Saturday, November 26, 2016

Le "rayon d'action" de la prière de l'Ancien.

Saint Porphyre de Kavsokalyvia.

   "J'avais, Anargyre mon enfant, me dit un jour l'Ancien, un très bon ami, un hiéromoine, lequel reçut mission de se rendre en Amé­rique pour y proclamer la parole de Dieu. Nous fûmes tous deux affligés de cette séparation. L'Archevêché était toutefois inflexible. Il devait prendre le départ immédiatement. C'est ce qui fut fait.
   Le jour où nous nous sommes dit adieu, nous fîmes, devant Dieu, la promesse de prier l'un pour l'autre toute notre vie durant. Dès le premier soir, je me mis aussitôt à prier pour mon ami. Lui aussi, il m'écrivait qu'il faisait la même chose pour moi. Dans ses lettres qui suivirent, pourtant, il faisait état de tremblements terribles qu'il res­sentait pendant son sommeil. Il croyait qu'un courant électrique de grande intensité parcourait tout son corps depuis le haut de la tête jusqu'aux ongles des pieds.
Cette intensité était si grande qu'elle ne le laissait pas dormir. Ce phénomène se manifestait tous les soirs et son sommeil était devenu difficile. Au début, il supposa que ces troubles étaient dus à la différence des conditions climatiques qui existe entre notre pays et l'Amérique. Mais, quand il se rendit compte que, le temps avançant, ses troubles, au lieu de s'estomper, gagnaient en intensité, il se mit à s'inquiéter. Cela l'obligea à m'en informer par téléphone et à requérir mon opinion. Je le rassurai im­médiatement. Cela n'est rien lui dis-je. Tout simplement, tu as ou­blié la promesse que nous nous sommes faite lors de notre sépara­tion, de prier l'un pour l'autre. "À quelle heure ressens-tu ces cho­ses dont tu parles ?" lui demandai-je. Et lui de me répondre: "Le soir, quand je dors, à telle heure. - Hé bien, c'est à cette heure-là que moi, en toute humilité, je prie pour toi. Que soit glorifié le nom de Dieu qui fait que ma prière arrive jusqu'à toi en Amérique!. Fais, toi aussi, la même chose pour moi, parce que je suis pécheur", lui dis-je, et je raccrochai le téléphone. »
   Mais nous devons ajouter quelque chose de plus impressionnant encore, que nous avons entendu dire et dont nous avons, par recou­pement, vérifié la véracité. Une nuit, ce hiéromoine eut une sensa­tion de froid ; il se leva et trouva la porte de sa chambre ouverte. Cela lui sembla étonnant car il était sûr de l'avoir, selon son habi­tude, fermée. Après l'avoir refermée, il s'endormit de nouveau. Quand, quelques jours plus tard, il eut en entretien téléphonique avec le Petit-Père, le Petit-Père lui dit qu'il allait le voir quand il dormait au lieu de prier. Le hiéromoine mit cela en doute, faisant la réflexion qu'il était impossible que le Petit-Père se rendît en Améri­que pour le voir. Le Petit-Père lui dit alors avec simplicité: "Oui, je suis venu te voir et je t'ai même laissé la porte ouverte !". Le hiéromoine en resta stupéfait, comme si le tonnerre l'avait frappé.
   En ce qui concerne la prière du Petit-Père, nous avons entendu de nombreuses âmes déclarer qu'elles la ressentaient comme sérénité et consolation, soulagement et joie, comme une sensation de béatitude et de paix, quelque chose qui chassait toute affliction, toute angoisse, quelque chose qui créait une sensation de sécurité et d'assurance, ce qui créait une disposition à la prière et à la glorification de Dieu. Une dame, précisément (Ch. Ch.), qui avait perdu son mari récemment, raconte dans le livre de "KI. Ioannidis", L'Ancien Porphyre. Témoignages et expériences, que l'après-midi du jour même où elle avait annoncé à l'Ancien la mort de son époux, tandis qu'elle se trouvait chez elle, elle sentit tout d'un coup que s'en allait tout le poids qui pesait sur son âme, que celle-ci s'en trouvait soulagée et que d'elle jaillissait une joie telle qu'elle fit un signe de Croix et se dit : "Mon Dieu, une telle réaction de ma part est-elle raisonnable?". Et, poursuivant son récit, elle ajoute qu'elle a, par la suite, appris - et elle a vérifié cette information - que c'était à l'heure, précisément, où elle avait eu cette sensation-là, que l'Ancien Porphyre priait pour elle.
   Une autre dame a dit à une personne digne de confiance, dont nous tenons nous-mêmes cette information, que, lorsqu'elle demanda à l'Ancien de l'aider au sujet d'un problème qu'elle avait, celui-ci lui indiqua de prier en même temps que lui, à dix heures du soir. Quand celle-ci lui répondit que cela n'était pas possible à cette heure-là parce qu'elle devait s'occuper de sa famille, il lui proposa une prière commune (elle restant chez elle, bien entendu) à quatre heures du matin. Quand elle répondit encore qu'à cette heure-là elle avait du mal à se réveiller, qu'elle ne pouvait pas, non plus, mettre un réveil de peur de déranger sa famille, il lui dit qu'il irait la réveiller lui-même. Et, de fait, ainsi qu'il l'avait dit, tous les matins, à quatre heures, elle sentait qu'on la touchait légèrement ou bien qu'on lui poussait l'épaule; elle comprenait que c'était le signal de l'Ancien. C'était un appel agréable, sans trouble ni désagrément.
   Un autre de nos amis nous a raconté que lorsque, le soir, l'Ancien priait pour lui, il ressentait, certaines fois, une sensation de paix de l'âme et de légèreté du corps, comme si son corps voulait se lever du lit sans se déplacer dans la réalité Il y aussi le cas de quelqu'un qui devait de l'argent. Ce cas nous a été décrit par l'Ancien lui-même. L'Ancien, à la demande de son créancier, avait prié pour cet homme afin que Dieu l'éclaire et qu'il s'acquitte de sa dette. Celui-ci, dérangé par la prière de l'Ancien et ne voulant pas payer sa dette, lui demanda de cesser de prier pour lui.
   Il apparaît ainsi que, en de rares occasions, celui pour qui priait l'Ancien ressentait un certain désagrément, quelque chose comme un rappel instant. Cela arrivait, bien entendu, quand l'intéressé n'avait pas fait quelque chose qu'il aurait dû faire. Mais revenons à notre sujet. Une vingtaine de jours à peine étaient passés que le Petit-Père reçut un autre appel téléphonique de son ami hiéromoine, qui le priait, ni plus ni moins, de cesser de prier pour lui, car il ne le laissait pas dormir. En conséquence, il ne pouvait travailler le jour et courait le danger d'être considéré comme négligent et indifférent par l'Église du pays où il se trouvait. Le Petit-Père le lui promit et, de fait, cessa de prier pour lui. Ce dernier, ainsi qu'il l'a dit au Petit-Père, n'éprouva plus jamais les effets de la puissance de sa prière dont le "rayon d'action" était parvenu jusqu'en Amérique!.
   Nous devons toutefois faire de nouveau une digression afin de tirer cette question au clair, de manière à éviter tout malentendu.
   Tout ce qui a été relaté précédemment, c'est le Petit-Père qui s'est vu dans l'obligation de me le narrer, car, cet été-là, il m'arriva, à moi aussi, de subir... les mêmes perturbations du fait des prières de mon bien-aimé Petit-Père. C'était au mois d'août. Nous avions décidé, avec un couple d'amis, de passer nos vacances dans la ville d'eaux d'Aidipsos. Avant de m'en aller, je me rendis auprès du Petit-Père afin de recueillir sa bénédiction. En même temps, je lui demandai s'il voyait à l'avance comment je passerais mes vacances. Il me répondit: "Tu les passeras bien car moi je prierai continuellement." L'après-midi de ce jour même, nous nous rendîmes à "Aidipsos" où nous nous installâmes dans un hôtel de luxe; ne pensant qu'à faire la fête, nous avions oublié la prière et, plus généralement, nos devoirs religieux. Le soir, nous nous sommes couchés tard. Dès que nous nous sommes endormis, j'ai senti mon lit secoué si fort que j'ai cru à un tremblement de terre. Je me réveillai, pris de peur et criai fort: "Tremblement de terre!. Tremblement de terre!", tandis que je m'agrippais, en même temps, à mon lit, pour éviter de tomber et d'être tué. J'observai, toutefois, que personne ne s'était réveillé dans les chambres voisines ni dans les autres étages. Ce fait m'inspira une inquiétude plus grande encore. Je demeurai un long temps sans sommeil. Quand je m'endormis de nouveau, je ressentis la même chose et, en plus, je sentis que quelque chose comme un courant électrique traversait mon corps!. Cela se produisit plusieurs fois. Au matin, je demandai à mon ami, médecin, et à son épouse s'ils avaient ressenti les secousses telluriques qui avaient eu lieu la nuit, et eux riaient!. Les mêmes événements se déroulèrent les soirs suivants et mes vacances finirent par être un véritable martyre. À ce moment-là, je vis en rêve dans mon sommeil que me trouvais dans l'église de Saint-Nicolas (à "Calissia" sans doute). De l'icône du saint, émanaient, dirigés sur moi, des millions de faisceaux de rayons multicolores; la lumière en était extraordinairement brillante et ils provoquaient en moi une allégresse divine indescriptible! Après ce rêve aussi, je me trouvai dans l'obligation de communiquer avec le Petit-Père auquel je soumis tous ces faits. "Ne t'inquiète pas, me dit-il. C'est moi qui t'ai dérangé avec mes prières. À quelle heure as-tu vu saint Nicolas dans ton sommeil?", Je lui dis l'heure. "Hé bien, c'est à cette heure-là que je priais le saint pour toi. Poursuis tes vacances, mais n'oublie pas de prier." Je lui dis alors en souriant: "Petit-Père, je vous en prie si vous voulez que, moi, je continue mes vacances, il faut que vous, vous interrompiez vos prières pour moi. Autrement, il ne s'agit plus de vacances mais d'un martyre ... ". Le Petit-Père sourit avec bienveillance et une bonté infinies. Il voulait, par ce moyen-là aussi, me conduire à la vie spirituelle. Mais moi, rien à faire pour que je comprenne!.
   Cette histoire, il me l'a rappelée deux heures avant de partir pour son dernier voyage à la Sainte-Montagne; nous en avons ri tous deux très fort et avec une satisfaction toute particulière. Puisse-t-il, de là où il se trouve maintenant, prier aussi fort!. Ce serait, pour moi, la mésaventure la plus agréable…
   Le Père Porphyre fut décédé le 2 décembre 1991, à la Sainte Montagne "Athos" entouré de ses fils spirituels, en silence et loin du monde, comme il l’avait toujours souhaité. Le 27 Novembre 2013, le Patriarcat Œcuménique de Constantinople déclara sa canonisation, sa fête officielle étant le jour de son départ auprès du Seigneur le 2 décembre.

Référence:
Tomadakis A. (2007), Père Porphyre : Anthologie de Conseils, Grands Spirituals Orthodoxes du XXe siècles, Editions L’Age de l’Homme, Lausanne, Suisse.