Saint Dorothéos de Gaza
On se pose souvent cette question : Si dans les adversités, la souffrance nous conduit au péché, comment peut-on penser qu'elles sont pour notre avantage?.
Mais nous ne péchons en l'occurrence que parce que nous manquons de résignation et que nous ne voulons pas supporter la moindre peine ou souffrir quelque chose qui nous contrarie. Dieu, en effet, ne permet pas que nous soyons éprouvés au-delà de nos forces, comme le dit l'Apôtre : "Dieu est fidèle; il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de ce que vous pouvez supporter" (I Cor 10,13). C'est nous qui n'avons pas de patience, qui ne consentons pas à peiner un peu, qui ne supportons pas de recevoir quoi que ce soit avec humilité. Aussi sommes-nous brisés par les tentations : plus nous nous efforçons de les fuir, plus nous en sommes accablés et découragés, sans même pouvoir en sortir.
Ceux qui ont à nager en mer et qui connaissent l'art de la natation, plongent quand la vague arrive sur eux, et se laissent aller dessous, jusqu'à ce qu'elle soit passée. Après quoi ils continuent de nager sans difficulté. S'ils veulent s'opposer à la vague, celle-ci les repousse et les rejette à une bonne distance. Dès qu'ils se remettent à nager, une nouvelle vague vient sur eux; s'ils résistent encore, les voilà de nouveau repoussés et rejetés : ils se fatiguent seulement et n'avancent pas. Qu'ils plongent au contraire sous la vague, comme je l'ai dit, qu'ils s'abaissent dessous, et elle passera sans les gêner; ils continueront à nager tant qu'ils voudront, et à accomplir ce qu'ils ont à faire. Ainsi en est-il des tentations. Supportées avec patience et humilité, elles passent sans faire de mal. Mais si on reste à s'affliger, à se troubler, à accuser tout le monde, on se fait souffrir soi-même, en rendant plus accablante pour soi la tentation, et il en résulte que celle-ci nous est non seulement sans profit, mais même nuisible.
Car les tentations sont très profitables à qui les supporte sans trouble. Même lorsqu'une passion nous harcèle, nous ne devons pas nous en troubler. Si l'on se trouble en l'occurrence, c'est par ignorance et par orgueil, c'est parce qu'on méconnaît son propre état et qu'on fuit la peine. "Si nous ne faisons pas de progrès, disent les pères, c'est parce que nous ignorons nos limites, que nous n'avons pas de constance dans les œuvres que nous entreprenons, et que nous voulons acquérir la vertu sans travail." Pourquoi, en effet, le passionné s'étonne-t-il d'être tourmenté par une passion? Pourquoi s'en trouble-t-il, alors qu'il la met en œuvre? Tu l'as et tu te troubles? Tu en as les gages, et tu dis : "Pourquoi me tourmente-t-elle?". Supporte plutôt, combats et invoque Dieu. Car il est impossible de ne pas souffrir d'une passion, quand on s'est laissé aller à en commettre les actes. "Les instruments des passions sont en toi, disait l'abbé Sisoès. Rends-leur ce que tu tiens d'elles, et elles s'en iront !". Par "instruments" il entendait les causes des passions. Tant que nous les aimons et que nous nous en servons, il est impossible que nous ne soyons pas captifs des pensées passionnées, qui nous contraignent d'exercer malgré nous les passions, puisque volontairement nous nous sommes livrés entre leurs mains. En effet, lorsque quelqu'un combat pour ne pas accomplir le péché et se met à lutter même contre les pensées passionnées qui lui viennent a l'esprit, il est humilié et brisé dans la lutte, mais la souffrance des combats le purifie peu à peu et le ramène à l'état naturel. C'est donc, nous l'avons dit, ignorance et orgueil de se troubler, quand on est harcelé par une passion. On doit plutôt reconnaître humblement ses limites et attendre dans la prière que Dieu fasse miséricorde. Car celui qui n'est pas tenté et qui ignore le tourment des passions, ne lutte pas non plus pour être purifié. Le psaume dit aussi à ce propos : "Quand les pécheurs poussent comme l'herbe et que se découvrent tous ceux qui font le mal, c'est pour être anéantis a jamais" (Ps 91,8).
"Les pécheurs qui poussent comme l'herbe" sont les pensées passionnées. Car l'herbe est fragile et sans force. Quand les pensées passionnées poussent dans l'âme, alors "se découvrent tous ceux qui font le mal", c'est-à-dire se dévoilent les passions, "pour être anéantis a jamais". C'est en effet quand les passions se dévoilent à ceux qui combattent, qu'elles sont anéanties par eux.
Ainsi l'âme qui a cessé de commettre le péché et traversé la mer spirituelle, doit d'abord peiner dans la lutte et de multiples afflictions, et c'est ainsi à travers les épreuves qu'elle entrera dans le saint repos. "Car il nous faut passer par beaucoup de tribulations pour entrer dans le royaume des cieux" (Ac 14,22). Les tribulations excitent en effet la miséricorde de Dieu sur l'âme, tout comme les vents déclenchent la pluie. Et de même que la pluie trop fréquente fait pourrir le bourgeon encore tendre et détruit son fruit, tandis que les vents le font peu à peu sécher et lui rendent vigueur, ainsi pour l'âme : le relâchement, l'insouciance et le repos l'amollissent et la dissipent; les tentations au contraire la recueillent et l'unissent à Dieu. "Seigneur, dit le Prophète, dans la tribulation nous nous sommes souvenus de toi" (Is 26,16). Il ne faut donc pas, comme nous l'avons dit, nous troubler, ni nous décourager dans les tentations, mais patienter, rendre grâces et demander sans cesse à Dieu, avec humilité, d'avoir pitié de notre faiblesse et de nous protéger contre toute tentation pour sa gloire. Amen.
Référence:
Sr Pascale-Dominique Nau (2014), Les instructions de Saint Dorothée de Gaza, Rome.
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Prière sur celui qui souffre de maux de tête.
Toi qui a incliné la tête pour le crucifiement, tu as fait incliner devant toi toutes les choses visibles, tu as brisé leur tête et leur force, tu as broyé la tête de toute maladie, et tu as anéanti sa force, tu as relevé beaucoup de têtes courbées sous les péchés et les maladies. Toi, Maître, Seigneur daigne maintenant jeter les regards sur ton serviteur ici présent qui a incliné sa tête devant toi, brise la tête de la maladie qui tient sa tête, et anéanti la force de cette maladie, relève lui la tête et guéris le de la maladie qui le tient, car tu es notre tête et la tête est notre santé, et nous t’adressons la gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit maintenant et toujours et pour les siècles des siècles.
Référence :
Euchologium Sinaticum (12ème siècles) – Patrologia Orientalis vol 24, 1933.