Archimandrite Sophrony.
Les commandements du Christ sont formulés en quelques brèves paroles, très simples. Mais quand nous les observons, notre esprit merveilleusement s'épanouit et ressent une soif inextinguible d'embrasser "tout ce qui est au ciel et sur la terre" (Ep 1, 10) dans l'amour qui nous a été commandé. Est-il concevable que ceux qui ont été tirés du "néant" possèdent une pareille force?. Certes, il nous est impossible d'englober tout l'univers dans notre cœur en ne nous fondant que sur nous-mêmes. Mais le Créateur de tout ce qui est, est apparu Lui-même dans notre mode d'existence; il nous a vraiment montré que notre nature a été créée capable non seulement d'étreindre le cosmos créé, mais encore de recevoir la plénitude de la vie divine. Sans Lui, nous ne pouvons rien faire (voir Jn 15, 5), mais avec Lui et en Lui tout devient accessible, non sans "douleur" toutefois. La douleur nous est nécessaire. Premièrement, pour que nous prenions conscience que nous sommes des personnes (hypostases) libres. Deuxièmement, pour que le Seigneur puisse nous donner sa vie en possession inaliénable lors du Jugement (voir Lc 16, 10-12).
Nous transporter en esprit dans des dimensions universelles chaque fois que nous endurons des tribulations, nous rend semblables au Christ. Par une telle orientation de notre pensée, tout ce qui nous arrive dans notre existence individuelle devient une révélation de ce qui se passe dans le monde des hommes. Les flux de la vie cosmique passeront à travers nous et nous pourrons connaître, d'expérience vécue, l'homme dans son existence séculaire, et même le Fils de l'homme dans ses deux natures. C'est précisément ainsi, dans les souffrances, que nous croissons jusqu'à une prise de conscience cosmique et métacosmique. Passant par l'épreuve de la kénose en suivant le Christ, étant crucifiés avec Lui, nous devenons réceptifs à l'Être divin infiniment grand. Dans une écrasante prière de repentir pour le monde entier, nous nous unissons spirituellement à toute l'humanité: nous devenons universels à l'image de l'universalité du Christ qui porte en Lui tout ce qui existe. Mourant avec Lui et en Lui, nous avons déjà, dès ici-bas, un avant-goût de la résurrection.
Le Seigneur a souffert pour nous tous. Ses souffrances couvrent tous les maux de notre histoire depuis la chute d'Adam. Si nous voulons connaître le Christ comme il convient, nous devons participer nous-mêmes à ses souffrances et, dans la mesure du possible, vivre tout comme Lui-même. C'est ainsi, et seulement ainsi, que le Christ-Vérité peut être vraiment connu, c'est-à-dire existentiellement et non pas abstraitement par une foi psychologique ou intellectuelle qui ne se transforme pas en actes dans la vie.
Référence:
Archimandrite Syméon (1998), La prière, expérience de l’éternité : Archimandrite Sophrony, Editions du cerf, Paris et Le Sel de La Terre, Pully, France.