Les cinqs martyrs: Auxence, Eustrate, Eugène, Mardaire et Oreste. |
À l'époque de
l'implacable persécution lancée par l'empereur Dioclétien (vers 305), la
terreur régnait et le sang coulait à flots, jusque dans les régions les plus
extrêmes de l'Empire. Où qu'ils se trouvent et quelle que soit leur condition
les chrétiens devaient alors choisir entre l'apostasie ou le martyre. Dans la
ville de Satala, en Arménie, vivait alors un brillant aristocrate, Eustrate,
conseiller de rang ducal et chef des notaires impériaux de la cité, qui avait
pu jusque-là garder secrète son appartenance à l'Église. Devant les glorieux
combats des confesseurs de la foi, il fut saisi lui aussi du désir d'obtenir la
couronne inflétrissable des martyrs, mais il craignait encore la perspective
des supplices: Peut-être n'aurait-il pas le courage de les endurer et
reculerait-il? Pour savoir si la volonté de Dieu était bien qu'il s'avançât au
combat, il confia sa ceinture, signe de sa dignité, à l'un de ses serviteurs,
en lui recommandant d'aller la poser sur l'autel de l'église et de lui dire si
la première personne qui allait entrer dans le sanctuaire pour la prendre
serait bien le vénérable prêtre Auxence.
Comme Il en fut
ainsi, encouragé par ce signe et ne craignant plus ceux qui ne peuvent tuer que
le corps (Mt 10, 28), il invita ses amis et ses proches à venir partager sa
joie dans un banquet, au cours duquel il leur annonça qu'il allait bientôt
recevoir un trésor inaltérable.
Le lendemain,
comme le duc Lysias faisait comparaître les prisonniers chrétiens à son tribunal,
au centre de la ville, Eustrate s'avança soudain, se déclara chrétien et
demanda à être associé à leur sort. D'abord stupéfait, le magistrat ordonna de
le dépouiller des insignes de sa charge, de lui ôter ses vêtements et de le
fustiger, avant de le soumettre à l'interrogatoire. Puis, suspendu par des
cordes au dessus d'un brasier, il fut à nouveau sauvagement frappé. Tout en
restant aussi indifférent à la douleur que si c'était le corps d'un autre qui
était supplicié, Eustrate remercia Lysias de lui procurer une telle joie et lui
dit : « Maintenant je sais que je suis le temple de Dieu et que le Saint-Esprit
habite en moi ! » Et malgré le sel et le vinaigre répandus sur ses plaies, il
se trouva miraculeusement guéri le soir même. Devant la constance du martyr et
l'assistance manifeste qui lui était accordée par la grâce divine, un de ses
concitoyens et subordonnés, l'officier Eugéne, s'élança à son tour vers le
juge, et demanda à combattre avec Eustrate et les autres confesseurs.
Les tourments des Saints Martyrs. |
Au petit matin,
on fit sortir les prisonniers de leur cachot pour les emmener à pied vers
Nicopolis et, avec une cruelle ironie, Lysias tint à honorer le rang d'Eustrate
en le chaussant de sandales couvertes de gros clous pointus. Après deux jours
de marche épuisante, comme le cortège passait dans la ville natale de saint
Eustrate, Arauraka, un certain Mardaire le reconnut en se penchant à la
fenêtre. Admiratif devant son renoncement à toute gloire et à tout plaisir de
ce monde, et encouragé au combat par sa propre épouse, il se décida à se livrer
lui aussi aux soldats. li rejoignit donc avec empressement les glorieux
disciples du Christ, après avoir dit adieu à ses deux enfants et avoir confié
le soin de sa famille à un généreux ami.
Le prêtre
Auxence comparut le premier devant Lysias. À la suite d'une audience
expéditive, on l'emmena dans une forêt profonde et retirée, où il eut la tête
tranchée, et son corps fut abandonné en pâture aux bêtes sauvages. Mais, grâce
à Dieu, de pieux chrétiens vinrent un peu plus tard récupérer ses précieux
restes et découvrirent sa tête dissimulée dans un fourré, grâce à
l'intervention d'une corneille.
Après Auxence,
le juge convoqua Mardaire. À toutes ses questions, il ne put obtenir que cette
réponse laconique: «Je suis chrétien! » Il lui fit alors percer les chevilles
et le fit pendre la tête en bas, en donnant l'ordre à ses hommes de le frapper
jusqu'à ce que mort s'en suive au moyen de broches incandescentes. Un peu avant
de rendre l'âme, Mardaire prononça cette prière que l'Église Orthodoxe répète quotidiennement:
«Maître Dieu,
Père Tout-Puissant, Seigneur Jésus-Christ, Fils unique et Saint-Esprit, Une
seule Divinité, Une seule Puissance, aie pitié de moi pécheur; et par les
jugements que tu connais, sauve-moi, ton indigne serviteur, car tu es béni pour
les siècles des siècles Amen»[1].
Amené à son
tour devant le tyran, plein de haine furieuse devant son assurance et son ton résolu,
Eugène eut la langue et les mains coupées, puis, le reste de ses membres ayant
été brisé à coups de bâton, il remit son âme à Dieu au milieu des tourments.
Ces exécutions achevées, Lysias se rendit auprès de ses troupes pour assister à
leurs exercices d'entraînement. Oreste, une jeune recrue, solide et de belle
allure, qu'il avait remarqué pour sa prestance, laissa apparaître, en lançant
le javelot, la petite croix en or, qu'il portait à son cou. Interrogé par le
duc, le jeune homme confessa sans hésiter qu'il était lui aussi disciple du
Christ. Il fut arrêté sur-le-champ et envoyé avec Eustrate auprès du gouverneur
de Sébaste, Agricolaos, car Lysias craignait la réaction possible des trop
nombreux chrétiens de Nicopolis.
Saint Oreste. |
Parvenus à Sébaste après cinq jours de marche, Eustrate fut présenté devant le gouverneur
qui désirait entamer avec lui la discussion. Grâce à sa vaste érudition, le
noble serviteur de Dieu n'eut pas de mal à lui démontrer l'ineptie des cultes
païens et la vanité de la philosophie hellénique. Puis, dans un langage concis
et plein d'autorité, il lui retraça comment Dieu s'est penché avec
bienveillance sur les hommes depuis l'origine des temps, afin de les combler de
sa grâce en la Personne de Jésus-Christ. Réfractaire à tous ces arguments,
Agricolaos lui rappela qu'il devait soumission absolue aux Christ. Réfractaire à
tous ces arguments, Agricolaos lui rappela qu'il devait soumission absolue aux
ordres de l'empereur et que, refusant d'adorer les dieux de l'État, il méritait
la mort. Il ne fit pourtant pas mettre immédiatement la sentence à exécution;
mais, pour rendre sa fin plus pénible, il fit amener Oreste et ordonna de
l'étendre sur un lit de fer incandescent. D'abord hésitant devant l'horreur du
supplice, mais bientôt encouragé au combat par Eustrate, le jeune homme
s'élança avec fougue, en s'écriant:« Seigneur, je remets mon âme entre tes
mains!»
De retour dans
son cachot pour sa dernière nuit en ce monde, Eustrate reçut la visite
clandestine de l'évêque de Sébaste, saint Blaise [11 fév.], qui lui promit
d'exécuter ses dernières volontés et de rassembler les reliques des cinq
compagnons à Arauraka. Après une nuit passée en prière et en de célestes
entretiens, l'évêque célébra la Divine Liturgie. Au moment de la communion, une
lumière aveuglante envahit soudain le cachot, et une voix venue du ciel
s'adressa a Eustrate : « Tu as bien combattu, viens maintenant recevoir la
couronne! » Prosterné a terre, le saint adressa a son tour à Dieu une ardente
prière pour recevoir le courage nécessaire dans la dernière épreuve. Puis il se
releva, marcha résolument vers la fournaise déjà brûlante, la bénit de la main
et y pénétra, en élevant vers le Seigneur un cantique d'action de grâces, comme
les trois Jeunes Gens a Babylone (cf. Dn3).
Eglise “Néa Moni” à “Chios”. |
Synaxaire du hiéromoine Macaire de Simonos Petras.