Homélie de Saint Jean Chrysostome
Fresco Holy Trinity Church - St John the Baptist Monastery - Douma - Lebanon |
Aujourd'hui voit Notre-Seigneur Jésus-Christ sur la croix, et nous en fête, afin qu’on apprenne que la croix est fête, et fête solennelle dans sa spiritualité. Autrefois, la croix était le nom de la condamnation, elle est maintenant devenue objet d'honneur. Autrefois symbole de mort, aujourd’hui principe de salut. Car elle a été cause pour nous de biens innombrables : elle nous a délivrés de l'erreur, elle nous a éclairés alors que nous étions dans les ténèbres ; vaincus, elle nous a réconciliés avec Dieu ; ennemis, elle nous a rendu l'amitié de Dieu ; éloignés, elle nous a rapprochés de lui. Destruction de l'inimitié, garantie de paix, et trésor de mille biens. Grâce à elle, nous n'errons plus dans les déserts, mais nous connaissons la vraie route ; nous n'habitons plus hors du palais royal, car nous avons trouvé la porte, nous ne craignons plus les flèches de feu du démon, car nous avons découvert une source. Grâce à la croix, nous ne sommes plus dans le veuvage, nous avons reçu l'Epoux ; nous ne vivons plus dans la crainte du loup, car nous avons le bon Berger : Je suis le bon Berger dit-il.
Par elle nous ne craignons pas l'usurpateur car nous sommes auprès du roi, et voilà pourquoi nous sommes en fête en célébrant le souvenir de la croix. Saint Paul, de même, fit célébrer la fête de la croix : Célébrons cette fête, dit-il, non avec le vieux levain, mais avec les pains sans levain de la sincérité et de la vérité. Et pour justifier cet ordre, il ajoute : Parce que le Christ, notre Pâque, a été immolé pour nous. Voyez-vous pourquoi il fait célébrer une fête en l'honneur de la croix? C'est parce que le Christ a été immolé sur la croix ; parce que là où est le sacrifice, là les péchés sont abolis, là nous sommes réconciliés avec le Seigneur, là tout n'est que fête et joie : Le Christ, notre Pâque, a été immolé pour nous. Où, immolé? Sur un gibet élevé. L'autel de ce sacrifice est nouveau, parce que le sacrifice lui-même est extraordinaire et nouveau. Car c'est le même qui est ici prêtre et victime : victime selon la chair, prêtre selon l'esprit ; le même offrait le sacrifice et était offert selon la chair.
Voulez-vous connaître un autre prodige de la Croix? Elle nous a ouvert aujourd'hui le paradis fermé depuis cinq mille ans et plus: car c'est aujourd'hui à cette heure, que Dieu y a introduit le bon voleur... Aujourd'hui le Seigneur nous a rendu notre antique patrie, aujourd'hui il nous a ramenés dans la cité de nos pères et il a ouvert une demeure à toute la nature humaine. Aujourd'hui, dit-il, tu seras avec moi dans le paradis. Que dites-vous? Vous êtes crucifié, fixée avec des clous, et vous promettez le paradis? - Oui, afin que vous appreniez ma puissance sur la croix. Triste spectacle que celui de Jésus sur la croix; pour vous en détourner et vous faire connaître la puissance du Crucifié, sur la croix même il fait ce miracle qui, plus que tout autre, était fait pour montrer l'étendue de sa puissance- Ce n'est pas en ressuscitant un mort, en commandant aux vents et à la mer, en chassant les démons, mais c'est crucifié, percé de clous, couvert d'outrages, de crachats, d'insultes et de honte, qu'il peut révoquer le jugement qui accablait le voleur. Afin que de toutes parts on vit sa puissance, il ébranla en même temps toute la création, il brisa les rochers, et l'âme du bon voleur, plus dure que la pierre, il l'attira, il la remplit d'honneur en lui disant : Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. Les chérubins sans doute gardaient le paradis, mais il est le Maître des chérubins ; ils y faisaient tournoyer le glaive de feu, mais il a tout pouvoir sur le feu et sur l'enfer, sur la vie et sur la mort. Sans doute aucun roi n'a jamais permis à un voleur ou à l’un de ses serviteurs de s'asseoir à ses côtés lorsqu'il fait son entrée dans sa capitale. Mais le Christ l'a fait: en entrant dans la sainte Patrie, il y introduit un voleur à ses côtés, et ce n'est pas déshonorer le paradis ni le souiller, c’est l’honorer, car c’est une gloire pour le paradis d’avoir un Maître qui puisse rendre un voleur digne du bonheur qu’on y goûte. Lorsqu’il introduisait les publicains et les prostituées dans le royaume des cieux, ce n’était non plus un déshonneur, c’était une gloire pour le royaume, car il montrait ainsi que le Maître du royaume des cieux était aussi puissant qu’il pouvait changer les publicains et les pécheresses au point de les rendre dignes d’une telle gloire et d’une telle récompense.
Ce n'est pas seulement dans la croix mais encore, dans les paroles prononcées sur la croix qu'on peut voir une ineffable bonté. Bien qu'il fût cloué, bafoué, ridiculisé, couvert de crachats, Jésus disait : "Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font".
Crucifié, il prie pour ses bourreaux, alors qu'on lui répond: "Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix et nous croirons en toi". Mais justement à cause de cela il ne descend pas de la croix, et c'est encore, parce qu'il est Fils de Dieu qu'il est venu, afin d’être crucifié pour nous : Descends de la croix, lui disent-ils, et nous croirons en toi. Ce ne sont que des mots, simple prétexte pour ne pas croire. Car il était beaucoup plus difficile de sortir d'un tombeau fermé avec une pierre que de descendre de la croix. Il était beaucoup plus difficile de tirer de la tombe Lazare mort depuis quatre jours et enseveli dans ses bandelettes, que de descendre de la croix. Mais eux disaient : "Si tu es le Fils de Dieu sauve-toi toi-même". Or, il faisait tout pour sauver ceux-là même qui l'insultaient, et il disait : "Pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font". Quoi donc? Les a-t-il absous de leur péché? Il l'aurait fait s'ils eussent voulu se repentir.
Imitons donc le Seigneur, prions pour nos ennemis. Car si nous aimons nos ennemis, nous devenons, dans la mesure où la nature le permet, semblables à Dieu. Soyons donc semblables au Père : Soyez parfaits, dit Jésus, comme notre Père qui est dans les cieux. Alors nous mériterons d’obtenir le royaume des cieux, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur, Dieu et Sauveur, Jésus-Christ à qui gloire et puissance soient à jamais, dans tous les siècles. Amen.
Référence :
Orandi L. (1949), Homéliaire Patristique, Les Editions du Cerf, Paris, France.