Saturday, January 21, 2017

L’amour.

St. Maxime Le Confesseur.

   1. L’amour est une disposition bonne de l'âme, qui lui fait préférer à tout la connaissance de Dieu. Quant à parvenir à la possession habituelle de cette charité, c'est chose impossible, tant qu'on garde une attache à quelque objet terrestre.
   2. L’amour naît de la liberté intérieure; la liberté intérieure, de l'espoir en Dieu, l'espoir, de la patience et de la longanimité, celles-ci, de la vigilante maîtrise de soi; la maîtrise de soi, de la crainte de Dieu, et la crainte, de la foi au Christ.
   3. Qui croit au Seigneur craint le châtiment; qui craint le châtiment maîtrise ses passions; qui maîtrise ses passions endure patiemment les afflictions, qui endure patiemment les afflictions acquerra l'espoir en Dieu. Et l'espoir en Dieu sépare l'esprit de toute attache terrestre; et l'esprit, ainsi détaché, possédera l'amour pour Dieu.
   4. Qui aime Dieu, à toutes ses créatures préfère sa connaissance et sans cesse, dans l'ardeur de son désir, s'efforce vers elle.
   5. Si tout être n'a l'existence que par Dieu et pour Dieu, et si Dieu est au-dessus de ses créatures, l’homme, qui abandonne Dieu, l'être incomparablement meilleur, pour s'attacher à des objets de moindre valeur, montre qu'il préfère à Dieu ses créatures.
   6. Celui qui tient son esprit solidement fixé dans l'amour de Dieu méprise tout le visible et son corps même, comme s'il appartenait à autrui.
   7. Si l'âme est meilleure que le corps, si incomparablement meilleur que le monde est Dieu qui l'a créé, celui qui préfère à l'âme le corps et à Dieu le monde créé par lui ne diffère en rien des idolâtres.
   8. Détourner son esprit de l'amour pour Dieu et de l’attention assidue qu'il réclame, pour le tenir fixé à quelque objet sensible, c'est faire passer avant l’âme le corps, et, avant Dieu le Créateur ce qui n'existe que grâce à Lui.
   9. Si la vie de l'esprit, c'est l'illumination de la connaissance, et si cette illumination, c'est l'amour de Dieu qui la produit, on a raison de dire : Au-dessus de l'amour de Dieu, il n’y a rien. 
   10. Quand, dans le transport de la charité, l'esprit émigre vers Dieu, il ne conserve plus aucun sentiment de lui-même, ni d'aucune réalité existante. Tout illumine de la lumière infinie de Dieu, il devient insensible à tout ce qui n'existe que par Lui. Ainsi l’œil cesse de voir les étoiles, quand le soleil se lève.
   11. Toutes les vertus aident l'esprit à l'amour brûlant pour Dieu, mais plus que les autres, l'oraison pure. Par elle l'esprit, emporté vers Dieu comme sur des ailes, s’échappe complètement d'entre les créatures .
   12. Quand par l’amour, la connaissance de Dieu ravit l'esprit, et que, échappé d'entre les créatures, cet esprit perçoit l'Infinité divine, alors, comme le divin Isaïe, frappé de stupeur, il prend conscience de sa propre bassesse et répète avec conviction les paroles du prophète : Malheur à moi!. Je suis perdu!. Car je suis un homme aux lèvres souillées, j'habite au milieu d'un peuple aux lèvres souillées et j'ai vu de mes yeux le Roi Seigneur des armées!.
   13. Qui aime Dieu ne peut pas ne pas aimer aussi chaque homme comme soi-même, tout choqué qu'il puisse être par les passions de ceux qui ne sont pas encore purifiés. Aussi bien,à les voir se convertir et réformer leur vie, il sent déborder en son âme une joie indicible.
   14. Impure, l'âme passionnée : convoitises et aversions la remplissent.
   15. Qui constate en son cœur une trace d'inimitié envers quelqu'un, pour une offense quelconque, est complètement étranger à l'amour de Dieu. Amour pour Dieu et haine pour un homme sont de tout point incompatibles.
   16. Celui qui m'aime, dit le Seigneur, observera mes commandements. Or, mon commandement à moi, c'est que vous vous aimiez les uns les autres. (Jn 14,15;15,12) Celui donc qui n'aime pas son prochain n'observe pas le commandement, et qui n'observe pas le commandement ne saurait aimer le Maître.
   17. Heureux l'homme capable d'aimer tous les hommes également!.
   18. Heureux l'homme qui ne s'attache à aucun objet périssable et éphémère!.
   19. Heureux l'esprit qui a dépassé les créatures et jouit sans cesse de la beauté de Dieu!.
   20. Celui qui prenant soin de sa chair, en excite les convoitises et qui, pour des biens d'un instant, garde rancune à son prochain, voilà celui qui adore la créature de préférence au Créateur. (Rom 13,14;1,15).
   21. Qui garde son corps à l'abri du plaisir comme de la maladie s'en fait un auxiliaire au service des biens supérieurs.
   22. Qui échappe à toutes les convoitises du monde devient inaccessible à toute tristesse du monde.
   23. Qui aime Dieu aime aussi son prochain sans réserve. Bien incapable de garder ses richesses, il les dispense comme Dieu, fournissant à chacun ce dont il a besoin.
   24. Celui qui, en faisant l'aumône, veut imiter Dieu, ne met aucune différence entre bon et méchant, honnête ou malhonnête homme, dès lors qu'ils sont dans la nécessité. À tous il donne de même, à chacun selon ses besoins, tout en préférant pour sa bonne volonté le bon au méchant.
   25. Dieu, par nature bon et sans passion, aime également tous les hommes, œuvres de ses Mains, mais glorifie le juste, parce qu'il lui est intimement uni par la volonté, et dans sa bonté a pitié du pécheur, l'instruisant en cette vie pour le convertir. Ainsi l'homme bon et sans passion par volonté aime également tous les hommes, les justes pour leur nature et leur volonté bonne, les pécheurs, pour leur nature et par cette pitié, compatissante qu'on a pour un fou qui s'en va dans la nuit.
   26. Donner largement de ses biens est signe de charité; mais combien plus distribuer la parole de Dieu et servir les autres!.
   27. Qui a franchement renoncé aux biens du monde et, sans arrière-pensée, par amour, s'est fat serviteur de son prochain, est bientôt délivré de toute passion et établi participant de l'amour et de la connaissance de Dieu.
   28. Qui possède en soi l'amour de Dieu n'a plus de peine à suivre le Seigneur son Dieu, comme dit le divin Jérémie, mais supporte généreusement peines, critiques, violences, sans vouloir à personne le moindre mal.
   29. Si quelqu’un t'a outragé, ou marqué quelque mépris, prends garde aux calculs de la colère, de peur que, à la faveur de ton amertume, ils ne te séparent de l’amour pour t'établir dans les régions de la haine.
   30. Souffres-tu d'un outrage ou d'un manque d'égards ? Sache qu'il y a pour toi grand profit à ce que ta vanité soit ainsi chassée providentiellement par l'humiliation.
   31. Le souvenir du feu ne réchauffe pas le corps. De même une foi sans amour n'opère pas dans l'âme l'illumination de la connaissance.
   32. La Lumière du soleil attire à elle l'œil sain. De même la connaissance de Dieu attire naturellement à elle, par l’amour, l'esprit purifié.
   33. L'esprit est pur quand sorti de l'ignorance, il s'illumine sous la lumière divine.

Référence:
Touraille J. (1995), La Philocalie : Les écrits fondamentaux des pères du désert aux pères de l’Église (IVe-XIVe siècle), Tome Premier, éditions Jean-Claude Lattès, Desclée de Brouwer, France.