partie significative de la classe instruite russe y succomba et introduisit dans ses productions artistiques des innovations inutiles et mauvaises. Cela se refléta en partie dans l'iconographie également. Au lieu de l'imitation des anciens iconographes russes, ce fut celle des artistes occidentaux, étrangers à l'Orthodoxie, qui prédomina. Les nouvelles images, bien que très belles, ne correspondaient pas à l'esprit de l'iconographie. Cet esprit étranger à l'Orthodoxie commença à s'installer en Russie et l'ébranla peu à peu.
Les paroles du prophète nous sont adressées maintenant: "Ne donne pas de ta gloire à un autre et ce qui est utile pour toi à un peuple étranger". Tant dans la vie que dans les usages ecclésiaux, nous devons revenir aux fondements solides et purs sur lesquels s'est construite et affermie la Russie. Ceux-ci se reflètent dans notre iconographie. Les icônes destinées à nos églises ne doivent pas être peintes dans un esprit étranger à l'esprit orthodoxe. Certains pensent, de manière erronée, que cela signifie peindre obligatoirement des icônes avec des couleurs sombres et une pose du corps non naturelle. Les anciennes icônes étaient peintes avec des couleurs vives et claires. Ce n'est qu'avec le temps et l'accumulation de la poussière qu'elles s'assombrirent. Mais, en même temps, il faut se souvenir que de nombreux saints avaient le teint hâlé, passant leur vie dans des déserts arides, et que leur corps était effectivement épuisé par des années d'ascèse. Leur beauté n'était pas terrestre, mais céleste. Qu'ils nous assistent par leurs prières, afin que nos églises soient le reflet de la gloire céleste, que nos ouailles s'unissent dans la quête du Royaume divin et qu'elles prêchent, tant par leur église que par leur vie, la vérité de l'Orthodoxie!.
Référence:
Le Caro B. (2006), Saint Jean de Changhaï (1896-1966) et son temps, Grands Spirituels Orthodoxes du XXe siècle, Edition l’Age d’Homme, Lausanne, Suisse.