1. Sur la montagne de Nitrie, il y eut un homme admirable, du nom de Benjamin, qui y mena une vie vertueuse durant quatre-vingts ans et qui, après s'être exercé au plus haut degré à la vertu, fut jugé digne d'un charisme de guérison tel que tout homme, affecté de quelque maladie que ce soit, à qui il avait imposé les mains ou donné de l'huile en bénissant était délivré.
2. Huit mois avant de s'endormir, il devint hydropique et son corps enfla à tel point que l'on ne pouvait enserrer son petit doigt avec deux mains. Ne pouvant supporter la vue effrayante de la maladie, nous détournâmes de lui notre regard.
3. Alors le bienheureux nous dit : "Priez, mes enfants, pour que l'homme intérieur en moi ne devienne pas hydropique. Car ce corps ne m'a rien apporté dans la bonne santé, ni ne m'a fait du tort dans la mauvaise."
4. Durant ces huit mois, il utilisa un siège très vaste sur lequel il demeurait constamment assis, ne pouvant s'allonger sur un lit à cause des besoins naturels. Atteint lui-même par cette maladie incurable, il guérissait les autres, quelle que soit leur affection.
5. Lorsqu'il mourut, on dut ôter les vantaux de la porte, et même les pilastres, pour pouvoir le porter hors de la cellule, tant était importante l'enflure du corps du bienheureux Benjamin, bien digne de louanges.
[2] Du même.
1. Un certain Etienne, de nation libyenne, pratiqua la vie monastique durant soixante ans dans la région de "Marmarique" et du lac "Maria", et il devint un homme d'une ascèse éminente et d'un profond discernement.
2. Il fut jugé digne d'un charisme tel que tout homme, attristé de quelque façon que ce soit, qui allait s'entretenir avec lui, le quittait délivré de sa tristesse. C'est lui qu'allèrent voir "Ammonios et Évagre", et ils me rapportèrent qu'ils le trouvèrent en proie à une maladie terrible.
3. Il développait, dans la région du bas-ventre, un chancre que l'on appelle "dévoreur", et il recevait les soins d'un médecin tout en poursuivant avec nous la conversation, sans cesser de tresser des feuilles de palmier, supportant ce malheur avec action de grâces et patience comme si c'était un autre qui était opéré et non pas lui-même. On tailla dans le vif comme on coupe les cheveux, sans qu'il ressente rien, et il demeura immobile tant était grande sa préparation spirituelle.
4. Ce bienheureux se rendit compte que nous étions attristés et il nous dit: "Ne vous troublez pas, mes enfants, car jamais rien de ce que Dieu fait n'engendre le mal, mais cela trouve toujours une fin heureuse. En effet, il est vraisemblable que cette partie de mon corps devait subir un châtiment, et il est avantageux qu'elle reçoive sa peine ici bas plutôt qu'après la sortie de ce stade."
5. C'est ainsi qu'après nous avoir consolés par des paroles de patience, il nous affermit pour supporter avec constance les tribulations et ne pas nous en troubler puisque, même les saints en ont à souffrir d'effrayantes.
[3] De Grégoire le Dialogue.
1. L'église d'Ancône eut un évêque à la vie vénérable, appelé "Marcellin". Il souffrait à ce point de la goutte qu'il était incapable de marcher et devait se faire transporter en litière dans les lieux où il devait se rendre.
2. Un jour, à la suite d'une négligence, un grand incendie se déclara dans cette ville d'Ancône. Le feu se répandit et aucune entreprise humaine ne se révéla capable d'étouffer ces flammes qui avaient déjà consumé une bonne partie de la cité et la menaçaient d'une totale destruction. Profondément affecté par les dommages causés à la ville, l'évêque survint dans sa litière. Il commanda à ses porteurs de le poser devant le front des flammes, et il se tint ferme en cet l'endroit où semblait concentrée toute la force de l'incendie.
3. Le feu se mit alors miraculeusement à retourner sur lui-même, comme s'il confessait ne pouvoir, par déférence, passer outre un évêque. Et c'est ainsi que la flamme, contenue et refoulée, finit par s'étouffer. Te rends-tu compte, Pierre, de quelle éminente vertu était paré cet évêque qui, malade et incapable de se mouvoir, parvint à étouffer un incendie si violent?.
Pierre: Je m'en rends compte et j'en suis tout ébahi.
Référence :
Hiéromoine Nicolas (Molinier) (2010), Paroles et Exemples des Anciens, Recueil Ascétiques de Paul Evergetinos, Tome III, Monastère Saint-Antoine-Le-Grand et Monastère de Solan, France.